La régulation de la finance décentralisée (DeFi)

Chapitre V Article l

La plupart des pays et des espaces économiques encadrent juridiquement les actifs numériques en 2025. Cependant, les régulateurs financiers font face à de nombreux challenges en ce qui concerne la finance décentralisée, en raison de la nature innovante, transfrontalière, et parfois anonyme de ces protocoles et technologies.

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Dans cet article, nous allons passer en revue les défis auxquels sont confrontés les régulateurs. Nous vous proposons une analyse exhaustive des différentes approches aux Etats-Unis, en Europe, en Asie et au Moyen-Orient.

Les principaux problèmes juridiques posés par la DeFi

En matière de régulation financière, dans le modèle classique, les exécutifs sont des humains. En finance décentralisée, on a à faire à des contrats autonomes et inarrêtables. Comment faire appliquer les lois à des lignes de code ? L'absence d'intermédiaires dans la DeFi crée un vide réglementaire. Les régulateurs explorent des solutions comme le contrôle des points d'entrée (wallets, exchanges centralisés) ou des normes pour les smart contracts, mais le challenge reste complexe.

Un manque de responsabilité claire

Les protocoles DeFi sont des smart contracts déployés sur une blockchain. Il y a donc rarement une entité centrale identifiable qui les opère. Cela complique l'identification des responsables en cas de fraude, de manipulation de marché ou de non-conformité.

Qui plus est, de nombreux développeurs DeFi sont anonymes. En l’absence d’intermédiaires identifiables, il est difficile de savoir qui réguler, ou à qui imposer les obligations légales classiques. On pense en particulier à l'identification client (KYC) et aux règles anti-blanchiment (AML).

Le caractère transnational des protocoles

Les applications DeFi fonctionnent sur des blockchains accessibles partout dans le monde, indépendamment des frontières. En conséquence, les régulateurs nationaux ont du mal à appliquer leur législation à des acteurs ou à des utilisateurs situés hors de leur juridiction. Les régulateurs doivent jongler avec des lois nationales dans un écosystème sans frontières.

L'anonymat et le pseudonymat

La plupart des blockchains comme Bitcoin ou Ethereum sont ouvertes et transparentes. Il est ainsi relativement simple d’identifier un utilisateur qui a acquis ses cryptos sur une plateforme de change régulée.

En revanche, la DeFi est beaucoup plus anonyme. Lorsque les fonds sont transférés d’un protocole DeFi à un autre, leur traçabilité diminue fortement. C’est en particulier le cas lors de l’utilisation de DEX, ou en passant par des protocoles confidentiels. Par exemple, c'est le cas des dApps basées sur les preuves à divulgation nulle de connaissance (ZKP).

Là encore, les applications DeFi compliquent donc la mise en œuvre des politiques KYC/AML. Ces lois financières reposent sur des intermédiaires pour vérifier l'identité des utilisateurs. Dans la DeFi, leur disparition et la confidentialité accrue des transactions rendent ces exigences difficiles à appliquer.

La protection des consommateurs

Sans intermédiaires régulés, les utilisateurs sont exposés à des risques mentionnés maintes fois dans cette Encyclopédie sans recours clair. Les régulateurs peinent donc à protéger les investisseurs sans structures centralisées à superviser.

Notons cependant que de nombreux Cypherpunks argueront que la responsabilité individuelle est le corollaire de la liberté financière. Les technophiles, quant à eux, s’opposent à une régulation qui limiterait l’innovation.

La manipulation et la surveillance des marchés

L'absence d'intermédiaires et la confidentialité des transactions complique la détection des manipulations de marché (comme le pump and dump). Il en va de même pour la détection d’activités illicites. Contrairement aux plateformes de trading traditionnelles, il n'y a pas d'entité centrale pour fournir des données ou coopérer avec les autorités.

La complexité technique des protocoles

Les régulateurs doivent comprendre le fonctionnement complexe des protocoles DeFi. Entre les automated market makers, les agrégateurs de yield, ou les protocoles de lending décentralisé, difficile de s'y retrouver. Le manque d’expertise technique ralentit l’adoption de cadres réglementaires adaptés.

Dans le pire des cas, les législations s’avèrent inutiles ou impossibles à mettre en place. La DeFi évolue vite, avec de nouveaux protocoles et mécanismes apparaissant chaque année. Les régulateurs ont du mal à suivre, surtout avec des cadres juridiques souvent obsolètes face à ces innovations.

La régulation de la DeFi aux États-Unis

En 2025, la DeFi aux États-Unis est confrontée à un cadre juridique complexe et fragmenté.

États-Unis

Le contexte réglementaire général

Les États-Unis n'ont pas encore adopté de cadre législatif unifié spécifique à la DeFi. En 2025, plusieurs initiatives et approches juridiques émergent. Tout d’abord, passons en revue les principaux organismes régulateurs impliqués.

