Les dates marquantes de l’histoire des stablecoins

Chapitre IV Article c

Bien que relativement récents, les stablecoins ont une histoire plutôt chargée pour leur jeune âge. Après avoir vu pourquoi ils ont été créés ainsi que leur utilité, retraçons maintenant les dates qui ont marqué leur parcours, depuis leur apparition jusqu’à nos jours. Pas toujours aussi stables et transparents qu'ils le devraient, au cœur de divers scandales, apprêtez-vous à découvrir que leur histoire, comme leur cours, a parfois fait plus de remous qu'un long fleuve tranquille.

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De 2012 à 2017 : les fondations

Les fondations des stablecoins, 2012 à 2017
  • 6 janvier 2012 : JR Willett poste un livre blanc intitulé « The Second Bitcoin White Paper » sur Bitcoin Talk. Il y décrit la possibilité de créer des couches secondaires sur Bitcoin pour y créer et utiliser d'autres jetons. C'est ce qui servira de base au premier stablecoin de l'histoire.
  • 31 juillet 2013 : JR Willett lance la première Inital Coin Offering (ICO) de l'histoire pour développer MasterCoin (aujourd'hui renommé Omni Layer), technologie sur laquelle s'appuiera le premier stablecoin. Il lève 4 740 bitcoins, soit l'équivalent d'environ un demi million de dollars à l'époque.
  • Septembre 2014 : Giancarlo Devasini et Philip Potter fondent Tether Holdings Limited dans l'ombre, aux Îles Vierges Britanniques, aidés par le cabinet d'avocats Appleby. La holding et ses membres resteront très secrets jusqu'en 2017, lors de l'affaire des Paradise Papers.
  • 6 octobre 2014 : Brock Pierce, membre fondateur de la Fondation Mastercoin, Reeve Collins et Craig Sellars, directeur technique de la Mastercoin Foundation, fondent RealCoin, start-up avec laquelle ils émettent les premiers stablecoins sur le protocole Omni Layer.
  • 20 novembre 2014 : RealCoin est renommé Tether, et la société annonce émettre trois stablecoins, indexés respectivement sur le dollar, l'euro et le yen japonnais. Elle affirme détenir la monnaie fiat équivalente pour chaque jeton émis, qui peut ainsi être échangé contre son actif sous-jacent à tout moment. La start-up déclare être basée à Hong Kong avec des bureaux en Suisse, sans plus de précisions.
  • Janvier 2015 : la plateforme d'échange de cryptomonnaies Bitfinex devient la première à lister le stablecoin de Tether.
  • 8 mars 2015 : première apparition de l'USDT sur CoinMarketCap en 115ème position avec une TVL totale de 251 000 dollars.
  • 3 janvier 2016 : le nombre d'USDT en circulation passe le million, avec des volumes d'échange journaliers moyens de quelques dizaines de milliers de dollars.
  • 2 janvier 2017 : le nombre d'USDT en circulation passe les 10 millions avec des volumes d'échange journaliers tournant autour de 2 millions de dollars.
  • 10 septembre 2017 : Tether lance ses stablecoins indexés sur le dollar (l'USDT) et sur l'euro (EURT) sur la blockchain Ethereum sous forme de jeton ERC-20. Il y a alors environ 360 millions d'USDT en circulation. Les choses s'accélèrent et l'entreprise imprime des USDT à tour de bras, faisant alors planer le doute sur ses réserves réelles.
  • 5 novembre 2017 : publication des Paradise Papers par le Consortium international des journalistes d'investigation, qui fuitent du cabinet d'avocats Appleby. Le public y découvre entre autres les liens compromettants existants entre Tether et Bitfinex. Trois cadres dirigeants de Bitfinex sont liés de très près à Tether : Giancarlo Devasini, Philip Potter et Jean-Louis Van Der Velde (CEO des deux entités).
  • 6 décembre 2017 : des assignations à comparaître de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) sont envoyées à Tether et Bitfinex.
  • 13 décembre 2017 : la TVL de l'USDT passe le milliard de dollars.
  • 18 décembre 2017 : lancement du premier stablecoin émis par l'entité décentralisée MakerDAO : le DAI. Ceci se fait dans l'optique de coller davantage aux valeurs originelles de décentralisation des cryptomonnaies, et d'éviter les problèmes de transparence dont fait preuve Tether.

