Historiquement, l’Asie n’a pas été un paradis pour les cryptomonnaies, du moins du point de vue occidental. En septembre 2017, la Chine et la Corée du Sud ont mis en place des mesures drastiques, interdisant les ICO et fermant les plateformes d’échange. En avril 2018, l’Inde a emboîté le pas, la Banque Centrale interdisant aux institutions financières de traiter avec des sociétés liées à l’industrie crypto. Le Japon a durci ses réglementations en juin 2020 pour lutter contre le blanchiment d’argent, introduisant des règles strictes pour les transactions anonymes. Enfin, au premier trimestre 2021, la Chine a interdit le minage et les services financiers liés aux cryptomonnaies, tout en travaillant sur son propre e-yuan.
Cependant, la réalité est plus nuancée qu’il n’y paraît.
L’importance de la liquidité globale
Le marché des cryptomonnaies est fortement corrélé à la quantité de monnaie en circulation. Lorsque la liquidité augmente au niveau mondial, le marché des crypto en profite, car il y a mécaniquement plus de capitaux susceptibles d’entrer sur ce marché encore jeune. La liquidité globale est gérée par les grandes banques centrales, comme la FED aux États-Unis et la BCE en Europe, qui mettent en place des politiques monétaires tantôt accommodantes, tantôt restrictives. Pour lutter contre l’inflation, la FED a mené une politique de quantitative tightening depuis fin 2021, réduisant la liquidité en circulation, ce qui a précipité le marché crypto vers les abysses.
Cependant, les banques centrales chinoises et japonaises, respectivement 2e et 3e plus importantes du monde, opèrent une politique inverse, injectant massivement des liquidités pour relancer l’économie post-Covid. Le 17 février, la Chine a enregistré la plus grosse quantité de liquidité sur son marché depuis 2004.
Hong Kong, le laboratoire crypto de la Chine
Malgré l’interdiction des cryptomonnaies en Chine, Hong Kong, région semi-autonome, se démarque en tant que hub crypto majeur. Entre 2022 et 2023, Hong Kong a reçu 64 milliards de dollars en crypto, presque autant que la Chine (86 milliards), malgré une population bien moindre. En juin dernier, Hong Kong a légalisé l’achat, la vente et l’échange de cryptomonnaies pour les particuliers sous certaines conditions, notamment l’obligation d’utiliser des plateformes régulées par la SFC.
Malgré un scandale financier en septembre 2023 impliquant l’exchange non régulé JPEX, le gouvernement hongkongais reste déterminé à faire de la région un hub crypto majeur. Il est probable que la Chine se serve de Hong Kong comme laboratoire d’expérimentation de la blockchain, tout en ne jouant pas franc-jeu avec le reste du monde, notamment pour légitimer son e-yuan.
Face à la baisse de l’économie chinoise, de plus en plus d’investisseurs cherchent des alternatives comme les cryptomonnaies, contournant les interdictions via des plateformes étrangères, des comptes à l’étranger, ou encore en utilisant leur quota annuel de transfert de 50 000 dollars. Hong Kong devient ainsi un centre majeur pour le trading de cryptos, alimentant les spéculations sur une possible ouverture de la Chine aux cryptomonnaies. L’activité on-chain est également en hausse, avec la Chine qui se place 13ème dans le top 15 des pays enregistrant le plus d’activités sur la blockchain.
Des études montrent également la relative inefficacité des mesures anti-crypto en Chine, Binance continuant d’enregistrer des volumes records deux ans après l’interdiction…
L’engouement croissant des investisseurs asiatiques
Au-delà de la Chine, l’engouement pour les cryptos en Asie ne passe pas inaperçu. L’effervescence d’événements comme la Korea Blockchain Week à Séoul et Token2049 à Singapour contraste avec les climats réglementaires. De grandes villes asiatiques comme Bangkok, Jakarta ou Kuala Lumpur abritent des communautés de développeurs importantes et des scènes Web3 foisonnantes.
Selon une enquête d’Accenture, 52% des investisseurs asiatiques ont investi dans des actifs numériques au premier trimestre 2022, les cryptos représentant en moyenne 7% de leur portefeuille, plus que les devises étrangères, les matières premières ou les objets d’art.
Cette thèse de l’Asie comme catalyseur du prochain bullmarket est partagée par de nombreux experts, comme Cameron Winklevoss, fondateur de Gemini, qui déclarait que le prochain bullrun devrait venir de l’Est. À cela s’ajoute le climat réglementaire américain, encore flou malgré l’approbation d’un ETF spot sur Bitcoin, poussant certains entrepreneurs à s’installer ailleurs. Brian Armstrong, fondateur de Coinbase, estime que ce flou juridique et l’hostilité des régulateurs pourraient faire perdre aux États-Unis son statut de hub financier mondial si rien n’est fait.Cependant, la situation pourrait changer avec le coup de pied dans la fourmilière donné par Blackrock et son ETF, ainsi que les élections américaines à venir.
L’Asie, moteur du prochain bullrun ?
Malgré les défis réglementaires et la fragilité économique, l’Asie se positionne de plus en plus sur la question des cryptomonnaies. L’ambition est claire pour ces puissances émergentes qui veulent être leaders de la révolution web3 de demain. Alors que les réglementations strictes de pays comme la Chine semblaient entraver le développement du secteur, des régions comme Hong Kong émergent comme des centres importants pour la démocratisation et le développement des actifs numériques.
Cette tendance s’inscrit dans un contexte plus large de croissance de l’intérêt pour les cryptos dans toute la région asiatique, avec des investisseurs cherchant des alternatives dans un environnement financier instable et en constante évolution. Malgré les incertitudes réglementaires et les défis à surmonter, l’Asie pourrait jouer un rôle crucial dans le prochain bullrun. Il ne faut pas sous-estimer cette partie du monde.
