La valeur d’un bitcoin : plongée dans l’orfèvrerie de l’or numérique

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Comment donner de la valeur à des satoshis ? – On compare souvent les bitcoins (ou les satoshis) à de l’or numérique. On parle souvent de ses caractéristiques financières de « réserve de valeur ». En gros, on considère parfois les BTC comme une sorte de matière première numérique. Évidemment, le protocole Bitcoin est bien plus que cela, mais je pense que les caractéristiques de l’unité de compte de Bitcoin sont au cœur de la fascination qu’il génère. Je constate qu’à ce propos nous sommes encore aux balbutiements de sa compréhension et de son utilisation. Il y a donc encore tout un champ d’expérimentation pour les « early adopters » que nous sommes.

Valeurs de Bitcoin et d’un bitcoin

Tout comme pour l’or, des utilisations financières secondaires se développent notamment avec des outils comme liquid, et gageons que d’autres produits financiers en surcouche de Bitcoin se développeront. Tout comme avec l’or, certaines startups, comme woleet, cherchent des applications industrielles du protocole. Tous ces champs sont encore en friche et je crois que les pionniers les plus inventifs seront les Rockfeller du XXIe siècle.

Je prétends pour ma part que tout comme l’or, les satoshis peuvent être utilisés en « bijouterie ». Cela peut paraître complètement saugrenu, voire grotesque, mais je vais m’atteler ici à vous démontrer par un exemple pratique comment donner de la valeur à vos satoshis à la manière des bijoutiers. Ces derniers parviennent à vendre des bijoux en or bien plus cher que la matière première qui les compose. Pourquoi ne pourrions-nous pas faire la même chose avec nos satoshis ?

Avant d’entrer dans l’exemple, je souhaite également vous proposer une base de réflexion concernant la valeur du BTC. Au détour d’internet, certains petits malins prétendent qu’1 BTC vaut 1 BTC. Il n’y a rien de plus faux !!! Chaque satoshi est unique et n’est pas interchangeable : certains BTC peuvent être sales (ça me rappelle l’histoire de BTC-E et de ses BTC au rabais) et valent moins que les BTC fraîchement minés. Je ne vais pas m’étendre sur ses exemples pour le moment, mais ce qu’il faut retenir, c’est que chaque satoshi est différent, chaque satoshi possède une histoire qui peut lui faire perdre de la valeur ou en faire gagner (ce qui est plus intéressant, vous en conviendrez). Finalement le prix du marché du BTC n’est qu’un indicateur de la valeur moyenne d’un bitcoin lambda, avec une histoire sans importance ou dont l’histoire se serait oubli sous les nombreuses transactions. (Est-ce que le mixing de coins n’est pas une sorte d’usure, à la manière des moines copiste qui gratte le papier pour faire les palimpsestes ? Je m’égare…)

À présent, voici posées les bases de réflexion : le BTC est de l’or numérique et 1 BTC ≠ 1 BTC.

Le secret de la Licorne

Laissons désormais de côté la théorie pour vous exposer un exemple pratique « d’orfèvrerie du Bitcoin » ou l’art de donner de la valeur à une poignée de satoshis. Et quoi de mieux qu’une belle histoire pour forger des BTC :

Il était une fois un éditeur très impliqué dans les cryptomonnaies. Il éditait des contes et des romans de Fantasy mais il souhaitait mêler ses deux passions : sortir un livre sur Bitcoin qui sorte des sentiers battus.

A force de rencontres et de repas avec les Bitcoiners francophones, il se lia d’amitié avec un blogueur qu’il admirait beaucoup. Au détour d’une discussion, il lui proposa d’éditer ses notes du blog « La Voie du Bitcoin ». Le vieux sage, qui avait plus d’un tour dans son sac, refusa tout en soumettant une idée un peu folle : un livre sur Tintin et le Bitcoin, co-écrit avec son maître d’antan. Il lui glissa alors un brouillon de manuscrit dans ses bagages.

Dans le train de retour, l’éditeur lut le texte d’une seule traite. Il avait enfin trouvé la perle rare bien que le livre risqua de froisser les habitants du château (de Moulinsart). La tâche et le risque éditorial étaient grands mais qui combat sans péril, triomphe sans gloire. Et c’est dans l’enthousiasme qu’il accepta le défi.

Après avoir recruté une illustratrice pour compléter la troupe, la petite équipe se mit au travail. Je vous épargne les péripéties des auteurs et illustrateurs car elles sont contées avec moult détails dans les chroniques de la Voie du Bitcoin. Concentrons-nous sur comment l’éditeur a imaginé comment incruster des satoshis à ses ouvrages afin de les rendre plus précieux.

