Bitcoin est-il une pyramide de Ponzi ?

Collectionnez les articles du JDC en NFT

Collecter cet article

Comme beaucoup d’autres avant lui, l’essayiste Nassim Taleb a déclaré il y a quelques mois que Bitcoin était un « système de Ponzi ». Voyons ce que vaut cette accusation régulièrement proférée à l’encontre de Bitcoin et quelle objection on peut lui faire.

Qu’est-ce qu’une pyramide de Ponzi ?

Une pyramide de Ponzi, aussi appelée système de Ponzi, est un montage financier frauduleux qui consiste à rémunérer les investisseurs essentiellement par les fonds procurés par les nouveaux entrants. Cette technique d’escroquerie tire son nom de l’italien Charles Ponzi qui l’a mise à exécution de façon magistrale entre 1919 et 1920 aux États-Unis.

Charles Ponzi, inventeur du système portant son nom
Charles Ponzi vers 1920

Le fonctionnement d’un système de Ponzi est simple : son promoteur promet à ses clients des rendements au-dessus des taux du marché et les convainc d’investir pour une période donnée. Il se sert de ces investissement pour les rémunérer virtuellement. Les clients sont libres de retirer leurs gains mais sont encouragés à laisser leur argent entre les mains de l’escroc pour continuer à le faire fructifier. Certains sortent mais ces sorties sont compensées par l’entrée de nouveaux investisseurs.

Il s’agit d’un système pyramidal où les profits des premiers membres proviennent de l’investissement des strates inférieures. C’est pourquoi il arrive que l’affiliation soit utilisée : les investisseurs sont encouragés à parler de ce « bon filon » autour d’eux en étant rémunérés pour cela. Généralement, les personnes des rangs les moins élevés sont naïvement persuadées que l’investissement est réel, tandis que celles appartenant au sommet de la pyramide se rendent parfaitement compte de ce qu’il se passe et veillent à retirer leurs gains autant que possible.

L’escroquerie s’écroule lorsqu’il n’y a plus assez de fonds entrants pour rémunérer les investisseurs. Ceux-ci se retrouvent ainsi dépouillés de leur argent. Cela se produit nécessairement, car la croissance du système repose sur un afflux exponentiel de nouveaux arrivants, chose qui n’est physiquement pas possible dans un monde limité. La chute de la pyramide peut être induite par une révélation dans les médias qui mène à la panique (c’est ce qui est arrivé à Charles Ponzi en 1920), mais elle a toujours lieu à un moment ou à un autre.

L’impossible progression géométrique d’un système pyramidal classique (Wikipédia)

L’une des pyramides de Ponzi les plus connues de l’histoire est celle de Bernard Madoff qui a perduré pendant 48 ans de 1960 à 2008, grâce à un montage plutôt réaliste, bien que présentant un rendement élevé. Par la suite, l’émergence d’internet a permis aux systèmes de ce type de se développer, au travers des programmes d’investissement à haut rendement qui ont rencontré un grand succès dès le début. L’arrivée des cryptomonnaies a enfin donné un prétexte au développement de systèmes pyramidaux basés sur un jeton numérique comme Bitconnect ou OneCoin.

Bitcoin est-il une pyramide de Ponzi ?

Une critique régulièrement émise à l’encontre de Bitcoin est d’être une « arnaque », et en particulier une pyramide de Ponzi. Cette accusation n’est pas nouvelle et remonte à ses premières années d’existence, y compris au sein de la sphère francophone. En 2011, on parlait déjà de lui comme un « Ponzi 2.0 » qui « ne fait que reproduire un système injuste ». En 2014, suite à la chute de Mt. Gox, un blogueur du Monde déclarait que « Bitcoin [s’apparentait] à un schéma de Ponzi » sur le point d’éclater.

L’objection habituelle à cet argument est de dire qu’il ne peut pas s’agir d’une escroquerie puisque tout est écrit en clair dans le code, qui est disponible en source ouverte sur internet. Il s’agit d’un argument parfaitement valide et fondé : Bitcoin ne peut pas être une fraude si l’on en connaît toutes les caractéristiques techniques et quelqu’un qui le présente de manière neutre n’est pas coupable de « mentir sur la marchandise ». Néanmoins, cette objection évite soigneusement le cœur de la question.

