Les olives meilleurs placement que Bitcoin ? L’auteur de Black Swan fait de l’huile
Un adversaire à sa démesure – Récemment, Nassim Nicholas Taleb s’est fait remarquer par une charge virulente contre le roi des actifs numériques. Si son argument n’est pas nouveau, l’envergure de cet adversaire pourrait bien faire vaciller nombre de certitudes. Trader à succès, multi-entrepreneur, écrivain et philosophe traduit dans plus de 44 langues, son expertise porte particulièrement sur les notions de risque et d’incertitude dans des domaines aussi variés que la mathématique, les sciences cognitives et bien évidemment la finance. Statisticien spécialisé dans l’épistémologie des probabilités, celui que l’on surnomme « le dissident de Wall Street » s’est fait connaître en tant que contradicteur émérite de plusieurs théories « nobelisées », et plus globalement par la critique d’une approche purement Keynésienne de l’économie. De son propre aveu, l’amour de jeunesse qu’il vouait à Bitcoin s’est récemment envolé vers une nouvelle muse bien plus affriolante à ses yeux : L’olive.
Met de l’huile
N’y voyez aucune réminiscence de ses racines grecques orthodoxe, mais ce penseur majeur de notre siècle a réellement suggéré qu’acheter des olives pourrait bien être un placement plus judicieux que de parier sur le Bitcoin. Avec la verve provocatrice dont il est coutumier, le désormais professeur en ingénierie du risque à l’institut polytechnique de l’université de New-York conteste à Bitcoin sa corrélation à une quelconque inflation, par opposition à la monnaie.
Reconnaissant volontiers la révolution technologique de la blockchain, il affirme cependant ne pas trouver de raison valable à ce que l’on confère à Bitcoin une quelconque pertinence fiduciaire, allant jusqu’à proposer l’olive et l’huile que l’on en presse comme alternative avantageuse en matière de gestion de risque patrimonial face à ce qu’il n’hésite plus à qualifier de « Ponzi« .
Plus sérieusement, il défend l’idée qu’une propriété tangible, si futile soit-elle, constitue un bien meilleur investissement puisque rien ne garantit que Bitcoin ne puisse plus retourner à 0, et ce même dans l’hypothétique scénario d’une hyper-inflation.
Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts
Les arguments ne manquent pas face à cette crainte obsessionnelle, véritable serpent de mer de la doxa crypto-sceptique.
Sans doutes raisonnables, l’olive a par nature d’énormes lacunes face à une technologie 100% vérifiable, infalsifiable, inaltérable, décentralisée. Et si le mode d’extraction de l’huile présente un évident avantage de rusticité, la probabilité d’une coupure totale du réseau internet à l’échelle planétaire semble bien moins réaliste que la prolifération de la bactérie tueuse d’oliviers qui nous affecte très concrètement depuis ces dernières années chez moi, dans le sud de la France…
Mais surtout, je ne résiste pas à l’envie de lui opposer l’un de ses propres concepts, exposé dans son livre intitulé « Antifragile : Les bienfaits du désordre ». L’anti-fragilité est une propriété de certains systèmes qui se renforcent lorsqu’ils sont exposés à des facteurs de stress, comme la volatilité, les attaques ou les échecs. Or, à la lumière de ce phénomène, il peut paraître paradoxal d’envisager un Bitcoin réduit à néant quand celui-ci a traversé tant d’adversité pour hisser son parcours au rang de meilleure performance de l’histoire, toutes catégories d’actifs confondues.
Il semblerait plutôt que sa haute « antifragilité » soit désormais certifiée, et que loin d’être un point faible, sa nature exogène au système monétaire traditionnel pourrait constituer l’atout décisif en cas de dévaluation globale. Un événement jadis hautement improbable qu’hélas l’émission massive de liquidités post-covid semblerait capable de provoquer à terme, propulsant potentiellement Bitcoin dans une nouvelle dimension.
Nous touchons ici du doigt un autre concept original et inspirant proposé par Nassim Nicholas Taleb dans son best-seller « Black Swan : La puissance de l’imprévisible ». Une théorie selon laquelle un certain événement qui a une trés faible probabilité de se dérouler se réalise, et va avoir des conséquences d’une portée considérable et exceptionnelle.
Sous le soleil de Provence, j’ai la faiblesse d’avouer qu’à songer au vol funeste du Cygne Noir, l’anéantissement de Bitcoin, ou l’effondrement de l’économie planétaire m’angoissent infiniment moins que de manquer d’olives fraîches, à l’heure d’un apéro à l’ombre de l’olivier centenaire qu’avait planté pour moi mon arrière grand-père.