De 2018 à 2021 : la concurrence

La concurrence des stablecoins, 2012 à 2017
  • Janvier 2018 : création de TerraForm Labs par Do Kwon et Daniel Shin, à l'origine de la blockchain Terra (maintenant renommée Terra Classic) et de son stablecoin algorithmique, l'UST.
  • 28 janvier 2018 : la TVL de l'USDT fait plus que doubler et dépasse les 2,2 milliards de dollars.
  • 10 septembre 2018 : lancement du Pax Dollar (PAX - renommé USDP en août 2021), un stablecoin centralisé indexé sur le dollar et émis par Paxos.
  • 26 septembre 2018 : lancement de l'USDC, le stablecoin centralisé qui se révèlera plus tard comme le plus grand concurrent de l'USDT. Ceci se fait dans le cadre d'une collaboration entre Circle, une société reconnue de transfert de fonds créée en 2014, et Coinbase, la célèbre plateforme d'échange de cryptomonnaie centralisée. Circle se veut plus transparent que Tether afin de rassurer ses utilisateurs.
  • 15 octobre 2018 : le prix de l'USDT chute brièvement à 0,88 dollar. Les traders et investisseurs vendent en masse leurs jetons face aux rumeurs qui circulent, laissant penser que la très opaque société émettrice du stablecoin ne possède pas assez de fond pour couvrir tous les tokens qu'elle a émis.
  • 18 juin 2019 : Facebook dévoile le livre blanc de Libra, un stablecoin indexé sur un panier de monnaies fiat. Il entraînera une prise de conscience des régulateurs sur l'impact potentiel des monnaies numériques sur la souveraineté étatique.
  • 5 septembre 2019 : Binance lance son propre stablecoin indexé sur le dollar, le BUSD, en collaboration avec Paxos qui en est l'émetteur. Paxos lance aussi le Paxos Gold (PAXG), le premier stablecoin indexé sur le prix de l’once d'or.
  • Avril 2020 : la Chine teste sa MNBC, le e-CNY dans quatre grandes villes du pays (Shenzhen, Suzhou, Chengdu et Xiong'an). Le e-CNY faisait partie des projets du gouvernement depuis longtemps déjà, qui avait lancé son étude depuis 2014.
  • 10 novembre 2020 : lancement du stablecoin centralisé TUSD, émis par TrustToken, une entreprise basée à San Francisco.
  • 7 décembre 2020 : la Libra Association annonce que le stablecoin sera lancé sous le nom de Diem et que le projet se concentrera finalement sur le développement d'un stablecoin indexé sur le dollar américain.
  • 20 décembre 2020 : lancement du stablecoin FRAX. Il s'agit du premier stablecoin à mélanger les modes de fonctionnement, se disant « fractionnel algorithmique ». Il est partiellement adossé à des garanties comme les stablecoins centralisés et partiellement stabilisé de manière algorithmique.
  • 17 mars 2021 : lancement de l’EUR-L, un stablecoin français indexé à l’euro.