La Securities and Exchange Commission (SEC)

La SEC considère certains actifs DeFi comme des titres financiers (securities). Elle s'appuie sur le célèbre test de Howey (contrat d’investissement avec attente de profit via les efforts d’un tiers). La SEC cible les plateformes et développeurs qui ne respectent pas les obligations d’enregistrement, bien que son positionnement ait foncièrement évolué depuis l'élection de Donald Trump en tant que Président des États-Unis.

La Commodity Futures Trading Commission (CFTC)

La CFTC réglemente les cryptomonnaies comme des marchandises (commodities) lorsqu'elles sont utilisées :

  • Sur des marchés au comptant ;
  • Au sein de produits dérivés.

Elle a intensifié ces dernières années ses actions contre les échanges décentralisés (DEX) non conformes.

Le Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN)

Le FinCEN est est un organe du département du Trésor des États-Unis, chargé de collecter et d'analyser les informations sur les transactions financières. Il applique les règles KYC/AML aux entités DeFi considérées comme des entreprises de services monétaires (MSB).

L’Internal Revenue Service (IRS)

L'IRS est l'agence fédérale américaine dédiée à la collecte des impôts et des taxes. Il concentre donc ses efforts sur la fiscalité des transactions DeFi. Il s’agit notamment de taxer les gains en capital et de faire appliquer les obligations de déclaration.

Les défis juridiques liés à l'absence d'intermédiaires

L'absence d'entités centrales dans la DeFi complique l'application des lois existantes, conçues pour des systèmes financiers traditionnels. En 2022, la CFTC a poursuivi Ooki DAO, soulevant la question de savoir si une DAO peut être considérée comme une « association non constituée en société » et être tenue légalement responsable. Cette affaire reste un précédent-clé en 2025, bien que les décisions définitives varient selon les juridictions.

Les lois américaines, comme le Bank Secrecy Act (BSA), exigent que les entreprises de services monétaires (MSB) mettent en place des programmes KYC/AML. Les plateformes DeFi, en l’absence d’intermédiaires, ne vérifient généralement pas l’identité des utilisateurs. Leur architecture même les place en conflit potentiel avec ces exigences.

En 2025, les régulateurs ciblent les points d’entrée centralisés (portefeuilles ou rampes d’accès fiat-crypto) pour imposer ces règles. Toutefois, les protocoles entièrement décentralisés échappent encore largement à ces obligations.

Quant à la classification des actifs, la SEC applique le test de Howey pour déterminer si un token DeFi est un titre financier. Par exemple, les jetons de gouvernance sont souvent examinés pour savoir s’ils confèrent une attente de profit via les efforts d’un tiers. Les projets DeFi soutiennent que leurs jetons ne sont pas des titres, car ils servent à la gouvernance décentralisée ou à des usages utilitaires. La SEC a néanmoins intenté des poursuites contre plusieurs protocoles pour défaut d’enregistrement.

Les régulateurs s’inquiètent également des manipulations de marché dans la DeFi, notamment via les flash loans. Ces prêts instantanés non-collatéralisés ont en effet souvent été utilisés pour manipuler les prix de certains actifs. Ces pratiques sont difficiles à surveiller, en raison de la transparence limitée des transactions. La SEC et la CFTC cherchent à imposer des normes de cybersécurité, mais leur applicabilité aux protocoles décentralisés reste floue.

Les approches juridiques et réglementaires en 2025

En 2025, les États-Unis adoptent une approche combinée de réglementation par l’application (enforcement), de nouvelles propositions législatives, et de régulation des points d’entrée centralisés.

La régulation par l’application (enforcement)

Les actions de la SEC

La SEC continue d’intenter des poursuites contre les plateformes DeFi pour défaut d’enregistrement comme bourses ou courtiers. Par exemple, l’affaire EtherDelta (2018) a établi un précédent pour les DEX, et des cas similaires se multiplient en 2025.

En 2025, la SEC a abrogé une règle visant à imposer des exigences comptables strictes pour la détention de crypto-actifs, signalant une certaine souplesse sous la pression de l’industrie. Cependant, la SEC examine les jetons de gouvernance et les pools de liquidité pour déterminer s’ils constituent des contrats d’investissement, ce qui pourrait étendre sa juridiction.

Les actions de la CFTC

La CFTC intensifie ses efforts contre les DEX, en les considérant comme des plateformes de trading non enregistrées. Elle a également ciblé les activités de prêt et de staking DeFi, les assimilant à des produits dérivés régulés. L’affaire Ooki DAO a soulevé des questions sur la responsabilité des développeurs et des membres de DAO, bien que les décisions restent contestées en appel.

FinCEN et AML

Le FinCEN propose d’étendre les exigences AML aux portefeuilles non-hébergés (unhosted wallets), ce qui pourrait affecter les utilisateurs DeFi. Cela inclut des obligations de déclaration pour les transactions supérieures à 10 000 $. Les plateformes DeFi qui interagissent avec des entités centralisées (comme les exchanges) sont de plus en plus contraintes de se conformer à ces règles.

