Gagner des millions en jouant… mais perdre son âme ? Le play to earn : du rêve au cauchemar – Le Meta Hebdo
Génération désenchantée– Qui n’a jamais rêvé de gagner des millions en jouant au lieu de travailler ? La croissance de l’industrie cryptographique ces dernières années a pu voir surgir de nombreux projets et modèles vantant ce tour de force révolutionnaire. Porté par la finance décentralisée (DeFi) permettant des récompenses incomparables à ce que peuvent nous proposer les banques traditionnelles, la blockchain a vu naître les jeux dits « play to earn » (P2E) ou, en français : jouer pour gagner. Moteur de cette industrie surnommée GameFi (addition du terme gaming et DeFi) les gains possibles en cryptomonnaies et en NFT n’ont eu de cesse d’attirer de nouveaux utilisateurs. Ils ont aidé à une popularisation des cryptomonnaies et surtout des jetons non fongibles
Decentraland, The Sandbox, God’s Unchained ou encore dans un autre genre Step’N, les jeux dits NFT se développent accompagnés et parfois portés par leur communauté. Unis autour d’un modèle économique construit avec des cryptomonnaies (la plupart du temps une cryptomonnaie dite de gouvernance et une dite utilitaire), ils accompagnent la naissance d’un modèle de jeu – et de travail – qui permet pour certains de gagner leur vie.
Aussi, propulsé par les idées et les principes de la décentralisation, le modèle play to earn semble pouvoir changer la donne. En effet, il inclut un nouveau rapport à l’argent dans le jeu. Nous comprendrons alors au fil de ce Meta Hebdo que l’enjeu, au-delà de l’argent et de la relation toxique qu’il peut engager, reste le maintien de l’engagement des joueurs au long terme. Quels que soient les cataclysmes que subit le projet.
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Les jeux play to earn : l’attrape-rêve
Les NFT, stars de la blockchain
Les NFT sont probablement la technologie issue de la blockchain la plus populaire. De nombreuses personnalités et autres vedettes ont permis sa popularité. Snoop Dogg et Eminem pour les MTV Music Awards ont fait le show dans le metaverse en compagnie des Bored Ape Yatch Club. Paris Hilton est à l’initiative d’un récent partenariat avec The Sandbox confirmant son statut de reine du métavers. Tous ces exemples participent au succès naissant des jetons non fongibles.
Centre d’intérêt dans The Sandbox et dans bien d’autres jeux play to earn, élément essentiel pour jouer, les NFT sont les billets qui permettent souvent un accès aux jeux et aux récompenses en cryptomonnaies. Une nouvelle vision du gaming se dessine ainsi, encouragée par l’appât du gain.
Par extension, la découverte des vertus de la finance décentralisée devient alors une aubaine pour les joueurs. Sans intermédiaire, certains se transforment en réels apprentis « farmer », fermiers, qui utilisent la DeFi pour faire fructifier leur gain. C’est d’ailleurs l’objectif premier des jeux play to earn. Agir pour que les capitaux ne quittent pas le navire – trop – rapidement. Les services de stacking et autres pools de liquidités proposent alors aux joueurs de bloquer leurs fonds en échange de toujours plus de rendement.
Ainsi, The Sandbox offre le staking de son jeton de gouvernance, le SAND. Axie Infinity de son côté avec la Ronin Chain et son échange décentralisé (DEX) Katana, propose le staking d’AXS, de SLP et de lands. Pools de liquidité, récompenses quotidiennes : l’attirail de l’apprenti agriculteur du web 3 est mis à la disposition du joueur.
Les jeux play to earn, le fantasme du monde d’avant
Le gaming, un peu essoufflé, voit alors dans le développement de jeux sur la blockchain l’opportunité de faire peau neuve et de redémarrer une croissance prospère. En témoigne les différentes levées de fonds et autres partenariats qui brassent des milliards de dollars pour lancer des métavers et autres jeux blockchain.
Sorare, par exemple, fier du soutien de Zinedine Zidane, a récemment fait le choix de s’associer avec la NBA pour développer un jeu de fantasy basketball. Les GAFAM et autres grandes marques de luxe veulent également leur part du gâteau. Ils ont ainsi le doux rêve de s’étendre dans le web 3, certains pour y développer des jeux P2E. Louis Vuitton a développé justement une application, un jeu, permettant de gagner des NFT.
Chaque jeu, unique dans sa stratégie et dans sa mécanique a permis de voir plusieurs sous secteurs se développer : play to earn, move to earn, create to earn, etc. … Chaque modèle a pu réussir, et se développer sereinement. Mais, chacun a pu rencontrer un problème. Celui de l’augmentation du nombre d’utilisateurs. Mais nous y reviendrons.
Les défis des jeux play to earn
Cependant, et l’actualité nous le démontre régulièrement, les jeux play to earn ont encore quelques défis à relever. L’intégration des NFT n’en est qu’à ses débuts. L’interopérabilité entre les blockchains permettant l’utilisation des NFT d’un jeu blockchain à l’autre n’en est qu’à ses balbutiements.
