Bitcoin à 31 000 € : “galet d’Etretat”, “monnaie de terroriste”, le BTC se moque du génie français

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Les jours passent, et les cercles bancaires français semblent condamnés à ânonner les mêmes sottises à propos de Bitcoin. Certains y verront une mauvaise foi évidente, d’autres la preuve d’une paresse intellectuelle, dans laquelle nombre de commentateurs médiatiques invités à s’exprimer dans les médias français se complaisent dans la joie et la bonne humeur.

Les plus beaux exemples de telles réflexions à n’en pas douter très profondes et élaborées nous sont venus cette semaine de Boursorama, qui nous a offert, non pas un, mais bien deux morceaux de pure bravoure à faire pâlir les bitcoiners rétifs à l’ordre financier actuel. Au Journal du Coin, et je parle au nom de toute l’équipe, nous en avons même tous été tout retournés.

Bitcoin, ce machin qui nous fait tant de mal

Le premier à ouvrir le bal fut M. Philippe Béchade, rédacteur en chef du média boursier La Bourse au Quotidien. S’agaçant contre la masse de vils spéculateurs qui permettent aux cryptomonnaies de persister et aux traders compulsifs qui misent en quelques clics de partout dans la monde, M. Béchade s’est attaché à démontrer que l’argent de Wall Street migrerait la nuit vers les marchés crypto, ce qui expliquerait les violentes envolées en effet parfois observées depuis notre valeureuse Gaule.

“Je ne sais pas pourquoi, mais à partir de 5 heures du matin, on voit les énormes accélérations de prix arriver.”

M. Philippe Béchade, sur Boursorama, nous apportant la lumière.

Face à cette volatilité pour le moins démentielle, il faut bien trouver une explication. Et si, comme d’habitude, les médias généralistes aiment à s’interroger sur le “pourquoi ça monte” à mesure que le Bitcoin bat ses records, c’est qu’ils sont sûrs de trouver des commentateurs qui sachont, évidemment. Alors oui, certes, dans la cryptosphère, on a plutôt tendance à vous alerter sur le fait que le prix est bien souvent erratique et évolue par secousses violentes. On peut bien identifier quelques faisceaux d’indices concordants, qui peuvent éventuellement faire inférer que – sait-on jamais – le contexte crypto-monétaire global est à un moment donné positif. On peut aussi vous montrer de plus en plus d’exemples de grandes banques crypto-curieuses, de géants de Wall Street qui y stockent leurs réserves stratégiques ou de régulateurs du monde entier qui commencent à accepter que Bitcoin et les cryptomonnaies changent la donne… Mais ce ne sera visiblement jamais assez pour peser dans la balance aux yeux de ces habitués de la bonne vieille finance – visiblement choqués qu’on puisse créer des produits dérivés sur le Bitcoin, qui seraient de facto démoniaques, alors que les mêmes contrats à terme sur le pétrole seraient on ne sait trop pourquoi beaucoup plus vertueux.

D’ailleurs, comment expliquer l’engouement actuel pour Bitcoin ? Le contexte monétaire incertain, les dettes qui explosent, l’or challengé dans sa fonction de réserve de valeur par des investisseurs institutionnels de premier rang désireux de se couvrir ? Non, vous pensez bien, il y a une explication toute simple :

“Quelqu’un qui a acheté un bitcoin, il sait absolument pas ce qu’il a acheté ni pourquoi.”

Philippe Béchade, magistral, sachant précisément pourquoi il n’en a pas acheté.

Bref, vous l’avez compris chères lectrices, chers lecteurs, si vous nous lisez, c’est que vous n’êtes pas bien futés, visiblement. En effet, si Bitcoin survit depuis plus d’une décennie, explosant record après record, et s’invitant même aux discussions du G7, c’est évidemment parce que :

“La seule limite du Bitcoin, c’est la naïveté des acheteurs.”

Philippe Béchade, qui enfonce le clou.
Bitcoin s’effondrant suite aux critiques avisées (hmm, non, toujours pas).

Quant à savoir pourquoi diable Paypal a décidé d’utiliser ce “machin archi-spéculatif”, c’est un mystère; mais visiblement, on ne la fait pas à M. Béchade, puisqu’il a perçu ce que tout le monde avait raté : c’était naturellement pour “faire monter le machin” (c’est des petits malins, chez PayPal, z’avez vu) ! Pas en reste de comparaisons inspirées, M. Béchade se laisse même aller à comparer Bitcoin à des “galets d’Etretat”.

