La valse de l’information. Parfois l’actualité est ainsi faite qu’elle s’enchaine presque parfaitement. Dans un premier temps, le 18 avril, les États-Unis annoncent qu’ils vont à nouveau imposer des sanctions sur le pétrole du Venezuela sur fonds d’irrégularités électorales. Dans un deuxième temps, le 23 avril, Reuters publie un article détaillant les stratégies du petit pays pétrolier pour tenter de contourner ces futures sanctions américaines et parmi d’autres, l’idée d’utiliser l’USDT de Tether est abordée du bout des lèvres par des responsables du pays. Enfin, troisième et dernier temps, le 23 avril, Tether publie un communiqué pour rassurer la Maison-Blanche, car non, personne n’utilisera l’USDT pour contourner les sanctions de l’OFAC. Récit en trois temps d’une partie de poker menteur entre Washington et Caracas.
Les Américains imposent à nouveaux des sanctions sur le pétrole du Venezuela
Lors des élections présidentielles du mois de juillet dernier au Venezuela, le président sortant Nicolás Maduro avait promis aux États-Unis de laisser l’opposition présenter son candidat pour un scrutin démocratiquement exemplaire. En échange de cet engagement, l’administration Biden laissait le pays exporter son pétrole pour une durée de six mois renouvelable. Mais apparemment, les autorités vénézuéliennes n’ont pas joué le jeu :
« Nous sommes préoccupés par le fait que Maduro et ses représentants ont empêché l’opposition démocratique d’enregistrer le candidat de leur choix, ont harcelé et intimidé des opposants politiques et ont injustement détenu de nombreux acteurs politiques et membres de la société civile. »
Matthew Miller, porte-parole du Département d’État – Source : Reuters (le 18 avril)
La période en question se terminait le 18 avril dernier et les Américains ont donc annoncé que des sanctions seraient à nouveau prises contre le pétrole du Venezuela.
Caracas annonce que le pays acceptera les paiements en USDT
Devant l’obligation de mettre un terme à l’ensemble des contrats au 31 mai prochain, des sources proches de la société de pétrole du pays – Petróleos de Venezuela SA (PDVSA) – laissent entendre à Reuters que les autorités ont un coup d’avance et qu’elles vont accepter les paiements en cryptomonnaies.
« Nous avons différentes devises, selon ce qui est indiqué dans les contrats, mais pour certains d’entre eux, les monnaies numériques pourraient être le mode de paiement préféré. »
Pedro Tellechea, ministre vénézuélien du Pétrole – Source : Reuters (le 22 avril)
Mieux, on apprend que dorénavant tout nouveau client souhaitant acheter du pétrole à la compagnie devra détenir un portefeuille de cryptomonnaies et l’USDT est mentionné à demi-mots. Ce même ministre déclarera finalement que PDVSA est prête, sur le plan commercial, à faire face au retour des sanctions.
Tether déclare finalement qu’elle bloquera les transactions douteuses
Mais c’était mal connaitre les États-Unis que d’imaginer que le Venezuela pourrait tout simplement utiliser l’USDT pour contourner ses propres sanctions ! Tether est Américain et certains lui reprochent d’ailleurs d’être un peu trop proche de Washington et du Département du Trésor qui gère l’OFAC. L’Office of Foreign Assets Control est le bras armé de la Maison–Blanche qui s’occupe des sanctions financières et notamment de traquer ou de bloquer les transactions financières douteuses, mais aussi, le cas échéant, de geler certains comptes en banque.
Or, depuis peu, l’OFAC peut aussi geler des portefeuilles crypto contenant de l’USDT appartenant à des personnes étant sur la fameuse liste de l’OFAC. Et pour retrouver ces criminels, ces terroristes ou ces hauts dignitaires de régimes ennemis des États-Unis, le Département du Trésor sait compter sur les informations de Tether justement.
Il était donc évident qu’une réaction interviendrait et cela n’a pas trainé, puisque dès le lendemain de la parution de l’article de Reuters sur les stratégies de PDVSA, un porte-parole de Tether a tenu à faire la déclaration suivante dans les colonnes de la presse spécialisée :
« Tether respecte la liste de l’OFAC et s’engage à travailler pour garantir que les adresses sanctionnées soient gelées rapidement. »
Porte-parole de Tether en réaction à l’article de Reuters daté du 22 avril – Source : Cointrelegraph
Sous-entendu, il n’est pas question que Caracas utilise l’USDT pour contourner les sanctions américaines ! Mais dans les faits, les choses seront un peu plus compliquées que cela, car tout le monde sait dans les chancelleries concernées que PDVSA utilise des sociétés intermédiaires pour continuer à exporter son pétrole avec la bénédiction de la Maison-Blanche, toute contente de trouver du pétrole pas cher et pas loin pour son marché intérieur. Ainsi va la realpolitik, où les positions officielles des uns et des autres ne résistent pas longtemps à l’examen minutieux de la réalité économique.