Il en est de même concernant la sécurité propre à un jeu blockchain. Les mésaventures de The Sandbox cette semaine, victime d’un piratage de leur réseau social Instagram en est un exemple flagrant. Le hack historique dont a été victime Axie Infinity au mois de mars 2022 participe également à cette crainte des pirates du web. Ils sont une menace constante sur les protocoles et surtout sur les bridges, les ponts inter-blockchain, facilitant les transferts de fonds.
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Le joueur de play to earn : la nouvelle bête humaine ?
Play to earn : de réels empires crypto
Axie Infinity : le rêve du web 3
La finance décentralisée a ainsi permis à de nombreuses personnes de vivre de leur jeu emportées par des gains mirobolants pendant le bull market. Réel ascenseur social, le jeu Axie Infinity a permis à certains de grande chose lorsque les SLP s’élevaient à près de 0,88 centime de dollars et qu’il était possible d’en gagner plusieurs centaines par jours. Face à la chute de leur prix, Axie Infinity a encore dû récemment revoir complétement les règles de son jeu.
Au-delà des créateurs de contenu qui ont vu le jour avec le jeu, le play to earn de Sky Mavis, maison mère d’Axie Infinity a été un jeu rentable pour des milliers de personnes. Hélas, le cours des SLP s’est vu abîmé au fur et à mesure que le nombre de joueurs augmentait. Les SLP étaient alors frappées par millions par jour. Axie Infinity ayant eu à son apogée jusqu’à 2 millions d’utilisateurs quotidiens.
Quand le rêve devient une industrie
Face à l’augmentation des prix des NFT, il devenait compliqué de devenir propriétaire de son propre NFT. Les éleveurs de petites bêtes ont alors décidé de créer un système de scholarships, de prêts de NFT en échange d’intérêt sur les gains réalisés dans le jeu. C’est la naissance des premières guildes play to earn. Notons que pour jouer à Axie Infinity, il vous faut au minimum 3 Axies pour former une équipe. C’est un investissement qui pouvait à une époque dépasser les 1 500 dollars.
La guilde de Big Chief est ainsi prise en exemple dans les recherches du magazine Tech Rest of The Wolrd. Ce joueur américain a fait faire le tour du monde à ses Axies pour qu’ils atterrissent dans les mains de jeunes joueurs philippins. Cependant, face à la chute du cours du SLP, et donc la réduction des gains de ses scholarships, Big Chief, attiré par l’appât du gain a décidé de changer de crémerie.
« J’ai beaucoup de jeunes qui jouent pour moi parce qu’ils veulent gagner de l’argent supplémentaire dans un pays qui le enferme vraiment. »
Big Chief – Source : Rest of World
Critterz : le monde merveilleux de Minecraft qui solutionne les problèmes d’Axie Infinity
Face au déclin d’Axie Infinity, gangrené par un système de scholarships qui, malgré de nombreux rééquilibrages économiques n’arrive pas à remonter la pente, certains ont souhaité résoudre le problème du jeu play to earn. Il fallait remettre le plaisir dans le jeu afin que les joueurs ne quittent pas le navire quand la cryptomonnaie s’effondre.
Emerson Heish décide alors de créer – feu – Critterz, un monde dans le métavers de Minecraft. L’idée lui est venue fin de l’année 2021, quand les SLP commençait justement à faire la soupe à la grimace. L’objectif premier de Critterz est alors simple : garantir que les joueurs gagnent leur vie en jouant. Le jeu aurait alors continuellement des utilisateurs. Réelle réponse au déclin d’Axie Infinity, Rest of World reporte ainsi les déclarations de E. Heish :
« Axie Infinity construisait essentiellement son propre jeu à partir de zéro (…) Minecraft est le jeu le plus populaire de tous les temps et nous souhaitions savoir s’il était possible d’y intégrer le web 3. »
Le co-fondateur de Critterz imagine alors un métavers de modèle play to earn ou les joueurs seraient payés pour le temps qu’ils passent dans le jeu. Construit sur la blockchain Ethereum et sur un serveur Minecraft, le jeu possédait des terrains, des bâtiments, des avatars NFT ainsi que sa crypto : le BLOCK.
Description du NFT :
« La première collection de NFT entièrement sur la blockchain pour permettre le P2E en jouant à Minecraft. Générez des jetons BLOCK dans le jeu et utilisez-les pour réclamer des parcelles de terrain NFT dans le jeu. »
Critterz – Source : OpenSea
La dernière semaine du mois de décembre 2021 Critterz lançait donc 2 650 NFT, gratuits. Il fallait seulement payer les frais de gas. Le 10 janvier 2022 ces mêmes NFT valaient plus de 7 000 dollars. Critterz embauche des développeurs et possède jusqu’à 18 employés : la machine se lance.