En effet, imaginez un instant qu’ils aient “choisi le peso mexicain“, eh bien figurez vous que personne n’en aurait parlé ! Ce qui n’est pas bête, puisque Paypal (et osons-même, la plupart des néo-banques qui se respectent) propose(nt) déjà la conversion à la volée et l’envoi d’espèces de et vers le peso mexicain… et malheureusement, il semblerait que ça n’a pas fait monter “le machin”.

Peso dollar, où se cache le mega pump de PayPal ?

Le sacro-saint euro un peu sur les nerfs

Mais la semaine n’était pas finie, puisqu’après cette démonstration menée de main de maître, Boursorama recevait M. Jean Claude Trichet, l’ex-président de la Banque Centrale Européenne. Et, évidemment, c’est peu de dire que les crypto-addicts n’auront pas été déçus par cette prestation de haut vol, capturée pour l’occasion par nos collègues de Bitcoin.fr.

“Le bitcoin, c’est une illustration emblématique de la folie contemporaine, il ne représente rien du tout, sinon sa rareté (…), c’est donc un instrument spéculatif, avec des montées et descentes vertigineuses.”

Jean Claude Trichet, qui tacle à la gorge, tranquille.

Les plus optimistes se diront qu’un pas de géant a tout de même été franchi : ce n’est pas tous les jours que l’on entend un banquier central reconnaître à Bitcoin une quelconque qualité… Et encore moins s’exprimer sur une des caractéristiques faisant sa force (même si ce n’est pas du tout la seule) : sa rareté.

Mais l’auditeur n’est pas au bout de ses surprises ! En effet, M. Trichet n’en a pas terminé et nous gratifie même d’un objectif pour Bitcoin :

“Il voudrait arriver à la capitalisation de l’or (…), tout ça pour un instrument qui n’est pas une monnaie.”

Jean Claude Trichet, qui frappe fort et vise juste.

A ses yeux, Bitcoin fait même l’erreur fatale d’être un actif de “spéculation pure” qui oublierait totalement la moindre fonction de “réserve de valeur” – une critique qui s’entendait très différemment selon que vous soyez entrés sur le marché en 2011, 2013, ou en 2017 il y a encore quelques mois, mais qui fait un peu réchauffée pour l’heure.

Quoi qu’il en soit, face à un présentateur qui laisse par moments transparaître un peu d’amusement, M. Trichet souhaite alerter le grand public :

“Bitcoin, ce n’est fondé que sur le fait que les joueurs acceptent de jouer, et qu’ils trouvent particulièrement amusant de… s’amuser.”

Jean Claude Trichet, un brin badin.

Pire, comme nos gouvernants français bien avisés et nostalgiques du Minitel, M. Trichet conclut sa diatribe par l’habituelle rengaine des bitcoins sales :

“C’est gravissime, c’est un instrument qui est utilisé pour le financement du terrorisme, pour le crime organisé, pour toutes sortes d’opérations illégales (…), c’est incroyable qu’on ait laissé ces instruments prospérer.”

Jean Claude Trichet, soudain moins amusé.

Shortez l’euro, ce vieux shitcoin, en achetant du Bitcoin (BTC) »

Mais qu’on se rassure, car si en dehors de l’euro, point de salut, c’est que les banques centrales sont bien là pour nous protéger tous, et qu’elles le feront bien, comme d’habitude. Enfin, ça, c’est dans l’hypothèse où personne n’aurait la drôle d’idée de continuer à faire tourner la planche à billets dans le monde post-COVID :

“Si certains imaginent qu’ils peuvent augmenter indéfiniment la dette après la pandémie, et donc qu’il n’y a aucun problème, et bien ceux qui s’engagent dans cette voie auront une crise.”

Jean Claude Trichet, d’une lucidité désarmante.

En résumé, si la cryptosphère ne tourne pas rond, elle est bien loin d’être la seule. Pendant que l’ancien monde (oui, le monde d’avant, ça sonne un peu trop jupitérien) continue de s’agiter, Bitcoin s’en fiche. Et dans le lointain, on entendra encore un bon moment les anarchistes de malheur se finançant en galets d’Etretat qui se marrent bien, les banquiers centraux pleurnicher sur la souveraineté… pendant que le blaireau de miel Bitcoin s’en bat les steaks, et à raison.

Grégory Mohet-Guittard

Je fais des trucs au JDC depuis 2018. En ce moment, souvent en podcast et la tête dans le nuage.

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