Financial Crimes Enforcement Network
Le seau du FinCEN

Les initiatives législatives

Le Blockchain Regulatory Certainty Act

Déposé en mai 2025 par Tom Emmer et Ritchie Torres, il vise à protéger les développeurs blockchain et les fournisseurs de services non dépositaires (comme les validateurs ou les mineurs) contre une classification automatique comme MSB.

Ce projet cherche à clarifier que les entités sans contrôle direct sur les fonds des utilisateurs ne devraient pas être soumises aux mêmes obligations que les institutions financières traditionnelles. Cela reflète une tentative de créer un cadre juridique plus favorable à la DeFi. Cependant, son adoption reste incertaine, en raison des divisions politiques.

Le GENIUS Act

Adopté par le Sénat en mai 2025, ce projet de loi encadre les stablecoins. Il impose des réserves obligatoires, des exigences KYC/AML, et des garde-fous contre l’influence des grandes entreprises technologiques (la Big Tech).

Bien que centré sur les stablecoins, ce texte affecte indirectement la DeFi, en imposant des contraintes aux jetons-clés des pools de liquidité.

L’Infrastructure Bill

Ce texte a introduit en 2021 des obligations fiscales pour les acteurs DeFi, notamment les déclarations à l’IRS par les « courtiers ». Cela inclue potentiellement les développeurs ou validateurs. En 2025, ces règles sont appliquées de manière plus stricte, bien que leur portée reste controversée.

En mars 2025, le Sénat américain a voté (70-28) pour annuler les règles de l’IRS concernant les courtiers DeFi. Cette résolution a été signée par Donald Trump le 10 avril 2025, annulant officiellement les obligations de déclaration pour les plateformes DeFi non-custodiales.

Cela signifie que les protocoles DeFi fonctionnant sur une infrastructure blockchain sans intermédiaires traditionnels ne sont plus tenus de collecter des informations KYC ou de déclarer les transactions à l’IRS.

La régulation des points d’entrée centralisés

Les régulateurs se concentrent sur les interfaces centralisées qui connectent les utilisateurs à la DeFi, comme les CEX ou les portefeuilles numériques. Par exemple, les plateformes comme Coinbase doivent se conformer aux exigences KYC/AML, ce qui limite l’accès anonyme à la DeFi via ces passerelles.

En 2025, la Réserve fédérale explore toujours son projet de dollar numérique (CBDC), mais l’administration Trump s’y oppose, préférant soutenir les initiatives privées comme les stablecoins. Cela pourrait indirectement favoriser la DeFi, en évitant une centralisation accrue via une CBDC.

L'influence politique de Donald Trump

L’administration Trump adopte en 2025 une posture pro-crypto, avec des décrets visant à promouvoir l’accès équitable aux services bancaires pour les plateformes de crypto-actifs. Cela inclut une critique des restrictions réglementaires, perçues comme discriminatoires envers les entreprises DeFi.

La nomination de Scott Bessent comme Secrétaire du Trésor en janvier 2025 renforce cette orientation, avec un accent sur la dérégulation et le soutien à l’innovation financière.

Les risques juridiques pour les acteurs de la DeFi

Tous les acteurs de la finance décentralisés sont soumis à des risques juridiques. 

  • Les développeurs de protocoles DeFi risquent d’être tenus responsables s’ils sont perçus comme contrôlant ou facilitant des activités non conformes. Par exemple, la SEC pourrait considérer qu’un développeur est un « promoteur » d’un titre non enregistré ;
  • Les traders et investisseurs DeFi doivent déclarer leurs gains en capital à l’IRS. En 2025, des propositions visent à appliquer la wash-sale rule (interdiction des pertes fictives) aux cryptomonnaies, ce qui compliquerait les stratégies de trading dans la DeFi ;
  • Les DAO, comme dans l’affaire Ooki DAO, sont vulnérables aux poursuites, si elles sont considérées comme des entités juridiques. Les régulateurs explorent des moyens de responsabiliser les membres votants ou les détenteurs de tokens de gouvernance.
États-Unis

Les perspectives et tendances pour 2025

Sous l’égide de l’administration Trump, il semble que l’on évolue vers une régulation hybride. Les régulateurs américains cherchent à équilibrer innovation et protection des consommateurs. Des projets comme le Blockchain Regulatory Certainty Act et le GENIUS Act indiquent une volonté de clarifier les règles sans étouffer l’innovation.

La transparence des blockchains permet aux régulateurs d’envisager une supervision en temps réel, utilisant des outils d’analyse pour surveiller les flux financiers. Cela pourrait réduire le besoin d’intermédiaires tout en renforçant la conformité.

Quant aux défis transfrontaliers, les États-Unis collaborent avec d’autres juridictions (comme l’UE) pour harmoniser certaines règles, notamment sur les stablecoins.

Enfin, les régulateurs soulignent la nécessité d’éduquer les investisseurs sur les risques de la DeFi (volatilité, hacks, complexité). Cela pourrait conduire à des exigences de divulgation pour les plateformes DeFi.