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Critterz : les idéaux DeFi abîmés
Le projet NFT établit alors un monde dans Minecraft, construit par Heish et ses associés. La détention de NFT Critterz permettant l’accès dans le monde virtuel. En pleine crise Axie Infinity, Big Chief, rappelez-vous, notre manager de scholarships, décide de délocaliser ses joueurs. Il les emmène alors sur Critterz. Ces derniers travaillent ensuite de manière automatisée comme des ouvriers à la chaine. Ils récoltent les matières premières virtuelles. Elles permettront au chef de la guilde de construire un casino commandé pour 4 ETH à des architectes Minecraft.
Emploi, management, délocalisation… nous y sommes. Big Chief embauche ses joueurs 8 h par jour et leur propose un temps plein pour récolter ses matières premières. Il partage 40 % de gains pour le joueur, 60 % pour lui. Le jeu play to earn atteint alors ses limites. L’ embauche d’humains pour faire ce qui, dans un jeu lambda se fait automatiquement ou en attendant un temps donné montrant les obstacles d’un développement play to earn selon ce modèle.
Cependant, plus Critterz est populaire, plus ses joueurs travailleurs sont nombreux à vendre leurs BLOCKs. Ainsi en janvier 2022, la cryptomonnaie passe de 0,85 à 0,002 dollar à l’heure où nous écrivons ces quelques lignes.
Le play to earn, un modèle de jeu dystopique ?
Le jeu en vaut-il la crypto ?
Au-delà de la chute du cours de la cryptomonnaie de ce projet, Minecraft a confirmé ne pas vouloir développer de jeux NFT sur la blockchain. C’est la fin du – mauvais – jeu Critterz. Nous avons pu d’ailleurs remarquer lors de nos recherches que les réseaux sociaux du projet sont pour majorité coupés. Le témoignage de Rest of World explique, quant à lui, que le jeu est déserté.
L’argent, et Big Chief en est l’exemple avec son casino et son armée de joueurs travailleurs, peut inciter à un comportement toxique. Un homme riche embauchant des joueurs habitants dans des pays en développement et récupérant plus de la moitié de l’argent qu’ils récoltent rappelle parfois des moments sombres de l’Histoire. L’argent ne pouvant alors pas se permettre d’être l’objet central et le moteur du jeu pour que ce dernier soit durable.
En effet, si le joueur dès qu’il possède son gain, souhaite le convertir en monnaie fiat, se pose alors un problème d’offre et de demande évident. Les changements économiques progressifs d’Axie Infinity en sont un exemple flagrant. Les récompenses ont d’ailleurs radicalement diminué et seuls les meilleurs gagnent les précieuses SLP. En outre, le jeu a également revu entièrement ses mécaniques pour éviter les dérives et combattre l’ennui d’un jeu trop automatisé.
The Sandbox choisit également de limiter ses gains en SAND. Pour ce faire, le métavers pixelisé fait le choix de distribuer un Alpha Pass aux meilleurs lors de saisons de jeu qui se déroulent sur un temps donné. Seuls les détenteurs d’un Alpha Pass pourront alors prétendre à certaines récompenses s’ils acceptent de passer… un KYC.
Play to earn ou work to earn – une idée odieuse pour le gaming
L’idée même du jeu comme travail pour gagner sa vie questionne également. Dépendance au jeu en ce qu’il permet de vivre, celui-ci ne procure plus le même plaisir. Les hacks et la volatilité des cryptomonnaies deviennent alors des enjeux, des menaces qui peuvent faire s’écrouler toute une vie.
L’humanisation des PNJ, initiales de personnage non-joueur au sein d’un jeu, calque de l’anglais NPC (non-player character) et à l’inverse l’utilisation de bot pour jouer dans le jeu et maximiser ses récompenses pourrissent les jeux play to earn. Un réel marché du travail se construit et la notion de main d’œuvre numérique se développe.
Mikhai Kossar, consultant blockchain et membre de Wolves DAO, souligne donc, à juste titre, l’importance de l’éducation pour structurer les guildes et autres DAO. L’objectif ? Que tout le monde ait le même niveau d’information pour non pas convertir ses cryptomonnaies en fiat, mais les garder afin de bénéficier des revenus permis par la finance décentralisée. Le journal Decrypt rapporte ainsi son propos :
« Il faut donner au secteur du jeu blockchain des informations clés, une éducation et des outils pour créer les jeux et les communautés de demain. »
Mikhai Kossar – Source : Decrypt
Ne tombons pas dans le drame ! Mais, bien sûr, le fil de notre article constituera un argument solide utilisé par le secteur du gaming traditionnel, toujours frileux quant au développement des jeux Web 3. Cependant, l’évolution de certaines guildes et DAO permettant l’éducation du joueur et une approche décentralisée de la démarche éducative. Il devient alors possible d’envisager des équipes de joueurs qui collaboreraient dans la même direction et non pour la même personne.
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