Un groupe terroriste aurait collecté des millions de dollars en bitcoins

Sortez les pincettes – Selon des conclusions rapportées par le Jerusalem Post, il semblerait qu’un groupe armé lié au Hamas et basé dans la bande de Gaza ait reçu un financement continu de l’étranger sous forme de bitcoins (BTC) pendant près de 4 années. Ce dernier se serait tari courant 2019. Explications.

Des dons en bitcoins pour une brigade armée du Hamas ?

Ce 19 janvier, le journal israélien Jerusalem Post a présenté les conclusions d’un rapport de l’ICT (Institut de contre-terrorisme), une institution académique israélienne de lutte contre le terrorisme international.

Selon ce rapport, l’ICT aurait identifié une adresse de wallet bitcoin (1LaNXgq2ctDEa4fTha6PTo8sucqzieQctq) qui serait reliée aux Brigades al-Nasser Salaheddine. Cette brigade est une branche paramilitaire des Comités de résistance populaire (RPC) palestiniens. Elle est également connue pour avoir été financée par l’Iran par le passé.

Les petits curieux pourront consulter le site Bitcoin Abuse Database, pour se rendre compte que l’information ne serait pas si nouvelle que ça : référençant les adresses potentiellement suspectes, ce dernier relevait une connexion possible avec les campagnes d’appel aux dons en bitcoins du Hamas dès février 2019.

D’après l’ICT, ces donations en BTC auraient été faites par l’intermédiaire d’un « site web financier, apparemment légitime, du nom de cash4ps ». Cette société aurait ses comptes dans la Banque Nationale Islamique, une des rares banques opérant à Gaza, placée sur liste noire par les États-Unis.

29 millions, vraiment ?

Avec plus de 4 500 transactions effectuées entre octobre 2015 et juillet 2019, le wallet aurait vu transiter 3370 bitcoins. A première vue, cela peut amener à faire l’hypothèse d’un total collecté de 29 millions de dollars au cours actuel, comme le précise le Jerusalem Post. Notons que si le réseau de financement de ces brigades à proprement parler est décrit comme sophistiqué au plan bancaire, les sources diverses de dons en bitcoins ne sont pas détaillées.

Mais à y regarder de plus près, le montant réel ayant transité par ce wallet serait bien moindre : comme le signale sur Twitter ErgoBTC, fin limier des suivis on-chain opérant chez OXT Research, cette estimation ne fait pas la différence au sein d’une seule transaction entre la somme réellement envoyée, et celle qui revient sous le contrôle de l’expéditeur. Or, il se trouve que l’adresse considérée sert d’adresse de réception du change de chaque transaction, et ce systématiquement.

D’autres recherches menées auprès d’autres milices armées plus directement liées au Hamas montrent en effet des sommes moins importantes au global. Rien de foncièrement étonnant, puisque là encore les sources de financement et de dons paraissent multiples : selon un autre rapport récent de Chainalysis, les Brigades Izz al-Din al-Qassam tirent par exemple le principal de leur financement en bitcoins de dons émanant d’utilisateurs d’exchanges classiques pratiquant des mesures habituelles d’identification de leurs clients (KYC/AML). Notons que, à la différence d’autres études récentes, aucun exchange n’est précisément nommé dans ce rapport.

Répartition des sources de dons pour le cas des Brigades Izz al-Din al-Qassam, source : Chainalysis.

Pour autant, au delà de ces groupes armés locaux, une enquête de CoinDesk concluait qu’une vingtaine de services de vente de bitcoins à Gaza traiteraient « jusqu’à 5 à 6 millions de dollars par mois », notamment pour des organisations caritatives étrangères, ainsi que des entreprises locales. De quoi relativiser les sommes reçues par ces milices, sans les nier.

Rémy R.

Issu d’une formation universitaire en Sciences, je m’intéresse aux blockchains et à Bitcoin depuis 2013 et en ai même miné à l’époque. La bulle qui s'en est suivie m'en a détourné, mais je m'y suis replongé depuis 2017 et les étudie depuis avec passion.