Les MNBC prêtes à conquérir notre quotidien d’ici 2030 ? – Crypto Focus
La prochaine ère de la monnaie est-elle sur le point de débuter ? Sommes-nous en train de glisser doucement vers une société de contrôle ? Peut-être ou peut-être pas. Dans ce paysage, un nouvel outil pourrait bien permettre aux gouvernements d’asseoir un peu plus leur pouvoir sur l’objet qui dicte depuis toujours notre monde : la monnaie. À travers les Monnaies Numériques de Banques Centrales (MNBC) dont nous entendons de plus en plus parler, les pays pourraient parvenir à réduire encore un peu plus nos libertés. État des lieux des travaux menés en coulisses et en simultané sur toute la planète.
Les MNBC, des monnaies qui se répandent à travers le monde
La monnaie destinée à changer d’ici 2030 ?
Selon un récent rapport, pas moins de 15 MNBC pourraient voir le jour d’ici à 2030. Ces monnaies, pilotées par les banques centrales de chaque pays ou région du monde, pourraient ainsi se retrouver dans sur nos comptes en banque dans quelques années. Mais de quoi s’agit-il et quels sont les dangers ?
Bien que l’on ne comprenne pas encore bien l’utilité de ces monnaies, nous constatons une chose ces dernières années : un effort simultané des pays pour les développer. Plus de 90% des 86 banques centrales interrogées dans ce rapport y travaillent d’arrache-pied. Mais pourquoi ? Nous allons voir cela dans cet article.
Les MNBC, un élan mondial
Le Brésil d’abord, en décembre 2022, a annoncé avoir programmé un projet pilote afin d’introduire sa MNBC, le real numérique. Plus récemment, nous avons appris qu’une phase de tests grandeur nature allait débuter dans le pays avec la participation d’un consortium d’entreprises. Le pays s’est notamment assuré du soutien de Mastercard et vise un lancement de sa MNBC à horizon 2024.
Le gouvernement du Kazakhstan a, quant à lui, annoncé un lancement de sa MNBC entre 2023 et 2025. Chose étonnante, le pays s’appuierai pour cela sur la BNB Chain de Binance.
En janvier 2023, le président de la Turquie, Erdogan, annonçait la réussite des premières transactions avec la lire turc numérique.
En février, la banque du Japon annonçait à son tour initier un programme pilote pour sa monnaie numérique. Cette « cryptomonnaie d’État » comme ils l’appellent est entrée en phase de tests au printemps dernier.
À Singapour, le projet Orchid a pour but d’initier le lancement d’un dollar singapourien numérique et programmable.
L’Angleterre, une MNBC pour limiter votre épargne
En Angleterre, le premier ministre actuel, Rishi Sunak, avait appelé de ses vœux en 2021 la création d’un « Britcoin ». En d’autres termes, l’émergence d’une livre sterling numérique. Toutefois, les Anglais n’auraient « le droit » qu’à 20 000 livres numériques ou e-GBP. Le reste serait donc conservé « en livre normale ». Deux conclusions :
- La transition se ferait donc en douceur : la livre numérique côtoierait d’abord la livre actuelle
- Si, par la suite, la situation venait à transiter vers la détention de livres sterling numériques uniquement, les gouvernements pourraient tout à fait décider du montant autorisé sur votre compte en banque
« L’argent dépassant le plafond sera ‘‘balayé’’ sur le compte bancaire du client. »
Les USA, en plein débat sur les MNBC
En février dernier, la Réserve Fédérale de San Francisco décidait de se pencher sur le sujet brûlant des monnaies numériques. Cette dernière avait en effet posté une annonce pour un « ingénieur MNBC ». Aux USA toutefois, et notamment parmi la classe politique, cette MNBC proposée par les autorités est loin de faire des émules.
Tom Emmer, député républicain du Minnesota, a donné un discours en mars dernier pour signifier son opposition au projet. Pour lui, les MNBC ne seront qu’un outil de contrôle de plus au service du gouvernement. Pour lui, ces monnaies numériques pourront « aisément être militarisées en outil de surveillance [de masse] ».
Ron DeSantis, gouverneur de Floride, a également suivi cet élan de réprobation. Il qualifie ce e-dollar de « dollar numérique de Big Brother ».
« [Une MNBC] donne au gouvernement un accès direct aux activités des consommateurs. (…) La monnaie numérique de banque centrale n’est qu’un moyen de surveiller les américains et de contrôler leur comportement. »
Ron DeSantis
Pour lui, cette boite de Pandore ne doit jamais être ouverte.
La Chine, en avance sur son temps ?
En Chine, en revanche, l’heure n’est plus aux hypothèses et à la planification. Le temps des tests grandeur nature a débuté. Le yuan numérique, ou e-yuan, est déjà en service et s’insinue progressivement dans le quotidien des habitants. La MNBC chinoise a déjà infiltré le célèbre service de paiement WeChat. Le e-yuan a pour objectif de conquérir peu à peu les paiements chez les commerçants.
En parallèle, nous avons appris en avril dernier que les fonctionnaires chinois allaient progressivement recevoir leurs salaires en yuan numérique (e-CNY).
