Ethereum : controverse chez les régulateurs étasuniens
Nous avons déjà évoqué de nombreux projets de régulations. Toutefois, qu’ils soient embryonnaires ou aboutis, aucun d’entre eux ne propose de régime spécial pour Bitcoin. Cela résulte du fait que le bitcoin n’entre pas dans la catégorie des titres financiers. Dès lors, il échappe à un pan entier de la régulation. Ce ne devrait pas être le cas pour l’ether. En effet, les régulateurs américains cherchent à déterminer si les règles applicables aux actions pourraient s’appliquer à l’ether.
Ethereum : security or not security ?
L’ether est la deuxième cryptomonnaie après le bitcoin avec une capitalisation de 67 milliards de dollars. Les régulateurs envisagent une position opposée à celle qu’ils ont sur le bitcoin. De fait, la CFTC – Commodity Futures Trading Commission – a déclaré que Bitcoin est une commodité au même titre que le blé ou l’or auquel il est souvent comparé.
Cette qualification l’exempte des règles de protection des investisseurs appliquée par la SEC – Securities and Exchange Commission. En vertu de la loi américaine, les sociétés qui émettent des titres financiers doivent soit s’enregistrer auprès de la SEC, soit limiter la vente aux institutions et aux riches. Il existe donc un régime principal et un régime dérogatoire comme nous vous l’avions déjà expliqué. Les fondateurs d’Ethereum n’ont pas enregistré la vente de 2014 et ont vendu leurs tokens à toute personne désireuse d’en acheter.
Gary Gensler, ancien président de la CFTC, a d’ailleurs mentionné l’ETH et le XRP comme étant problématiques en terme de qualification juridique :
« Il y a de solides arguments voulant que ces deux devises [ETH et XRP] – et plus particulièrement Ripple – soient des valeurs mobilières non conformes. » Gary Gensler
Le « Howey test »
Pour déterminer quels actifs entrent dans la catégorie de securities, la SEC a recours au Howey Test. Ce test est issu de la jurisprudence de la Cour Suprême des États-Unis : SEC v. W.J.Howey 1946. Dans le cas d’espèce, la Cour devait déterminer si certaines transactions pouvaient être qualifiées de « contrats d’investissement ». Si oui, elles relèvent du Securities Act de 1933. Selon le test de Howey, une transaction est un contrat d’investissement si :
- C’est un investissement d’argent ;
- On s’attend à ce que l’investissement génère des profits ;
- L’investissement de l’argent se fait dans une entreprise commune ;
- Tout profit provient des efforts d’un promoteur ou d’un tiers.
Les deux premières étapes sont relativement simples. Ce sont les deux dernières qui posent problème.
Pour les cours fédérales étasuniennes, une entreprise commune s’entend comme une mise en commun de bien ou de capital pour la réalisation d’un projet. Le dernier facteur du Howey Test concerne la question de savoir si les bénéfices provenant de l’investissement sont largement indépendants de la volonté de l’investisseur. Si tel est le cas, l’investissement pourrait être un titre financier – security. Si, toutefois, les actions de l’investisseur dictent la rentabilité de l’investissement, alors cet investissement n’est probablement pas un titre financier.
L’ether face au Howey Test
- Un investissement d’argent : Il est indéniable que l’achat d’ethers représente un investissement d’argent.
- Une attente de profits : Il semble qu’il y ait deux types de profils sur la blockchain Ethereum. Ceux qui attendent effectivement un profit de leur investissement, et ceux qui achètent des ethers pour développer et faire fonctionner des Dapps – decentralized applications.
- Une entreprise commune : la définition retenue par les cours de ce terme est aussi large qu’imprécise, il est donc possible de voir l’ether comme tel dès lors que des milliers de personnes se rassemblent en investissant dans ce projet.
- Des profits indépendants de la volonté de l’investisseur : c’est ici que la question se complique.
Les régulateurs américains ont envisagé de nombreux facteurs pour tenter de répondre à ce critère. Par exemple, ils ont étudié le rôle de la la Fondation Ethereum, qui a développé l’ether et supervise l’amélioration de son réseau, afin d’augmenter la valeur de l’actif. La fondation, paie aussi des « bug bounties », qui récompensent les programmeurs qui corrigent les vulnérabilités dans le code d’ether. Démontrant ainsi, son rôle dans l’augmentation de la valeur de l’actif. Il serait possible d’argumenter que l’investisseur n’a donc pas de maîtrise sur la réalisation de profit.
Toutefois, si l’on considère le développeur d’une Dapp, ce dernier achète des ETH pour développer son application qui par la suite fait fureur et provoque une hausse subite du cours de l’actif. Ici, vraisemblablement l’investisseur est acteur dans le projet et son retour sur investissement est largement dû à son travail.
Le mot de la fin
La question de savoir si l’ether est un titre financier est donc épineuse. De plus, cette qualification pourrait être lourde de conséquences pour le cours de l’actif, mais aussi pour les développeurs de la blockchain Ethereum. Cette incertitude démontre qu’il est nécessaire de revoir les catégories pour les adapter au secteur.
Il n’est peut-être pas judicieux de faire passer un test vieux de 70 ans à un actif aussi novateur que l’ether…
[es_tradingview symbol= »ETHUSD » interval= »D » height= »500″ colors= »Light »]
Sources : WSJ ; Fortune ; CNBC || images from Shutterstock.com