Contrairement à l’UE, qui a adopté le règlement MiCA pour encadrer les crypto-actifs, les États-Unis adoptent une approche fragmentée, reposant sur des lois existantes et des actions judiciaires. Cela crée une incertitude juridique, mais permet une certaine flexibilité pour l’innovation.

Conclusion

En 2025, l’approche juridique de la DeFi aux États-Unis est caractérisée par une régulation par l’application, des initiatives législatives naissantes, et un focus sur les points d’entrée centralisés. Les régulateurs cherchent à combler le vide juridique créé par l’absence d’intermédiaires, mais la nature décentralisée et transfrontalière de la DeFi limite l’efficacité des approches traditionnelles.

Les projets de loi comme le Blockchain Regulatory Certainty Act et le GENIUS Act signalent une volonté d’adaptation, mais les tensions entre innovation et conformité persistent. Les acteurs de la DeFi doivent naviguer dans un paysage incertain, où les développeurs, utilisateurs, et DAO sont tous exposés à des risques juridiques importants.

La régulation de la DeFi dans l'Union européenne

L’UE a pris des mesures significatives pour réguler les crypto-actifs, y compris la DeFi, afin de protéger les consommateurs, de prévenir le blanchiment d’argent, et de promouvoir la stabilité financière. En 2025, le cadre réglementaire est centré sur le règlement MiCA, complété par des directives anti-blanchiment (AML) et des initiatives nationales.

Les principaux organismes régulateurs

On peut identifier 4 organes régulateurs chargés de réguler les crypto-actifs et la finance décentralisée dans l'Union européenne.

  • L’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) supervise l’application de MiCA et émet des lignes directrices pour les crypto-actifs, y compris ceux utilisés dans la DeFi ;
  • L’Autorité bancaire européenne (EBA) réglemente les aspects liés aux stablecoins et aux institutions financières interagissant avec la DeFi ;
  • Les régulateurs nationaux, comme l’Autorité des marchés financiers (AMF) en France ou la BaFin en Allemagne, appliquent MiCA et adaptent les règles aux contextes locaux ;
  • Le Groupe d’action financière (GAFI), bien que non spécifique à l’UE, influence fortement les règles AML/FT dans la DeFi.
ESMA
Logo de l'ESMA

Le règlement MiCA

Les grandes lignes

Le règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets Regulation) est entré en vigueur en décembre 2024. Il a pour objectifs de :

  • Créer un marché unique européen des crypto-actifs ;
  • Offrir une protection aux investisseurs ;
  • Encadrer les prestataires de services crypto (CASP).

Avant d'entrer dans le détail, voici ses points-clés :

  • Stablecoins : règlementation stricte des « asset-referenced tokens » (ART) et « e-money tokens » (EMT) ;
  • Prestataires (CASP) : agrément, fonds propres, KYC/AML, responsabilité des plateformes ;
  • Émission de tokens : obligation de produire un white paper, transparence sur les risques, description du modèle économique ;
  • Surveillance : supervision par les autorités nationales et l'ESMA pour les acteurs systémiques.

Ce règlement présente des limites en matière de DeFi. MiCA ne couvre pas les protocoles décentralisés pur jus (type Uniswap, Aave ou Curve). Il s'applique uniquement aux personnes physiques ou morales identifiables. Les DAO, smart contracts autonomes et DEX non-custodial sont donc hors de son périmètre pour le moment.

Régulation DeFi - MiCA

Les dispositions applicables à la DeFi

La classification des crypto-actifs

MiCA distingue trois types de crypto-actifs :

  • e-money tokens (EMT, liés à une monnaie fiduciaire) ;
  • asset-referenced tokens (ART, adossés à des actifs), ;
  • autres crypto-actifs (incluant les tokens de gouvernance ou utilitaires de la DeFi).

Les tokens DeFi, comme ceux utilisés dans les protocoles de gouvernance, peuvent être classés comme des crypto-actifs non régulés s’ils ne répondent pas aux critères des EMT ou ART. Toutefois, doivent toujours respecter les règles de transparence et de protection des consommateurs.

Les exigences pour les émetteurs et prestataires de services
  • Les émetteurs de tokens doivent publier un whitepaper. Il détaille le projet, ses risques, et les droits des détenteurs, soumis à l’approbation des régulateurs nationaux ;
  • Les prestataires de services sur crypto-actifs (CASP), comme les plateformes d'échange centralisées interagissant avec la DeFi, doivent obtenir une licence auprès d’une autorité nationale et se conformer aux exigences KYC/AML ;
  • Les plateformes DeFi purement décentralisées, sans entité juridique identifiable, échappent partiellement à MiCA. Toutefois, les régulateurs ciblent les points d’entrée centralisés (appelés on-ramps/off-ramps).
Le cas des stablecoins

Les stablecoins sont régulés comme des EMT ou ART sous MiCA. Les émetteurs doivent maintenir des réserves complètes, publier des rapports réguliers, et obtenir une autorisation. Cela impacte les protocoles DeFi qui dépendent des stablecoins pour leurs pools de liquidité. En théorie, ils doivent s’assurer que les tokens utilisés sont conformes.