  • 5 avril 2021 : lancement du protocole d'emprunt Liquity et de son stable algorithmique, le LUSD. Ce stablecoin a la particularité d'être décentralisé et d'être géré par des smart contracts qui ne peuvent pas être modifiés. Aucune DAO ne gère le projet. Il est « inarrêtable » et fonctionnera tant que la blockchain Ethereum tournera.
  • 25 avril 2021 : la TVL de l'USDT dépasse les 50 milliards de dollars pour la première fois.
  • 17 juin 2021 : fin du stablecoin algoritmique IRON qui perd sa parité et de son jeton associé, le TITAN, qui tombe à zéro. Ce stablecoin fonctionnait comme le LUNA et l'UST qui suivront le même chemin quelques mois plus tard.
  • 19 octobre 2021 : la CFTC condamne Tether à payer une amende de 42 millions de dollars pour avoir mélangé ses fonds avec ceux de Bitfinex et ne pas avoir réalisé d'audit de ses réserves dans les règles de l'art.
  • 1 novembre 2021 : le Nigeria lance sa MNBC, le e-NAIRA.
  • 26 janvier 2022 : le stablecoin Diem (ex-Libra) de Meta (ex-Facebook) met officiellement la clé sous la porte.
  • Février 2022 : la Chine profite des jeux olympiques pour faire tester sa MNBC aux étrangers et annoncer son lancement officiel pour les non-résidents. Le manque de publicité et la présence des paiements Visa le laissent cependant sur la touche, bien que ses volumes d'échange aient tout de même dépassé celui de Visa durant la journée d'ouverture. Le gouvernement étend la zone de test du e-CNY à six régions supplémentaires au cours du mois qui suit.
  • 5 mai 2022 : lancement de l'USDD, un stablecoin algorithmique sur le réseau TRON par son fondateur Justin Sun. Il fonctionne sur le modèle de l'UST de Terra.
  • 9 mai 2022 : l'UST commence à perdre son indexation sur le dollar alors qu'il a une capitalisation boursière totale d'environ 19 milliards de dollars. C'est le début d'un effondrement historique. En moins d'une semaine, il ne vaut plus que quelques centimes et entraîne dans sa chute le jeton LUNA, alors en neuvième position du CoinMarketCap avec pas loin de 22 milliards de dollars de capitalisation boursière, avec lequel il était algorithmiquement lié. Ce dernier passe d'environ 120 dollars à pas loin de 0. C'est un total de 45 milliards de dollars qui disparaissent de l'écosystème en quelques jours à peine. Des débats houleux sur les stablecoins, leur légitimité et leur solidité font rage dans la communauté.
  • 12 mai 2022 : l'USDT perd temporairement sa parité, atteignant des niveaux autour de 0,95 dollar.
  • 16 juin 2022 : la société Circle annonce la création du premier stablecoin d'envergure basé sur l'Euro : l'EUROC.
  • Septembre 2022 : un projet de loi propose d'interdire les stablecoins algorithmiques aux États-Unis pendant 2 ans. Il ne sera pas adopté par la suite.
  • 28 septembre 2022 : sortie de la version alpha de Taro, un protocole dont l’ambition est de permettre l’émission et la circulation d’actifs comme des stablecoins sur le Lightning Network.