Dans un passage sur CNBC en avril 2021, l’essayiste libanais Nassim Nicholas Taleb a déclaré que Bitcoin était un « système de Ponzi ouvert » en expliquant qu’il n’y avait « absolument aucune raison pour qu’il soit lié à quoi que ce soit d’économique ». Le reproche de Taleb ne se place pas tant au niveau du fond (il sait parfaitement que le système est transparent) mais de la forme, c’est-à-dire au niveau de la façon dont le bitcoin est vendu.

Car effectivement, l’engouement autour de Bitcoin rappelle à ce qui pourrait s’apparenter à une pyramide de Ponzi classique :

  • Certains vendeurs de rêve promettent des plus-values faramineuses aux personnes extérieures, espoirs qui se retrouvent dans les mèmes de la communauté comme « to the moon » ou « have fun staying poor ».
  • L’achat de bitcoin est vanté improprement comme un « investissement », alors qu’il s’agit au mieux d’épargne. Il n’y a en effet pas de source externe de revenu : le bitcoin n’est pas une action ou d’une obligation impliquée dans une activité productive.
  • Ceux qui « sortent » sont récompensés par l’apport des nouveaux entrants. Les premiers à avoir acheté du bitcoin sont grassement rémunérés, contrairement aux derniers qui sont dupés.

Donc Bitcoin présente bel et bien, au moins en apparence, les caractéristiques d’un Ponzi ouvert. La spéculation autour du bitcoin provoque l’avidité et encourage les individus à parfois survendre la chose et à faire miroiter le prix pouvant être atteint ; en conséquence, les gens achètent sans savoir réellement pourquoi et des bulles gonflent et éclatent. On peut le déplorer, mais cette spéculation est inhérente à Bitcoin et lui a même permis d’être amorcé et de survivre dans les temps les plus difficiles.

Toutefois, cela ne veut pas dire que Bitcoin est réellement un système de Ponzi ouvert tel que le décrit Taleb. Pour cela il faudrait que son utilité soit quasiment inexistante en dehors de la spéculation. Or ce n’est pas le cas.

Bitcoin a-t-il une utilité ?

Plus que l’aspect pyramidal du système, la critique de Nassim Taleb porte sur le manque d’utilité de Bitcoin. Celle-ci prend la forme de deux reproches. D’une part, Taleb nie au bitcoin tout rôle de couverture contre l’inflation :

« Fondamentalement, il n’y a aucun lien entre l’inflation et le bitcoin. Aucun. Vous pouvez avoir une hyperinflation et un bitcoin qui va à zéro. Il n’y a aucun lien entre les deux. »

D’autre part, il met en avant son inefficacité à être utilisé comme monnaie d’échange, en invoquant la volatilité du prix qui empêche au bitcoin de constituer une unité de compte :

« Je pensais que le bitcoin allait être une monnaie dans le sens où l’on pourrait effectuer des transactions avec. Il s’est avéré trop volatil et s’est transformé en outil spéculatif. C’est incompatible avec l’objectif initial de remplacer le dollar. On ne remplace pas une monnaie par quelque chose qui est si volatil qu’on ne peut pas vraiment s’en servir pour s’engager dans une transaction. »

Ces reproches peuvent se comprendre, bien qu’ils soient le résultat d’une mauvaise foi évidente. Mais avant d’y répondre, essayons de rappeler ce qu’est Bitcoin et à quoi il sert.

Bitcoin est un système monétaire numérique d’un genre particulier. Même s’il est vrai que le bitcoin ne remplit pas parfaitement les trois fonctions de la monnaie (moyen d’échange, réserve de valeur, unité de compte), son intérêt est presque exclusivement monétaire.

