2017-2023 : les sept années de Binance aux USA
Il était une fois en Amérique. Démarrée tambour battant en 2017, l’histoire de Binance aux États-Unis s’est brusquement interrompue hier soir en début de soirée. Après une décision très attendue et ultra-médiatisée du Département de la Justice, Changpeng Zhao, fondateur et dirigeant historique de la plateforme, doit quitter ses fonctions, payer une amende, mais surtout la crypto bourse n’est plus la bienvenue au pays de l’Oncle Sam. Binance devra également payer plusieurs milliards de dollars d’amende. Retour rapide sur les sept ans de présence de l’exchange aux USA.
2017-2018 : l’arrivée dans le pays en numéro 1 d’un jeune marché crypto
En 2017, deux entrepreneurs nommés Changpeng Zhao et Yi He lancent une plateforme crypto qu’ils veulent de classe mondiale : ils l’appelleront Binance. L’année suivante, leur volonté se concrétise et l’exchange est déjà numéro 1 d’un marché de la cryptomonnaie balbutiant avec tout de même plusieurs millions d’utilisateurs dans le monde, dont certains résident aux États-Unis.
Mais, l’histoire va vite dégénérer, car dès l’été 2018, le procureur général de New-York fait une première fois référence à la plateforme pour d’éventuelles violations des réglementations nationales en matière de cryptomonnaie et transmet un dossier au Département des services financiers pour vérification. Gate.io et Kraken sont aussi pointés du doigt.
2019-2020 : de la création de Binance.US aux premiers soupçons
Le 13 juin 2019, afin d’arrondir les angles et de montrer patte blanche, une entité américaine de la plateforme est créée et elle prendra le nom consensuel de Binance.US. Dès le lendemain, les équipes de l’exchange communiquent alors urbi et orbi pour préciser que les résidents américains ne pourront plus s’inscrire sur la partie internationale.
Mais, tout n’est pas si simple puisque quelques mois après, 13 États américains interdisent toujours à leurs administrés de s’inscrire sur l’exchange pour acheter ou vendre des cryptomonnaies malgré la mise en place d’un KYC strict.
De plus, dans les coulisses, la presse spécialisée, et plus particulièrement le magazine Forbes, commence à fouiller et à trouver des documents compromettants qui mettent à mal la jeune réputation de Changpeng Zhao et de ses équipes.
2021 : l’année charnière et le début des problèmes pour Binance
Après avoir attaqué Forbes en diffamation puis finalement abandonné les poursuites, Binance va démarrer cette année 2021 sous de biens mauvaises augures. La presse américaine fait ses choux gras d’une enquête diligentée par la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) qui soupçonne l’exchange d’avoir vendu des produits dérivés à des investisseurs américains. Ce qui est interdit.
Quelques semaines plus tard, en plus de la CFTC, ce sont maintenant l’administration fiscale et le Département américain de la Justice (DoJ) qui se penchent sur le cas Binance pour « violations criminelles potentielles ». Malgré une défense acharnée des équipes de CZ, le doute est là et cette fois, c’est Bloomberg qui rapporte que les enquêteurs élargissent leurs actions pour inclure « d’éventuels délits d’initiés ainsi que des manipulations de marché ».
2022 : FTX et le marché crypto s’effondrent, Binance en ballotage défavorable
L’année 2022 sera marquée à tout jamais par la chute aussi rapide que violente de l’exchange de Sam Bankman-Fried qui, en plus de ruiner des millions d’utilisateurs, va jeter l’opprobre sur tout un secteur qui n’avait vraiment pas besoin de ça. Pour se préparer au choc à venir et anticiper les éventuelles procédures, Binance va alors recruter de nombreux spécialistes de la conformité et étoffer son équipe de juristes.
Dans le même temps, le psychodrame des derniers jours entre FTX et Binance laissera un goût amer à toute la communauté crypto qui ne cessera de se demander quels furent les intentions réelles de CZ dans toute cette histoire.
Il en sortira pourtant avec le beau rôle, son entreprise régnant alors en maitre absolu sur un marché qui vient de perdre un concurrent de taille internationale. Mais les ennuis ne sont pas loin et déjà la Securities and exchange commission (SEC) annonce lancer une enquête à propos de la vente initiale des jetons BNB qui pourrait ressembler à une vente de titres financiers non enregistrés.
Hiver/printemps 2023 : les autorités américaines attaquent frontalement Binance
Février : Binance suspend les dépôts et les retraits pour les clients américains de la plateforme et le Département des services financiers de New York ordonne à Paxos de cesser d’émettre le BUSD (le stablecoin maison de Binance) pour problème de conformité règlementaire.
Mars : des parlementaires emmenés par Elisabeth Warren publient une lettre ouverte et accusent ouvertement Binance d’être un « foyer d’activités illégales ». L’exchange répond point par point aux députés et se défend de toute activité illégale. CZ fait montre d’une grande confiance en l’avenir et continuer à publier des messages rassurants sur les réseaux sociaux. Finalement, le mois se termine par le lancement d’une procédure de la CFTC contre Binance.
Avril : la justice retoque l’accord de rachat de Voyager Digital puis le 5 du mois, la SEC poursuit officiellement la plateforme. De nombreuses paires de trading sont supprimées de la crypto bourse et la SEC veut geler les avoirs de Binance sur le sol américain.
Eté/automne 2023 : Binance sous le feu croisé de la SEC, de la CFTC, du DoJ et des médias américains
Juillet/août : des départs importants au sein de l’effectif de Binance rythment ce début d’été et la SEC poursuit son action en dégainant 13 chefs d’inculpation contre l’exchange.
Septembre/octobre : malgré les requêtes visant à faire annuler les procédures de la SEC et de la CFTC, les autorités américaines poursuivent leurs investigations et on commence à présager le pire pour l’avenir de Binance aux Etats-Unis. Binance.US réduit ses effectifs et le PDG de l’entité démissionne.
Novembre : l’étau se resserre et le 20 du mois, on apprendra que le DoJ pourrait demander plus de 4 milliards de dollars à Binance. Mais, le pire est à venir puisque le lendemain, soit le 21 novembre à 21 h 30 (heure de Paris) la nouvelle va finalement tomber et Binance doit quitter les Etats-Unis. CZ devra aussi démissionner de son poste de PDG historique de la plateforme. Il acceptera également de plaider coupable de violations de la loi sur le secret bancaire, ainsi que de payer une amende de 50 millions de dollars.