De l’inutilité des altcoins : étude du cas IOTA

Parce que tokeniser le monde sur des blockchains en carton, c’est l’idée du siècle – Pour égayer dignement la présente semaine, je vous propose un tutoriel sur la  rédaction d’un article qui fera crier au FUD. Non, non, ne me remerciez pas, c’est cadeau, je suis comme ça, que voulez-vous, j’aime partager.

Et l’élu du jour est donc…

Winner

IOTA, la blockchain tellement révolutionnaire et “Blockchain-not-Bitcoin” compatible qu’elle est carrément sans blocs.

Mais pourquoi venir vous parler de IOTA ? Et bien, pour rappel, IOTA est supposément une blockchain (sans bloc) dont le but est à terme de soutenir un vaste réseau mondial dédié au fonctionnement de l’IOT (Internet Of Things).

Pour poser les choses dès le départ, je n’ai rien contre la perspective offerte par des innovations qui seraient permises par un vaste réseau distribué d’objets connectés. J’attends impatiemment de voir émerger de possibles nouveaux modes organisationnels ou transactionnels qui impliqueraient des relations plus ou moins automatisées homme-homme, homme-machine et in fine machine-machine, mais pas du tout sur la base de tout ce que la tendance blockchain-bullshit ressasse plus ou moins n’importe comment à longueur de journée : à savoir, la magie des smart contracts infaillibles, la scalabilité nécessaire pour tenir la montée en charge d’un tel réseau qui serait si facile à atteindre en changeant deux lignes du code source de Bitcoin, les blockchains privées qui changeraient quoi que ce soit à l’ordre du monde, et tout le tintouin habituel.

Muh – Blockchain Not Bitcoin ! Muh – Chain Not Block !

Bitcoin-maximaliste borné comme je suis, je ne vois donc pas l’intérêt de soutenir ces innovations par des crypto-monnaies privatisées qui pour leur quasi totalité n’apporteront jamais rien d’autres que l’enrichissement de leurs créateurs et la production de jetons numériques sans valeur ni service rendu, soutenus par des réseaux très loin d’être décentralisés d’une quelconque manière, d’autant plus avec les dernières annonces concernant par exemple le protocole RGB devant permettre d’émettre des tokens non-Bitcoin sur la chaîne Bitcoin, ce qui m’amène à la question centrale suivante :

Faut-il vraiment une p****n de blockchain pour tout ?

Alerte spoiler : non, votre entreprise n’a très probablement pas besoin d’une blockchain pour lancer un service, même révolutionnaire.

Après cette digression, revenons-en donc à IOTA, qui est une illustration parfaite d’une idée paraissant révolutionnaire, mêlée à un mélange confus de pseudo-innovation technologique censée rendre la blockchain IOTA encore plus révolutionnaire que la Blockchain™, ce qui n’est pas une mince affaire. La promesse de IOTA est de soutenir un réseau IOT mondial basé sur la blockchain, qui soit scalable quasiment à l’infini grâce à un système de validation. Ce dernier ne repose plus sur une simple validation des blocs en pair-à-pair, mais sur un système appelé Tangle, que l’on va résumer très sommairement comme suit : pour pouvoir constituer et soumettre sa transaction au réseau, un utilisateur doit participer à la validation de deux autres transactions, ce qui est supposé être un moteur incroyable de scalabilité.

Notons qu’il existe un coordinateur central pour s’assurer du maintien de la cohésion de cet enchevêtrement de confirmations. Je vous laisse lire une présentation (sans doute) un peu angélique ci-après, mais sans doute que ça vous aidera à vous aérer l’esprit au milieu de cet article.

Je suppose, à ce stade de la découverte de IOTA, qu’il s’agit d’un réseau ultra-béton, massif, parce que leur supposée roadmap, ce n’est quand même pas de la blague. Un réseau qui veut pouvoir soutenir l’IOT se doit d’être diablement rapide, scalable à énorme échelle, et surtout terriblement résistant.

Robocop
L’IOT blockchain-based, c’est du solide.

EXCUSE-ME-WOWLe caractère antifragile d’IOTA n’a pourtant pas vraiment été vérifié dans la pratique, la semaine dernière, le 7 juillet 2018.

Sarah Jamie Lewis, chercheuse OpenPriv, alertait sur un dysfonctionnement général de cette blockchain pourtant si originale :

En résumé, un enchevêtrement secondaire de nœuds se raccordait à l’enchevêtrement principal, ce qui a entraîné une mise hors-ligne généralisée de tous les participants.

Iota-IOTAAinsi donc, un réseau dont la prétention est de devenir le protocole de référence pour l’IOT mondial se retrouve mis hors-ligne par une connexion de nœuds adverses, entraînant la dysfonction du processus de sélection des transactions à valider (tips) puis la déconnexion des parties prenantes au réseau. On parle bien à priori d’une connexion initiale, même pas d’une attaque 51% qui serait menée en tirant profit du PoW soutenant IOTA, lequel n’est pas mené par des coopératives de mineurs, mais pas les wallets d’utilisateurs idéalement. Là où la situation est assez cocasse, c’est qu’à l’heure actuelle, si vous lisez cet article et détenez des IOTA, ce n’est pas (encore ?) pour vous en servir dans un contexte IOT, mais simplement pour spéculer sur les divers exchanges.

A priori, à l’heure actuelle, le réseau est revenu en ligne, après finalisation du raccordement du Tangle secondaire au Tangle principal.

Dans ce contexte, vous n’avez probablement rien remarqué sur le coup : IOTA a servi de proof-of-concept au fait de voir une cryptomonnaie continuer à fonctionner malgré que sa blockchain, elle, ne fonctionne plus. En temps normal, les validations sur le Tangle IOTA peuvent déjà avoir tendance à traîner sèchement à l’occasion, et ce n’est pas moi qui le dit.

Mais si en plus vous n’avez que le trading sur exchanges comme seule utilisation d’IOTA, sans nécessaire nouveau dépôt ou retrait d’IOTA vers wallets externes, alors vous n’avez probablement même pas vu la différence.

IOTA a donc diablement illustré le principe de la Blockchain Zombie, un token à la blockchain sans bloc tellement révolutionnaire qu’il conserve sa valeur même sans sa blockchain.

Vous me direz que j’exagère, et quelque part c’est assez vrai : BitConnect l’avait déjà fait en premier.

Bitconnect

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Sources : Medium || Images from Shutterstock

Grégory Mohet-Guittard

Je fais des trucs au JDC depuis 2018. En ce moment, souvent en podcast et la tête dans le nuage.