Tout d’abord, il décida de proposer deux cents dix exemplaires numérotés de collection. Ceux-ci sont parfaitement reconnaissable grâce à une impression et reliure plus riche. A la manière des bitcoins et du fétiche de « L’Oreille Cassé », seuls les exemplaires originaux ont une véritable valeur à l’œil averti, en comparaison des pâles copies. Mais ce qui rend le fétiche original unique se cache en son cœur : le diamant des Arumbayas. Il lui fallait donc cacher un trésor à l’intérieur des ouvrages de collection.

C’est ainsi que notre héros imagina un stratagème. A la manière, du Chevalier de Hadoque, il prépara trois clés privées, trois clés qui unies donnent accès à une île cryptographique de l’espace numérique de Bitcoin : 3Jf995GANG4EmFBK89byNNyZdtB3ELXJsZ.

C’est ainsi qu’il s’envola pour la Deuxième Rome où les livres étaient imprimés et reliés. Il inséra au hasard les clés privées au cœur de trois ouvrages de collection qui furent soigneusement mélangés afin que même lui ignore quel sont les trois Licornes. Puis il détruisit par le feu les dernières traces de ces clés (en enfumant le café à chicha par la même occasion). Le secret de la Licorne sera ainsi gardé uniquement parmi les deux-cent-dix collectors.

Son dispositif mis en place, une transaction de 21 millions de satoshis a été déposée sur l’île cryptographique au jour et à l’heure anniversaire du premier bloc de Bitcoin.

Les deux-cent-dix ouvrages se baladent à présent aux quatre coins de la francophonie (et plus loin encore). Et le trésor repose encore et toujours parmi eux. Jusqu’au jour où les trois pairs unis briseront le mat pour déterrer ou non le trésor… le choix leur reviendra !

Belle histoire, n’est-ce pas ? Prenons le temps de réfléchir à ses implications concernant le sujet qui nous intéresse. Je prétends que les 21 millions de satoshis donnent de la valeur aux ouvrages de plusieurs manières :

  • Une valeur symbolique, car la démarche s’inscrit parfaitement dans la cohérence des propos de l’ouvrage. Il s’agit d’un exemple pratique qui permet d’aborder certaines facettes de la valeur intangible du bitcoin, à la manière des nombreux exemples tirés des aventures de Tintin. Un prolongement de l’expérience de lecture, une sorte d’agencement technique et symbolique.
  • Une valeur financière, car jusqu’à la découverte des trois licornes, chaque ouvrage de collection contient potentiellement à part égale une part du secret. Ainsi, on peut considérer que chaque exemplaire contient 100 000 satoshis. C’est ma manière d’incruster de l’or numérique à mes ouvrages.

Mais ça ne s’arrête pas là, je pense également que les satoshis eux-mêmes prennent une certaine valeur. Tout d’abord par la trace qu’ils ont laissé dans la blockchain publique. Contrairement au diamant des  Arumbayas ou des manuscrits de Hadoque, le trésor, bien qu’inaccessible, est visible aux yeux de tous. Chacun peut les « contempler » sur son adresse publique en connaissant leur histoire et leur sens révélé dans Objective Thune.

Et même si un jour, le trésor venait à être déterré par les trois pairs unys. Est-ce qu’ils ne deviendront pas à leur tour des objets numériques de collection ?

Je vais m’arrêter ici dans mes réflexions sur Objective Thune et je vais conclure cet article avec quelques exemples de « joailleries » du bitcoin. Ils m’ont inspiré et révèlent tous à leur manière la valeur intangible et poétique de Bitcoin.

Des bitcoins d’exception

Objective Thune est un exemple de poésie satoshienne (à ce propos, je vous invite à découvrir cet excellent article en anglais de Ploum). Mais l’idée ne me serait pas venue si elle n’avait été précédée par de nombreux exemples inspirants.

Commençons par le commencement, le premier bloc de Bitcoin, celui qui s’invite discrètement sur la couverture d’Objective Thune, est une œuvre exemplaire d’orfèvrerie. Pour ceux au fond qui ne connaissent pas l’histoire, en voici les grandes lignes, ce Genesis bloc possède plusieurs spécificités :

  • Il possède un message dans sa version rew hex : The Times 03/Jan/2009 Chancellor on brink of second bailout for banks
  • Pour des raisons techniques, les 50 premiers BTC qu’il génère ne peuvent être dépensés, même pas Satoshi Nakamoto lui-même.
  • Il pose les bases de toute la blockchain, il se retrouve de manière indirecte dans tous les blocs suivants par la magie de l’enchaînement cryptographique. Il s’agit du bloc le plus difficile à modifier, le plus sécurisé de tous.

