La Banque Centrale de Russie pourrait envisager une monnaie digitale
La période que nous traversons actuellement est pleine de surprises. Les États commencent à sortir de leur torpeur face à l’atteinte à leur souveraineté qu’ils discernent en Libra, la cryptomonnaie du tout-puissant Facebook. Les institutions traditionnelles pour leur part, conservent le plus souvent de vieux réflexes Pavloviens, ne sachant pas s’il faut accueillir Bitcoin ou persister à le cantonner à son image de monnaie de criminels. Certains pays enfin résument parfaitement le grand écart idéologique qu’est en mesure de provoquer l’émergence de la blockchain.
Il en est ainsi de la Russie, qui si elle ne brille pas par son amour immodéré de la cryptomonnaie dans sa forme originelle, n’en réfléchit pas moins à la mise en place d’une monnaie numérique émise par sa Banque Centrale.
Bons baisers de Russie
C’est notamment Coindesk qui le rapporte, la présidente de la Banque Centrale de Russie Elvira Nabiullina a déclaré devant un parterre d’étudiants que, bien qu’un tel projet « ne soit pas réalisable dans l’immédiat », plusieurs banques centrales, dont la Banque de Russie, en étudieraient l’éventualité. Elvira Nabiullina répondait à une série de questions en lien avec l’adoption de plus en plus fréquente des cryptoactifs, dans de nombreux contextes, y compris dans le cadre de réflexions menées par des organismes bancaires.
S’inscrivant dans une position assez similaire sur le fonds que son homologue Vitas Vasiliauskas, membre du conseil des gouverneurs de la Banque Centrale européenne (BCE) et gouverneur de la banque de Lituanie, dont nous rapportions les propos il y a quelques semaines, Mme Nabiullina ne verrait pas d’objection à la mise en place d’une Central Bank Digital Currency (CBDC, Monnaie Digitale de Banque Centrale).
Pour être complet dans notre tour de table des grands argentiers, on rappellera également que tout cela n’est en revanche pas, mais alors pas du tout du gout de Jens Weidmann, président de la Deutsche Bundesbank (BBk), banque centrale allemande, qui lui parle carrément de « mise en péril du modèle économique traditionnel bancaire » en cas de déploiement des CBDC.
L’appétence au cash, la vraie difficulté ?
Elvira Nabiullina le souligne :
« Bien sûr, une monnaie digitale sera plus pratique, spécialement pour les citoyens. Mais sommes-nous prêts, en tant que société, à refuser de disposer d’argent liquide ? Certaines nations semblent très bien s’en passer, mais nombreux sont ceux qui continuent d’aimer l’argent physique, non pas tant pour des raisons illicites, mais parce qu’ils attachent de l’importance à la protection de la vie privée et à l’anonymat que peuvent apporter le cash. »
En effet, quoique peu évoquée dans les débats portant sur l’essor des cryptomonnaies, la disparition inéluctable de l’argent physique pourrait être un frein conséquent à l’adoption, tant l’attachement à la notion de cash peut être viscéral.
On soulignera d’ailleurs que dans une toute autre logique, la patronne de la banque Centrale russe marque également une opposition nette à la doctrine actuelle du FMI (Fonds Monétaire International) qui n’a de cesse de rappeler qu’un monde sans argent liquide serait plus sûr…et plus facile à ordonner (approche dite du « de-Cashing »).
Enfin, on notera que la Russie, réputée pour une posture sévère et rigide vis-à-vis de la cryptomonnaie – et du secteur blockchain d’une manière générale – semble opérer une réelle détente sur le sujet. En effet, c’était déjà Elvira Nabiullina qui l’évoquait il y a quelques semaines : sa Banque Centrale étudierait la possibilité d’une cryptomonnaie backée sur de l’or et pouvant servir à des échanges internationaux.