La protection des consommateurs

MiCA impose des obligations de transparence, comme la divulgation des risques liés aux protocoles DeFi. Les plateformes doivent mettre en place des mécanismes de gestion des plaintes et de résolution des litiges. Une exigence difficile à mettre en pratique pour les protocoles décentralisés sans entité centrale.

Les challenges spécifiques à la régulation de la DeFi

La nature décentralisée de la DeFi pose plusieurs défis réglementaires dans l’UE.

Régulation DeFi UE

L'identification des responsables

Comme nous l'avons précédemment évoqué, les protocoles DeFi fonctionnent souvent sans entité juridique centrale, ce qui complique l’application de MiCA. Les DAO soulèvent des questions sur la responsabilité juridique des détenteurs de tokens ou des développeurs.

L’ESMA a proposé en 2024 de considérer les développeurs ou les contributeurs-clés comme des « personnes responsables ». Ce sujet reste très controversé et difficile à mettre en œuvre.

La conformité KYC/AML

Les directives AML/FT de l’UE (notamment la directive anti-blanchiment étendue aux cryptoactifs) exigent des vérifications d’identité pour les transactions. Les plateformes DeFi pseudonymes échappent à ces obligations, ce qui inquiète les régulateurs. En effet, leurs utilisateurs interagissent via des portefeuilles non-hébergés (unhosted wallets).

En 2025, l’UE impose des règles plus strictes sur les portefeuilles non hébergés. Désormais, elle exige que les CASP signalent les transactions vers ou depuis ces portefeuilles, affectant l’accès à la DeFi.

Les risques pour les consommateurs

Les hacks et les failles des smart contracts exposent les utilisateurs à des pertes importantes. MiCA exige de divulguer ces risques (disclosures), mais leur application aux protocoles décentralisés est limitée.

Les régulateurs insistent sur l’éducation des consommateurs pour comprendre les risques complexes de la DeFi (volatilité, liquidité, gouvernance).

La manipulation de marché

Les pratiques comme les flash loans ou le front-running dans la DeFi suscitent des inquiétudes quant aux manipulations de marché. L’ESMA travaille sur des lignes directrices pour surveiller ces activités. L’analyse des smart contracts et de leurs opérations on-chain reste cependant très complexe.

Le caractère transfrontalier

La DeFi opère à l’échelle mondiale, mais MiCA s’applique uniquement aux entités opérant dans l’UE. Les protocoles basés hors de l’UE compliquent l’application des règles.

Les approches juridiques et réglementaires en 2025

L’UE combine plusieurs stratégies pour encadrer la DeFi, malgré ses défis uniques.

  • Lire le rapport conjoint de l'EBA et de l'ESMA sur les cryptoactifs (16 janvier 2025)

L'application du règlement MiCA

Tout d'abord, les exchanges centralisés (comme Binance ou Coinbase) servant de passerelles vers la DeFi doivent obtenir une licence MiCA et se conformer aux règles KYC/AML. Cela limite l’accès anonyme à la DeFi via ces plateformes.

Deuxièmement, les stablecoins, essentiels aux pools de liquidité DeFi, sont soumis à des exigences strictes sous MiCA (réserves, audits, transparence). En 2025, tout stablecoin non conforme risque d’être exclu du marché européen.

Enfin, les émetteurs de tokens DeFi doivent soumettre des whitepapers détaillés. C'est aussi le cas pour les jetons utilitaires ou de gouvernance. Cela oblige certains projets à se restructurer pour opérer dans l’UE.

Christine Lagarde, présidente de la BCE
Christine Lagarde, présidente de la BCE

Les initiatives complémentaires

Les lignes directrices sur la transparence des DAO

En 2024, l’ESMA a proposé des lignes directrices pour réguler les DAO. Elles suggèrent que les détenteurs de tokens de gouvernance pourraient être considérés comme des « parties prenantes » responsables en cas de non-conformité.

La supervision basée sur la blockchain

L’UE explore l’utilisation d’outils d’analyse on-chain pour surveiller les flux financiers dans la DeFi, réduisant le besoin d’intermédiaires traditionnels. Cela inclut la collaboration avec des entreprises d’analyse blockchain comme Chainalysis.

Les projets pilotes

L’EBA et la Banque centrale européenne (BCE) testent des solutions blockchain pour des applications financières, comme les paiements transfrontaliers. Bien que ces projets soient plus centralisés, ils influencent l’approche de la DeFi en promouvant des standards de sécurité.

La régulation des points d’entrée

Comme aux USA, les régulateurs ciblent les points d’accès à la DeFi. Il s'agit des exchanges centralisés, des portefeuilles numériques, et des rampes fiat-crypto. Par exemple, tout CASP facilitant l’accès à un DEX doit vérifier l’identité des utilisateurs et signaler les transactions suspectes.

En 2025, l’UE renforce les exigences sur les portefeuilles non hébergés. Désormais, les utilisateurs ont l'obligation de déclarer certaines transactions, ce qui affecte l’anonymat dans la DeFi.

