La BCE craint que Libra n’affaiblisse l’euro
La Banque Centrale Européenne met en garde les citoyens européens, et surtout les régulateurs : la Libra de Facebook peut paraître séduisante, mais elle pourrait tenter de supplanter les monnaies d’Etat – une hypothèse qu’il convient d’évacuer prestement pour l’institution.
La bataille de la régulation aura donc bien lieu : Facebook ne compte ainsi pas se laisser faire, ayant fait le plein de lobbyistes aguerris pour tenter de peser dans la balance.
Un problème de confiance
« Ne pas succomber aux chants des sirènes ». C’est en substance le message porté par Yves Mersch, l’un des membres du directoire de la Banque centrale européenne, et ancien gouverneur de la Banque centrale du Luxembourg. Il s’est exprimé à propos de Libra, des monnaies privées émergentes et de leurs implications communes lors d’une conférence juridique de la BCE le 1er septembre à Francfort (Allemagne). Le détail de ses arguments peut être désormais consulté directement sur le site de la BCE.
S’il convient du potentiel de séduction de la Libra, de l’attrait de ses promesses d’une meilleure inclusion et d’une possible réduction drastique des délais et des coûts de paiements transfrontaliers, il reste une chose que selon lui les monnaies privées ne pourront pas offrir : la garantie de la poursuite du bien commun plutôt que celui d’intérêts commerciaux partisans.
Il en profite pour rappeler que les banques centrales représentent à ses yeux un garde-fou efficace contre les aléas économiques et qu’elles incarnent des garanties de solidité et d’impartialité, prouesses dont serait bien incapable la crypto-devise du géant californien des réseaux sociaux. Pire, le déploiement de la Libra pourrait à terme représenter un risque existentiel pour la BCE :
« En fonction du degré d’acceptation du Libra et du référencement de l’euro dans son panier de réserve, le pouvoir de contrôle de la BCE sur l’euro pourrait être diminué, la politique monétaire européenne commune affectée par l’impact indirect sur les banques de la zone euro, et le rôle de l’euro sur la scène internationale minimisé. », Yves Mersch.
L’intéressé ne semble pas cependant plus inquiet que cela, considérant que « les monnaies privées n’ont que peu ou pas de chances de s’imposer comme une alternative viable aux monnaies émises par les autorités centrales. »
Notons que le juriste mentionne ces monnaies dites privées, sans prise de position pour autant sur les potentielles « monnaies électroniques de banque centrale » en développement. Le sujet occupe pourtant de plus en plus l’espace médiatique, puisque de plus en plus d’acteurs semblent s’y intéresser : aussi bien la Chine, la Russie ou encore le gouverneur de la Banque d’Angleterre réfléchissent en effet à un moyen de se passer du Dieu Dollar.
Les lobbyistes dans la bataille
Facebook fait donc face à de nouveaux vents contraires, mais s’est attaché les services d’un cabinet de lobbying réputé pour tenter d’inverser la tendance. Son but sera tout naturellement de tenter d’alléger la pression réglementaire qui pèse sur le projet, à l’aide d’actions d’influence bien calibrées.
L’on a justement appris en début de semaine que c’est à FS Vector que revient la lourde tâche de s’attacher la bienveillance des régulateurs et de calmer l’inquiétude des politiques.
Cette société se présente comme « [accompagnant] la croissance de ses clients rencontrant des problèmes de régulation » et se dit notamment spécialisée pour traiter des questions en lien avec les thématiques cryptomonétaires. Nul doute qu’elle aura donc l’occasion de démontrer son savoir-faire annoncé face aux embûches réglementaires qui s’annoncent pour Libra.