De 2023 à aujourd'hui : la régulation

La régulation des stablecoins, 2012 à 2017
  • Courant 2023 : de nombreux forks de Liquity et du LUSD voient le jour : Gravita, Prisma Fiance, Lybra Finance... tous des stablecoins algorithmiques « inarrêtables ». À l'heure actuelle, leur TVL globale reste encore négligeable face à celle des stablecoins centralisés.
  • 11 mars 2023 : suite à l'effondrement de la Silicon Valley Bank, un vent de panique s'empare du marché. La société Circle, émettrice de l'USDC, se retrouve en effet avec une part importante de ses réserves gelées (environ 8 %). Les détenteurs du jeton, encore traumatisés pour certains par l'affaire de l'UST de Terra, vendent en masse durant le week-end, lui faisant perdre sa parité qui tombe jusqu'à 0,87 dollar. À l'ouverture des banques le lundi 13, le cours retrouve heureusement la parité avec le dollar. Si certains ont perdu beaucoup durant la panique, d'autres en ont profité pour se remplir les poches, dont les plateformes et protocoles d'échange de cryptomonnaies.

    Pour limiter la casse en cas d'événement similaire, MakerDAO modifie le panier de crypto sur lequel s'appuyait le DAI pour garantir sa valeur (il contenait alors environ 40 % d'USDC).
  • 16 mai 2023 : le règlement MiCA est formellement adopté par le Conseil de l’Union européenne. Il sera applicable à partir du 30 juin 2024 pour certaines dispositions relatives aux stablecoins.
  • 1 juin 2023 : FD121 Ltd, située à Hong Kong, lance un stablecoin centralisé indexé sur le dollar, le First Digital USD ou FDUSD.
  • Juillet 2023 : un rapport de la banque suisse Bank for International Settlements (BIS) déclare que 15 MNBC devraient voir le jour d'ici à 2030, 93 % des banques centrales travaillant sur le sujet.
  • 21 juillet 2023 : la Chine enregistre l'équivalent de plus de 250 milliards de dollars d'échange avec son Yuan numérique, le e-CNY.
  • 24 juillet 2023 : Vladimir Poutine signe un projet loi autorisant la Banque centrale de la Fédération de Russie à émettre sa propre monnaie numérique.
  • 20 octobre 2023 : la Banque Centrale Européenne publie un rapport de 44 pages sur l'avancée de ses recherches concernant l'euro numérique et annonce un chantier de 2 ans pour préparer le lancement de sa MNBC.
  • 25 novembre 2023 : la Corée du Sud teste une MNBC avec 100 000 personnes durant 3 mois.
  • 29 novembre 2023 : face aux pressions réglementaires, Binance met fin à son stablecoin émis par Paxos, le BUSD. Les utilisateurs peuvent encore les échanger sur leur plateforme jusqu'au 15 décembre. Les BUSD non convertis seront remplacés automatiquement par du FDUSD.
  • 3 janvier 2024 : depeg de l'USDC sur Binance pendant quelques minutes jusqu'à 0,76 dollar par unité suite à la chute du prix du bitcoin ayant entraîné de nombreuses liquidations.
  • 5 janvier 2024 : la Banque Centrale Européenne annonce avoir 1,3 milliard d'euros à distribuer à des entités privées qui aideraient au développement de l'euro numérique.
  • 19 février 2024 : lancement de l'USDe d'Ethena, un nouveau type de stablecoin, appelé stablecoin synthétique. Il utilise des contrats intelligents et est adossé à une combinaison d'autres actifs (comme du bitcoin) pour maintenir sa valeur stable. Il ouvre la voie à de nombreux autres stablecoins du même type qui verront le jour dans les mois qui suivent.
  • 5 mars 2024 : la TVL de l'USDT dépasse les 100 milliards de dollars pour la première fois.
  • 18 juin 2024 : Tether lance un stablecoin synthétique, l'Alloy (aUSDT), adossé à l'or et qui suit le cours du dollar.
  • 30 juin 2024 : le premier volet de la réglementation MiCA (Markets in Crypto-Assets) entre en application dans l’Union européenne. Il encadre les émetteurs de stablecoins qui doivent désormais se conformer à des exigences strictes en matière de transparence et de sécurité financière. L'USDC de Circle est le seul stablecoin majeur qui entre dans ce cadre. De nombreuses plateformes d'échanges centralisées se voient obligées de retirer plusieurs stablecoins de leur offre, notamment l'USDT bien qu'il soit le plus utilisé.
  • Septembre 2024 : l'USDT écrase la concurrence et semble très peu affecté par l'entrée en application de MiCA. Il représente quasiment 75 % de tous les stablecoins en circulation avec une TVL de 120 milliards de dollars pour un marché total de 160 milliards de dollars.
  • 24 septembre 2024 : la SEC accuse TrustToken et TrueCoin d'avoir fraudé les investisseurs concernant leur programme d'investissement en stablecoins : 99 % des réserves du $TUSD auraient été investies dans un fonds offshore spéculatif.

Comment vous avez pu le constater, les stablecoins sont nombreux et ne fonctionnent pas tous de la même manière. Afin de bien comprendre ce qui les différencie, nous vous proposons de passer à l'article suivant, dans lequel nous décortiquerons les mécanismes (pas toujours fonctionnels) destinés à maintenir leur parité (aussi appelée peg).