La coopération internationale

L’UE collabore avec des organisations comme le GAFI et l’OICV pour harmoniser les approches face à la nature transfrontalière de la DeFi. Par exemple, les recommandations du GAFI sur les Virtual Asset Service Providers (VASP) influencent les règles MiCA pour les plateformes interagissant avec la DeFi.

L’UE participe à des initiatives comme Project Guardian (mené par Singapour), qui explore des concepts comme les « Trust Anchors » pour intégrer la DeFi dans des cadres régulés.

Le focus sur la protection des consommateurs

L’ESMA met l’accent sur l’éducation des investisseurs, avec des campagnes pour sensibiliser aux risques de la DeFi (complexité, volatilité, hacks). Les protocoles DeFi doivent fournir des informations claires sur leurs mécanismes, mais l’absence d’entité centrale complique l’application de ces règles.

Les développements récents en 2025

En 2025, l’application complète de MiCA (décembre 2024) entraîne une vague de conformité parmi les CASP et les émetteurs de stablecoins. L’ESMA et les régulateurs nationaux (comme l'AMF ou le BaFin) ont intensifié les sanctions contre les plateformes non licenciées, y compris celles facilitant l’accès à la DeFi. Par exemple, des amendes ont été imposées à des CEX pour non-respect des règles KYC/AML.

En parallèle, la BCE avance sur le projet d’euro numérique, et souhaite peut-être secrètement concurrencer les stablecoins dans la DeFi. Cependant, l’euro numérique sera centralisé, ce qui limitera son impact direct sur les protocoles décentralisés.

Justice

Les risques juridiques pour les acteurs de la DeFi

Les développeurs de protocoles DeFi risquent d’être tenus responsables en tant qu’« émetteurs » ou « prestataires de services » sous MiCA, surtout s’ils sont basés dans l’UE. Cela inclut des sanctions pour non-respect des exigences de whitepaper ou KYC/AML.

Du côté des utilisateurs, ils doivent déclarer leurs gains en capital issus de la DeFi aux autorités fiscales, avec des règles harmonisées dans l’UE. En 2025, des propositions visent à renforcer la surveillance des transactions DeFi pour lutter contre l’évasion fiscale.

Quant aux organisations autonomes décentralisées (DAO), elles sont dans une zone grise juridique. L’ESMA explore la possibilité de considérer les membres votants ou les détenteurs de tokens comme responsables en cas de violation.

Les perspectives et tendances pour 2025

Les autorités financières européennes ne comptent pas s'arrêter en si bon chemin vers plus de régulation :

  • Harmonisation accrue : MiCA crée un cadre unifié, réduisant la fragmentation réglementaire entre les États membres. Cependant, son application à la DeFi reste partielle en raison de la décentralisation ;
  • Supervision on-chain : l’utilisation d’outils d’analyse blockchain pour surveiller les transactions DeFi pourrait devenir une norme, permettant une régulation plus efficace sans dépendre des intermédiaires ;
  • Éducation des consommateurs : l’UE investit dans des programmes pour sensibiliser les investisseurs aux risques de la DeFi, notamment via des campagnes de l’ESMA et des régulateurs nationaux ;
  • Concurrence avec les MNBC : l’euro numérique devrait subir des tests avancés d’ici 2026. Son caractère centralisé limite fortement son attrait pour les utilisateurs de la DeFi ;
  • Collaboration internationale : l’UE travaille avec le GAFI, l’OICV, et des régulateurs comme la MAS de Singapour pour établir des normes globales, notamment sur les stablecoins et les portefeuilles non-hébergés.

Conclusion

En 2025, l’UE dispose d’un cadre robuste pour réguler la DeFi via MiCA, qui impose des exigences strictes en matière de transparence, de stablecoins, et de KYC/AML. Cependant, la nature décentralisée de la DeFi complique l’application de ces règles, obligeant les régulateurs à cibler les points d’entrée (CEX et wallets) et à explorer des solutions comme la supervision on-chain.

L’UE prétend chercher à équilibrer innovation et stabilité, tout en collaborant à l’international pour harmoniser les approches. À long terme, l’adoption de technologies comme l’euro numérique et les outils d’analyse blockchain pourrait transformer la régulation de la DeFi, mais les protocoles purement décentralisés resteront un défi juridique et technique.

La régulation de la DeFi en Asie

Sur le continent asiatique, chaque pays adopte une approche distincte. Elle reflète ses priorités économiques et sa posture envers les innovations de l'industrie crypto.

Chine : une approche restrictive et centralisée

La Chine maintient une position très stricte envers la DeFi et les cryptomonnaies en général. Elle privilégie un contrôle centralisé, et le développement de sa propre monnaie numérique de banque centrale (MNBC) : le yuan numérique (e-CNY).