En citant l’article du Times, il ancre tout un protocole dans la réalité. Il est là en témoignage pour la fin des temps, incensurable par la puissance de calcul qui s’accumule toutes les 10 minutes sur Bitcoin. L’instant historique de sa création n’appartient pas à Satoshi à la manière des 50 BTC qu’il renferme (même si ce n’était sans doute pas intentionnel). Cette poignée de satoshis valent bien plus que les 500 000 $ que l’on pourrait tirer du marché aujourd’hui. Les numismates ne s’y tromperaient pas : ils ont valeur de collection bien que personne ne pourra les posséder. Ou plutôt ils sont la propriété de tous et sont un témoignage puissant pour l’avenir.

Pour faire un parallèle avec Objective Thune, les 50 premiers BTC appartiennent à tous les Bitcoiners comme les 21 millions de satoshis du trésor de Rackam appartiennent à tous les propriétaires des exemplaires collectors.

Un autre exemple m’a beaucoup inspiré, le Bitcoin souvenir de Bitcoin Pluribus Impar est un autre chef-d’oeuvre d’orfèvrerie numérique. Il fut créé lors d’un événement 300 Bitcoin-Souvenirs d’un demi-millième de Bitcoin, distribués aux participants et aux soutiens de l’événement. Ils y ont intégré des traces cryptographiques de l’événement : une photo et un enregistrement musical. Il s’agit d’un exemple moins connu que le Genesis block mais la démarche est comparable. L’expérience est unique à ma connaissance et je garde précieusement mon Bitcoin-Souvenir dans ma boite aux trésors.

Mais vous me direz, personne n’achète de tels Bitcoin-Souvenirs et encore moins les 50 BTC du bloc de Genèse. Quel intérêt alors à tout ça ? La réponse est simple : le symbole et la compréhension du fonctionnement du protocole Bitcoin. Souvent l’humanité de Bitcoin s’oublie face à ses rouages mathématiques et informatiques. Mais ces exemples nous rappellent que derrière la belle mécanique, il s’agit d’une aventure humaine, pleine de poésie et de diversité. Derrière chaque transaction se cache une histoire qui s’exprime publiquement tout en respectant la vie privée de chacun. 

« La vie privée est nécessaire pour une société ouverte dans l’ère électronique. La vie privée n’est pas un secret. Une affaire privée est ce qu’un individu ne veut que le monde entier sache, mais une affaire secrète est ce qu’un individu ne veut que quiconque sache. La vie privée est le pouvoir de se révéler sélectivement au monde. » in Cypherpunk’s Manifesto, Eric Hughes, 1993

A la lumière de cette définition, l’orfèvrerie numérique pourrait se résumer par le cadeau que les auteurs de transaction numérique en révélant publiquement le secret qu’elle cache.

Et pour les plus matérialistes d’entre nous qui ne voient pas l’intérêt de tout mon baratin symbolique, je vais présenter un dernier exemple d’orfèvrerie qui parlera aux spéculateurs purs : les physicals bitcoins. Il y en a un commerce acharné par des spéculateurs et des collectionneurs. Ils se vendent à bien plus cher que la valeur intrinsèque qui les compose, matière première et bitcoin compris. C’est bien la preuve qu’il s’agit d’une sorte d’orfèvrerie.

Et pour conclure, je ferai le lien entre ces pièces collectors et la valeur poétique, quasi mystique, de l’orfèvrerie numérique par une citation biblique :

“Ou encore, si une femme a dix pièces d’argent et en perd une, elle allume une lampe, balaye la maison, et cherche la pièce avec soin jusqu’à ce qu’elle la retrouve ? Quand elle l’a trouvée, elle réunit ses amies et ses voisines et leur dit : “Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue !” Je vous le dis : Il y a de la joie chez les anges de Dieu pour un seul pécheur qui change de vie.”  Luc 15, 8-10

En définitive, chaque bitcoin est unique et possède la valeur sentimentale qu’on veut bien lui donner. 

ludom

Je suis un historien/éditeur/créateur de jeu tombé dans Bitcoin depuis quelques années. Attiré par le potentiel de payement en ligne de Bitcoin, j'ai compris rapidement que le protocole était passionnant sous plusieurs aspects : social, philosophique et économique. C'est donc naturellement que j'écris et édite parfois des textes qui exposent l'état de ma réflexion.

Commentaires

2 responses à “La valeur d’un bitcoin : plongée dans l’orfèvrerie de l’or numérique


NiS
et vlan, encore un paquet de bitcoin qui sont rendus inaccessibles.
Répondre · Il y a 4 ans

Philippe
le BTC à deux problèmes: 1° le minage qui pollue en CO2, 2° la volatilité qui l'empêche d'être un monnaie. La VERAONE est une crypto monnaie adossé à l'or, le vrai or! Pas de minage et très peu volatile. Il y a une carte de paiement Veracash MasterCard que j'utilise quotidiennement.
Répondre · Il y a 4 ans

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