Affaire FTX : retour sur les interviews de Sam Bankman-Fried
CEX, mensonges et vidéo – Depuis début novembre et le déclenchement de l’affaire FTX, l’ancien CEO de la société ne cesse de se répandre sur les réseaux sociaux et dans la presse américaine. Sam Bankman-Fried délivre librement sa part de vérité aux médias qui lui déroulent parfois le tapis rouge pour des interviews plus ou moins complaisantes, mais toujours à succès. Ces interventions agacent la communauté crypto qui voudrait que justice passe et qui digère mal les prises de parole parfois lunaires de l’ancien chouchou de Wall Street.
Malgré des questions plutôt précises et parfois directes de la part des journalistes, de larges zones d’ombre persistent sur ce qu’il savait et sur son rôle dans l’affaire. Il s’entête à dire qu’il s’est trompé et qu’il regrette la situation dans des séances de contrition très américaines, mais ne reconnaît pas d’actes délictueux. Dernièrement, deux interviews ont retenu l’attention du public, en voici les meilleurs passages si vous n’étiez pas là.
Table des matières
FTX, Twitter et les médias de masse
En Chute Libre sur les réseaux
Dans certains scandales très médiatisés, les avocats conseillent à leur client d’être discret et de limiter les prises de parole pour éviter d’aggraver la situation. Manifestement, Sam Bankman-Fried n’a pas écouté ces conseils, car il ne cesse de tweeter et de répondre à des interviews pour la presse écrite, la télévision et même internet.
Dans un premier temps, il s’est contenté de publier des messages sur ces réseaux sociaux, mais la teneur des publications a fortement dérouté les observateurs qui se demandaient où il voulait bien en venir. Et, les choses ne sont pas arrangées quand il a commencé à prendre franchement la parole à travers des articles de la presse officielle américaine.
Quand SBF bénéficie de la mansuétude des médias
Le Wall Street Journal ou le New York Times lui ont alors consacré des articles long format avec un angle qui n’a pas manqué de déstabiliser les utilisateurs de la plateforme en faillite. Le fondateur de FTX aurait été une victime de l’effondrement de sa plateforme et la perte de sa fortune inquiète plus les journalistes que l’armée de pauvres gens qui ont perdu leurs économies.
Puis l’ensemble des médias grand public vont traiter la nouvelle de la chute de l’exchange sans jamais mettre réellement en cause son ex-CEO, préférant mettre l’accent sur le côté sensationnel de la nouvelle et rappeler le danger intrinsèque des cryptomonnaies. Cet angle de traitement de l’affaire FTX va se répandre dans les médias pendant plusieurs jours, ce qui déclenche le courroux de la communauté crypto.
L’ex CEO face aux contradictions de l’affaire FTX
Face à Face avec la presse
Il faudra finalement attendre les derniers jours de novembre pour avoir deux interviews coup sur coup avec des journalistes pugnaces qui vont essayer de faire réagir le jeune CEO. Le premier se tient dans le cadre du DealBook Summit organisé par le New-York Times et sera mené par Andrew Ross Sorkin. Le deuxième aura lieu le lendemain dans l’émission à forte audience Good Morning America et SBF sera interrogé par George Stephanopoulos.
Ces deux événements vont être annoncés à grand renfort de publicité et autres teasers, car les Américains adorent ce genre « d’interviews vérité ». Depuis les Bahamas où il vit toujours, Sam Bankman-Fried va se livrer à chaque fois à un numéro d’équilibriste de haut niveau qui va consister à multiplier les excuses publiques et les regrets tout en maintenant ses positions sur le fond des choses.
Le Margin Call d’Alameda Research
Tout au long de ces deux interviews et malgré les questions répétées par les journalistes, Sam Bankman-Fried va dire et répéter que rien d’illégal n’a été fait et que dans le pire des cas, il ne savait pas. Non, les fonds des utilisateurs n’ont pas été utilisés pour renflouer les caisses d’Alameda ni pour autre chose d’ailleurs.
Oui, Alameda avait des positions avec énormément de levier, mais il n’était pas aux manettes et n’était au courant de rien. Non, les fonds des deux entreprises n’ont pas été mélangés et il n’y a eu aucune utilisation inappropriée des fonds des clients. Ces deux entreprises fonctionneraient encore s’il n’y avait eu toutes ces rumeurs déclenchées par l’article de notre confrère CoinDesk.
Les révélations de la presse et le Jour d’après
Une journée en enfer pour les utilisateurs
Le 2 novembre, le média spécialisé crypto sort le fameux article sur les réserves d’Alameda en FTT et remet en cause par la même occasion la solvabilité des deux sociétés sœurs. Interrogé sur cet épisode, SBF reconnait avoir été nerveux et fébrile à ce moment-là. Cependant, il restera persuadé jusqu’au bout qu’il n’y a pas de réel problème avec la situation.
C’est plutôt la faute des utilisateurs qui se sont rués vers les retraits et qui ont tout bloqué. Sans cela, FTX.us fonctionnerait toujours et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Voilà en substance ce qui ressort de l’interview de SBF sur ces quelques jours fatidiques. D’ailleurs, et accrochez-vous bien, si on autorisait les retraits aujourd’hui sur FTX.us, il serait possible que tout le monde récupère ses fonds. Un peu comme avec FTX Japan.