Chine et Bitcoin

Le contexte réglementaire

Depuis 2017, la Chine a progressivement durci sa politique envers les cryptomonnaies. En 2021, une interdiction complète des transactions en cryptomonnaies a été mise en place, incluant les exchanges, les ICO et les activités liées à la DeFi. Cette interdiction reste en vigueur en 2025, rendant la DeFi officiellement illégale pour les citoyens chinois sur le continent.

Un focus sur le yuan numérique

La Banque populaire de Chine (BPC) promeut activement l’e-CNY, testé à grande échelle depuis 2020. La DeFi, avec son modèle décentralisé qui échappe au contrôle de l’État, est perçue comme une menace à ce projet.

Un super-régulateur financier

En 2018, la Chine a fusionné ses régulateurs bancaire et des assurances pour créer un organisme de supervision financière renforcé. Il vise à prévenir les risques systémiques, notamment en ce qui concerne le shadow banking. Cela inclut certaines activités assimilables à la DeFi.

En 2023, un nouvel organisme de régulation financière a été annoncé pour centraliser davantage la supervision, renforçant le contrôle sur toute innovation financière non autorisée.

Les challenges spécifiques à la DeFi

Les autorités chinoises bloquent l’accès aux plateformes DeFi et aux DEX via le « Grand Pare-feu » (Great Firewall). L’utilisation de VPN permet de contourner ces restrictions; toutefois, cela reste risqué et illégal.

La DeFi, par sa nature décentralisée, complique l’application des lois anti-blanchiment (AML) et de connaissance du client (KYC). Cela renforce la méfiance des autorités, qui privilégient les systèmes traçables comme l’e-CNY.

Les développeurs et entreprises liés à la DeFi risquent des sanctions sévères. Cela les a incité à délocaliser leurs activités vers des juridictions plus permissives, comme le Japon ou Singapour.

Le rôle de Hong Kong

Hong Kong, bien que sous contrôle chinois, adopte une approche plus souple pour se positionner comme un hub crypto. En 2025, Hong Kong sert de « conduit régulé » pour les flux de capitaux chinois vers les marchés internationaux, y compris la DeFi.

La Securities and Futures Commission (SFC) de Hong Kong a introduit des licences pour les plateformes crypto, mais celles-ci doivent se conformer à des exigences strictes de KYC/AML. Cela permet une participation institutionnelle indirecte à la DeFi sous une supervision étroite.

Les perspectives

La Chine continue de voir la DeFi comme une menace à sa souveraineté financière et à la stabilité de son système. Toute activité DeFi sur le continent est soumise à une répression stricte, mais Hong Kong pourrait jouer un rôle croissant comme passerelle pour les investisseurs chinois souhaitant accéder à la DeFi à l’international.

Les régulateurs chinois collaborent avec des partenaires internationaux, comme l’Autorité des marchés financiers (AMF) française, pour partager des informations sur les innovations blockchain, mais cela se concentre sur les technologies contrôlées.

Japon : une régulation progressive et favorable à l’innovation

Le Japon est l’un des pays les plus avancés en matière de régulation des cryptomonnaies et de la DeFi. L'Empire du Soleil levant adopte une approche équilibrée, qui favorise l’innovation, tout en imposant des garde-fous.

Japon et Ethereum

Le contexte réglementaire

Depuis 2017, le Japon régule les cryptomonnaies via le Payment Services Act (PSA). Il exige que les exchanges, y compris les DEX, s’enregistrent auprès de l’Agence des services financiers (FSA). Le Financial Instruments and Exchange Act (FIEA) classe certains jetons DeFi comme des titres financiers, soumis à des exigences d’enregistrement similaires à celles des valeurs mobilières.

Les plateformes DeFi opérant au Japon doivent obtenir une licence de la FSA et se conformer aux règles KYC/AML. Cela limite la décentralisation totale, car les opérateurs doivent souvent maintenir un certain degré de contrôle centralisé pour répondre aux exigences réglementaires.

Toutefois, le Japon reconnaît le Bitcoin et d’autres cryptomonnaies comme moyens de paiement légaux, ce qui facilite l’intégration de la DeFi dans l’écosystème financier. Par exemple, des salaires peuvent être payés en BTC, ce qui pourrait indirectement soutenir les interactions avec la DeFi via des juridictions permissives.

Les challenges spécifiques à la DeFi

La FSA examine les tokens DeFi (comme les tokens de gouvernance) pour déterminer s’ils relèvent de la catégorie des titres. Cela peut entraîner des obligations d’enregistrement pour les protocoles DeFi et limiter leur décentralisation.

La FSA met l’accent sur la protection des investisseurs, notamment face aux risques de piratages et de volatilité dans la DeFi. Les protocoles doivent démontrer des mesures de cybersécurité robustes.

Les gains issus de la DeFi sont soumis à l’impôt sur les plus-values, avec des exigences strictes de déclaration. Cela peut dissuader certains utilisateurs individuels, mais les institutions financières japonaises explorent activement la DeFi pour des applications comme le prêt et le trading.

Les développements récents

En 2025, le Japon continue d’être un refuge pour les entreprises crypto délocalisées de Chine, comme les exchanges ayant quitté le continent après les interdictions de 2017-2021.