Plus fort encore, au mois de mai dernier, nous apprenions que la banque centrale chinoise prévoyait sous peu de connecter son e-CNY aux banques étrangères. Et celle qui se trouve en tête de file est française. Il s’agit de BNP Paribas.
Plus récemment, la Chine a également débuté des tests de « super cartes SIM » afin de permettre le paiement sans contact avec leur MNBC. Un bon moyen de démocratiser son utilisation, toujours en phase de tests dans 17 grandes villes du pays.
Le Nigéria, l’adoption par la force
Faire adopter son e-naira à marche forcée par sa population, c’est la stratégie retenue par le Nigéria. Le gouvernement a généré une pénurie de cash pour inciter sa population à utiliser le e-naira. Les habitants snobaient pourtant cette monnaie numérique depuis sa création. Néanmoins, le Nigéria a imposé le remplacement de ses anciens billets par des nouveaux. La gestion calamiteuse de cette transition a poussé la population à se tourner vers des moyens alternatifs pour commercer : dollar, Bitcoin et… e-naira.
Au mois de juin dernier, le gouverneur de la banque centrale a même été arrêté suite à sa mauvaise gestion monétaire.
En Europe, l’e-euro s’appellera « Cash+ »
« Cash+ », la monnaie numérique vue par François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France
Dans son discours du 22 juin 2023, le directeur de la Banque de France s’est attardé sur les enjeux derrière l’élaboration de la fameuse MNBC européenne. Il a annoncé qu’une phase de préparation débuterait à la fin de l’année pour une mise en service d’ici 2027 ou 2028. François Villeroy de Galhau met en exergue les deux principaux reproches faits aux MNBC :
- Celles-ci seraient « une solution en quête d’un problème »
- Elles pourraient faire concurrence aux monnaies de banques commerciales
« Pour résumer, l’e-euro sera un billet de banque numérique ou ‘‘Cash+’’. Il présentera les mêmes caractéristiques que les espèces actuelles. »
Le directeur de la Banque de France insiste sur la garantie du respect de la vie privée et la promesse de confidentialité de ce « Cash+ ». Tout en dévoilant le plan d’introduction de cette MNBC :
« Il sera l’actif le plus sûr ; grâce au fait que le cours légal lui sera probablement attribué, il sera accepté partout dans la zone euro (…) Mais le ‘‘Cash+’’ apportera des avantages significatifs par rapport aux billets : il permettra à chacun d’utiliser la monnaie de banque centrale dans le e-commerce, pour les paiements à distance entre pairs (peer-to-peer), ainsi que pour les paiements conditionnels. »
François Villeroy de Galhau décrit l’e-euro comme une « option supplémentaire » pour les citoyens. Il maintient : « Un euro numérique ne remplacera pas les espèces physiques ou d’autres formes de monnaie. »
Non, nous n’aurons pas de comptes à la banque centrale
Par ailleurs, la gestion de cette monnaie numérique européenne devrait rester du ressort des banques commerciales. « Nous, banques centrales, n’avons absolument aucune intention d’ouvrir des comptes privés [pour les citoyens] ». Une limite de détention sera appliquée aux comptes en euro numérique, de sorte que celui-ci ne serve que de moyen de paiement uniquement et non de réserve de valeur.
Le directeur de la Banque de France voit également les MNBC comme un outil pour lutter contre l’émergence des stablecoins, des monnaies émises par « des acteurs privés non européens ». Il indique également travailler sur « une MNBC de gros » afin de favoriser la finance tokenisée.
Les menaces que font peser les MNBC sur nos libertés
L’argument souvent mis en avant dans de nombreux pays est l’inclusion financière qui serait facilitée via les MNBC. Sauf que l’on voit à travers l’exemple du Nigéria que c’est loin d’être le cas. Le président de la Banque de France met en avant la numérisation du cash. Mais il ne parle pas de la traçabilité qui lui sera inévitablement associée, quoi qu’il en dise.
Par ailleurs, si monnaie fiat « normale » et MNBC viennent à cohabiter comme indiqué, qui nous dit que cette situation de cohabitation va durer dans le temps ? Une fois que la population sera habituée aux MNBC, celles-ci pourraient très bien peu à peu remplacer nos monnaies actuelles et faire disparaitre le cash. Les billets sont le dernier vecteur d’échange que les banques ne peuvent pas tracer ni contrôler. Leur disparition provoquera la fin de notre liberté monétaire. Et en ce sens, la dénomination « Cash+ » de cet euro numérique dissimule mal ses intentions : faire disparaitre le « cash » au profit du « cash+ ». Avouez que « cash- » n’aurait pas été très vendeur.
Par ailleurs, comme le dit François de Galhau, la banque centrale pourra mettre une limite pour que leur MNBC ne serve pas de réserve de valeur. Cette monnaie programmable pourra être complètement pilotée à distance. Ainsi, si toute autre forme de monnaie disparait, cela signera la fin de nos possibilités d’épargne tout comme celle de notre anonymat. Et toujours plus de contrôle pour les États.