Arnaque, crimes et…rhétorique
À toutes les questions concernant d’éventuelles malversations ou actes délictueux, il répondra avec le même manque d’assurance et par des silences gênés. Je suis le responsable, répète-t-il à l’envie, j’aurai dû vérifier les comptes, j’aurai dû faire moins confiance à mes équipes. C’est ma responsabilité, mais je n’aurais jamais pu imaginer pareil scénario.
George Stephanopoulos lui fera répéter plusieurs fois qu’il n’avait pas pris le temps ni fait l’effort de gérer les risques de son entreprise, ce qui est le rôle principal d’un dirigeant. Oui, il s’est trompé, car c’était lui le CEO et c’était à lui d’être vigilant à tout ça. D’où venait l’argent des prêts à Alameda ? De bénéfices commerciaux. D’où venaient les fonds de soutien aux partis politiques ? De bénéfices commerciaux également.
Présumé innocent par la justice et coupable par tout le monde
Un simple Usual Suspect(s)
À plusieurs reprises, les deux journalistes vont lui demander s’il a menti dans ces déclarations. A-t-il menti quand le 7 novembre, il déclare que les fonds sont en sûreté et que tout va bien ? Non. A-t-il menti quand il dit qu’il ne savait pas que les fonds des clients étaient utilisés par Alameda ? Non. Par contre, il a parfois préféré agir en tant que représentant de FTX, et donc présenter les faits dans un angle favorable à sa société.
Et la maison de ses parents ? Et les appartements de luxe des dirigeants de la société aux Bahamas ? « Je ne savais pas, pour moi ces gens de la Silicon Valley avaient tous suffisamment d’argent pour s’acheter tout ça ! » Et pour ses parents, il n’était pas au courant, mais ce n’est pas important. Ce qui compte maintenant, c’est d’arranger les choses, d’aider la justice et de proposer son aide à chaque fois qu’elle sera utile.
De gentils Pirates des Caraïbes
De nombreuses questions sur son train de vie aux Bahamas ont également été posées durant ces interviews, mais les réponses ont été plutôt évasives. Habitait-il avec les employés de chez Alameda ? Oui, non, mais peut-être de temps en temps. Et, ces fêtes avec alcool et drogue dont on a parlé ? Rien de tout ça n’est vrai, il ne se drogue pas, ne boit pas d’alcool et n’a jamais rien vu d’illégal tout ce temps-là. Et les médicaments ? Il ne s’intéresse pas à la vie privée de ses collaborateurs et ne peut donc pas répondre à cette question.
A-t-il peur d’aller en prison ? Non, pas vraiment et de toute façon ce n’est pas ça l’important. Ce qui compte ce sont les clients de FTX, pour son sort, on verra plus tard. Envisage-t-il de rentrer aux États-Unis ? Pourquoi pas, à sa connaissance, il pourrait très bien le faire. A-t-il encore de l’argent pour vivre ? Malheureusement, il avait mis toutes ses économies dans son propre business et il lui reste seulement 100 000 dollars sur un compte en banque.
Un show à l’américaine pour pas beaucoup de réponses
Les figures de l’ombre
Tellement de questions posées qui vont rester sans réponse et tellement de zones d’ombre que le public voudrait combler. Quel était le rôle de Caroline Elisson et pourquoi personne n’en parle ? Pourquoi persiste-t-il à se retrancher derrière le respect de la loi alors que les mentions légales de FTX précisaient bien que les fonds des utilisateurs n’appartiennent pas à la plateforme ? Que s’est-il passé les jours suivant la faillite avec ses fonds volés ou détournés ?
Quels sont les liens qui unissent Sam Bankman-Fried et certains hommes politiques, de la finance ou des médias ? Quel(s) rôle(s) ont-ils joué dans son ascension et dans le traitement médiatico-judiciaire de sa chute ?
Docteur Bankman et Mister Fried
Finalement, ce qui ressort le plus de ces entrevues sont des excuses parfaitement mises en scènes dans un pur style américain que les médias d’outre-atlantique adorent. Il répètera à de multiples reprises qu’il aurait dû, qu’il aurait fallu, qu’il aurait voulu contrôler, vérifier, prendre d’autres décisions, bref, diriger son entreprise.
Ces deux interviews ont fait de très beaux scores d’audiences et se sont immanquablement terminées par un tonnerre d’applaudissement à destination de celui qui a décidé de parler. Merci d’être venu, a-t-on entendu, merci d’avoir osé parler dans un moment si difficile pour vous. Merci d’avoir bravé l’interdiction de vos avocats pour venir donner votre vérité et encore merci pour tout. Oui, vraiment, merci pour tout.
Cette mise en scène de la confession par les médias américains a clairement écœuré les utilisateurs de la plateforme dont certains ont tout perdu et qui doivent en plus supporter les déclarations laborieuses de celui qui a ruiné leur vie. À ce propos, Andrew Ross Sorkin a commencé son entretien à New-York en lisant la lettre d’un certain Andrew qui a perdu pas moins de 2 millions de dollars dans l’affaire. Andrew voulait savoir pourquoi M. Bankman-Fried a décidé de voler les économies de toute sa vie ? Pourquoi il a fait ça ? Et, il n’y a pas qu’Andrew qui veut savoir, tout le monde veut savoir. Malheureusement, à l’heure de répondre de ses actes, le jeune Sam a la mémoire qui flanche.
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