Hebdo DeFi #9 – Uniswap VS Sushiswap : un événement aux conséquences majeures.
DeFi Hebdo #9 – La DeFi, abréviation de « finance décentralisée », est maintenant bien plus qu’un concept. L’innovation constante de ce mouvement génère un engouement rarement constaté dans l’écosystème. Sommes-nous les témoins privilégiés d’un événement séculaire, sonnant le glas de la finance traditionnelle ?
Les péripéties que rencontre Uniswap ont beaucoup fait jaser. Après avoir connu une croissance fulgurante, l’échange décentralisé a vu son flot de liquidité complètement annihilé par sa copie conforme SushiSwap. Un retour sur cet événement vous est proposé, afin de comprendre les implications d’un phénomène qui risque de devenir monnaie courante dans l’écosystème de la finance décentralisée.
L’exemple désormais emblématique de SushiSwap
En quelques jours, le protocole Uniswap a vu sa TVL (Total Value Locked – Valeur Totale Bloquée) s’effondrer au détriment de SushiSwap. Passant de 0 à 1,34 milliard de dollars de valeur bloquée en son sein, ce dernier a tout simplement vampirisé les liquidités de son grand frère.
Cette actualité pose les bases d’une réflexion sur le caractère éthique de tels procédés et nous permet de comprendre les contreparties des protocoles open source. En effet, avant de devenir obsolète (exagération volontaire), Uniswap régnait en maître dans le secteur des échanges décentralisés, après avoir levé l’équivalent de 11 millions d’euros auprès du fond a16z.
Après un travail acharné de 2 années, l’équipe derrière Uniswap subit de plein fouet les implications d’une économie ouverte. Il aura suffi de 5 jours et de quelques éléments motivés pour créer un parfait copier/coller de sa plateforme. La différence majeure ? L’intégration d’un token de gouvernance qui offre un outil spéculatif supplémentaire.
Adieu, les efforts de recherche et développement, les dépenses d’audit faramineuses et les efforts marketing conséquents ! Une fraction de seconde a suffi à SushiSwap pour réduire à néant le travail de toute une vie. Cette débandade est loin d’être un cas isolé. Curve vient aussi d’en être la victime (à moindre mesure), en subissant l’intronisation de Swerve Finance.
Le lancement d’un futur token Uniswap est désormais sur la table, avec une V3 qui devrait pointer le bout de son nez d’ici la fin de l’année. Il faudra cependant bien plus qu’un jeton pour inverser la tendance. À la grande différence de sa copie conforme, Uniswap doit satisfaire une horde d’investisseurs institutionnels, constituant un handicap de taille dans l’optique d’une distribution équitable.
Un fiasco et des enseignements
Ce nouveau phénomène obligera les projets DeFi à s’adapter dans un contexte ou les « forks brutaux » risquent de se multiplier.
Dans un premier temps, l’émission d’un token de gouvernance sera obligatoire pour améliorer le potentiel spéculatif des individus. Le token se devra d’être introduit de façon paritaire, obligeant les développeurs à trouver des alternatives ingénieuses afin de s’acquitter des frais d’audits et de développement.
La rapidité avec laquelle seront établis les forks va croître. La réactivité du capital humain deviendra essentielle pour tuer, dans l’œuf, toute tentative de prise de pouvoir hostile.
Les capitaux levés seront scrutés avec une attention toute particulière. La gabegie qui avait caractérisé la période des ICO est révolue. Il sera impossible d’être compétitif avec des copies conformes, si les coûts de production engagent une contrepartie financière trop importante avec des tiers.
Les pistes d’améliorations existent bel et bien
- Ces copies, autrefois hostiles, pourraient devenir un atout si elles permettaient d’être transformées en plus-value de taille pour les protocoles d’origine. Des mécanismes d’incitation aux forks, améliorant la TVL du produit de base pourraient voir le jour et profiter à tous les acteurs.
- La promesse d’une communauté fidèle va devenir cruciale. Malgré l’avantage incitatif que possède SushiSwap, Uniswap n’a pas perdu l’intégralité de ses utilisateurs. Et pour cause, l’entreprise a réussi à créer un certain esprit communautaire, voyant ses membres prêts à sacrifier quelques deniers par conviction.
- La qualité des interfaces utilisateurs jouera un rôle conséquent dans le maintien de la TVL. Plus les plateformes proposeront des fonctionnalités simplistes et directes, plus elles pourront retenir leur clientèle.
La dimension marketing et communication risque de devenir centrale. Les créateurs devront jongler entre gestion communautaire, communication habile et soutien technique sans faille.
En tant qu’interlocuteur privilégié du monde de la finance décentralisée et des cryptomonnaies, Il nous a rarement été donné la possibilité d’assister à un phénomène évoluant si rapidement. Certitudes et intuitions sont remises en cause quotidiennement, tant l’ingéniosité inhérente au secteur est forte. Le niveau de compréhension requis est désormais à des années lumières de 2017 et des ICO.
Nous souhaitons donc à tous nos fidèles lecteurs, une vigilance extrême, mais aussi beaucoup de plaisir dans la découverte de ce phénomène aussi fascinant qu’intimidant.
La première correction majeure est en cours
Le graphique proposé par DeFi Pulse nous permet de quantifier la valeur des cryptomonnaies allouées aux protocoles DeFi. Pour rappel, elle est mesurée en dollar US.
Après avoir frôlé le cap des 10 milliards de dollars de valeur, les fonds bloqués au sein de la DeFi ont fondu comme neige au soleil.
En effet, nous avons atteint le jeudi 10 septembre la somme de 6,11 milliards de valeur, soit le niveau le plus bas depuis mi-août. Cette correction d’ampleur va-t-elle perdurer ? Une anticipation quelconque serait trop aventureuse, tant les conditions de marché restent incertaines.
La seule certitude est que la DeFi reste actuellement le principal catalyseur du marché des cryptos. L’énergie déployée au quotidien par les développeurs est loin de s’affaisser.
Le tweet de la semaine
Binance et son CEO, Changpeng Zhao, survivront-ils à la vague de la finance décentralisée ? Difficile de concurrencer la déferlante des DEX (échanges décentralisés), lorsque ceux-ci proposent des options de rendement liées aux yield farming à presque 3 chiffres.
L’introduction de Bswap a pour but de contrer cette tendance, et de proposer une alternative située, selon les mots du CEO de Binance, « entre la CEFI et la DEFI ». Veuillez comprendre : entre la finance décentralisée et centralisée.
Ce nouveau qualificatif prouve à quel point l’échange vedette nage en eaux troubles. Difficile de s’immiscer au sein d’un tel phénomène, lorsque les bénéfices de la centralisation ont été les clés du succès durant de nombreuses années.
"DeFi is great. I love it." pic.twitter.com/6pT2fjUBp3
— CRONK (parody) follow for Dumbdicks WL spot (@CryptoCronkite) September 10, 2020
Les 3 meilleurs articles de la semaine sur la DeFi
♠ Sommes-nous face à un phénomène d’ampleur ? Une comparaison est ici faite avec la période 2017, qui voyait les ICO régner en maître.
♠ Aleph.im a promis de révolutionner à sa manière la finance décentralisée. La proposition semble intéresser les poids lourds du secteur. De nombreux listings et partenariats viennent d’être officialisés.
♠ Curve est aussi la victime de son fork. Une version communautaire dénommée Swerve vient d’être lancée. Opportunité ou danger ?
Bonne semaine sur le Journal du Coin ! 🙂