Sa proposition de valeur fondamentale est qu’il ne repose pas sur une autorité centrale pour fonctionner, et qu’il permet des choses que n’autorisent pas les systèmes monétaires traditionnels. Trois aspects le caractérisent :

  • Il fonctionne nativement sur internet et permet par conséquent les transferts sur de longue distances, y compris à l’international. En cela, Bitcoin se rapproche des systèmes de règlement bancaire et de paiement en ligne, permettant l’échange de valeur avec des gens tout autour du monde.
  • Il est résistant à la censure, en rendant difficile (pour ne pas dire impossible) l’entrave des transactions et les gels de comptes. En cela, Bitcoin se rapproche de l’argent liquide que nous connaissons et en offre les avantages : possession souveraine, échange de personne à personne et relatif anonymat.
  • Il est résistant à l’inflation, en rendant difficile (pour ne pas dire impossible) la modification du protocole pour créer de nouvelles unités au-delà de la politique prédéfinie (halvings). En cela, le bitcoin se rapproche de l’or, et fait même mieux, puisqu’il est prévu qu’il devienne progressivement une monnaie à offre fixe limitée à 21 millions d’unités.

L’association de ces trois aspects font de Bitcoin quelque chose d’unique en tant que concept. C’est pourquoi il est particulièrement adapté pour des cas d’usage spécifiques comme :

  • L’envoi de fonds à l’étranger, chose qui est souvent très coûteuse en temps et en frais avec le système bancaire traditionnel ;
  • Le soutien de l’accès à l’information et de la liberté d’expression dans le monde, par exemple via le financement de WikileaksSci-Hub ou Tor ;
  • Les achats sur les places de marché du dark web, notamment tout ce qui concerne les drogues illégales ;
  • L’utilisation dans les activités à la limite de la légalité, comme le jeu d’argent en ligne, la vente de cannabis aux États-Unis ou la prostitution ;
  • La préservation de richesse au sein d’un régime autoritaire dont la monnaie connaît une hyperinflation, comme au Venezuela.

Dans tous les cas, il s’agit d’usages permettant d’échapper à une forme d’autorité : le contrôle des changes, l’étouffement de l’information, la guerre contre la drogue, la réglementation excessive ou l’arbitraire de la tyrannie.

Pour revenir à la critique de Nassim Taleb, nous pouvons au moins partiellement accepter les reproches faits à Bitcoin. Il est possible que les gens se tournent vers autre chose que le bitcoin pour se couvrir contre le risque d’inflation en Occident (comme les actions, l’immobilier ou encore l’or), bien que la cryptomonnaie constitue tout de même une option non négligeable à cause de son caractère inconfiscable. Il est possible que les gens ne s’en servent pas dans le commerce réglementé, et que le bitcoin ne replace pas le dollar à cause de la volatilité de sa valeur d’échange. Cependant, même si ces reproches étaient complètement valides, cela ne signifierait pas que le bitcoin est dépourvu d’utilité comme nous venons de le montrer, et sa critique est donc infondée.

De plus, depuis la crise de 2020, Bitcoin devient de plus en plus un refuge face au monde qui est en train de se construire, avec le développement de la surveillance de masse, des monnaies numériques de banque centrale et de la création monétaire comme levier d’action. Ainsi, en dépit de tous ses défauts, il devrait gagner en utilité au cours du temps en devenant une nécessité pour de plus en plus de personnes.

Bitcoin n’est donc pas une pyramide de Ponzi, fût-elle ouverte. On peut reprocher la part très importante que prend la spéculation dans l’activité du sytème et les incitations faisant que les détenteurs les plus anciens encouragent les nouveaux à se procurer du bitcoin, parfois excessivement. Néanmoins, l’utilité non spéculative de Bitcoin est concrète, solide et est vouée à augmenter à l’avenir, ce qui réfute la validité de l’appellation de « pyramide de Ponzi ».

Le Journal du Coin est fier de pouvoir vous conter les petites et grandes histoires de Bitcoin et des cryptomonnaies. Pour soutenir le journal dans ce type d’initiative et garantir son indépendance, n’hésitez pas à passer par les liens affiliés du média, que vous souhaitiez profiter de 300 euros offerts en cryptomonnaies par une plateforme ultra-robuste, voire pourquoi pas les miner vous-même !

Ludovic Lars

Je suis fasciné par les cryptomonnaies et par l'impact qu'elles pourraient avoir sur nos vies. De formation scientifique, je m'attache à décrire leur fonctionnement technique de la façon la plus fidèle possible.

Recevez un condensé d'information chaque jour