La FSA travaille sur des lignes directrices spécifiques pour les stablecoins. Ces règles imposent des réserves obligatoires et des audits réguliers pour garantir la stabilité des actifs sous-jacents.

Le Japon collabore avec des organisations internationales, comme l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV ou IOSCO), pour harmoniser les approches réglementaires face à la nature transfrontalière de la DeFi.

Les perspectives

Le Japon cherche à maintenir sa position de leader en Asie pour l’innovation blockchain, tout en évitant les excès spéculatifs. La DeFi bénéficie d’un environnement relativement favorable, mais les exigences de licence et de conformité limitent son caractère pleinement décentralisé.

Les institutions financières japonaises, comme les banques, explorent l’intégration de la DeFi dans leurs services, notamment via des partenariats avec des plateformes comme Aave ou Uniswap, sous supervision de la FSA.

Singapour : un hub fintech avec une régulation stricte mais innovante

Singapour est un centre mondial pour les fintechs et la blockchain, adoptant une approche proactive mais rigoureuse pour réguler la DeFi.

Singapour et Ethereum

Le contexte réglementaire

Introduit en 2019 et mis à jour en 2025, le Payment Services Act (PSA) encadre les services de paiement numérique, y compris les plateformes DeFi et les DEX. Les entreprises doivent obtenir une licence auprès de l’Autorité monétaire de Singapour (MAS) et se conformer aux exigences KYC/AML.

En 2025, Singapour a mis en place des lignes directrices spécifiques pour les stablecoins. Les émetteurs doivent maintenir des réserves complètes et subir des audits réguliers, ce qui renforce la confiance dans les protocoles DeFi utilisant ces actifs.

Les autorités singapouriennes répriment les acteurs non licenciés. En 2021, la MAS a sanctionné plus de 100 entreprises crypto, y compris des entités liées à la DeFi, pour non-conformité. Cette approche stricte s’est poursuivie en 2025, avec une liste mise à jour des entités non licenciées.

Les challenges spécifiques à la DeFi

La MAS exige que les plateformes DeFi effectuent des vérifications d’identité et surveillent les transactions suspectes, ce qui entre en conflit avec le principe de pseudonymat de la DeFi. Les protocoles doivent souvent intégrer des solutions centralisées pour répondre à ces exigences.

L'autorité financière surveille aussi les risques liés à la volatilité des actifs DeFi et aux failles des smart contracts. Elle explore également la régulation des DAO, qui jouent un rôle central dans la DeFi. Les DAO doivent démontrer des mécanismes de gouvernance robustes pour éviter les abus.

Les développements récents

En 2025, Singapour continue de renforcer son statut de hub fintech, attirant des entreprises DeFi grâce à un cadre réglementaire clair. La MAS collabore avec des régulateurs internationaux, comme l’AMF française, pour échanger des bonnes pratiques sur la régulation de la DeFi, notamment sur la certification des smart contracts.

Singapour cherche à équilibrer innovation et stabilité, en soutenant l'industrie tout en imposant des règles strictes pour limiter les risques de blanchiment d’argent et de fraude. La DeFi est tolérée, mais uniquement pour les acteurs licenciés, ce qui limite son caractère décentralisé.

La cité-État pourrait devenir un centre pour les institutions financières intégrant la DeFi, grâce à son environnement réglementaire prévisible et à son infrastructure fintech avancée.

Conclusion

En 2025, la régulation de la DeFi en Asie varie considérablement selon les pays :

  • La Chine adopte une approche répressive, interdisant la DeFi pour protéger son système financier centralisé et promouvoir l’e-CNY. Hong Kong offre une alternative régulée, mais limitée.
  • Le Japon favorise l’innovation tout en imposant des licences et des règles KYC/AML, intégrant la DeFi dans son écosystème financier.
  • Singapour se positionne comme un hub fintech, tolérant la DeFi pour les acteurs licenciés, mais avec des exigences strictes pour limiter les risques.

Ces différences reflètent des priorités nationales : contrôle et stabilité en Chine, innovation encadrée au Japon, et leadership fintech à Singapour. Cependant, la nature transfrontalière de la DeFi pousse les trois pays à collaborer avec des régulateurs internationaux pour établir des normes communes, tout en adaptant leurs cadres aux spécificités locales.

Les trois pays participent à des discussions mondiales via des organismes comme l’OICV et le Conseil de stabilité financière (FSB) pour harmoniser les approches face à la nature transfrontalière de la DeFi. La régulation des stablecoins est une priorité dans les trois juridictions, car ils sont au cœur des protocoles DeFi.

La régulation de la finance décentralisée au Moyen-Orient

Nous analyserons la régulation de la finance décentralisée au Moyen-Orient en nous focalisant sur trois pays clés : les Émirats arabes unis (EAU), l’Arabie saoudite et le Qatar. Ces pays sont des leaders régionaux en matière d’adoption des cryptomonnaies et de la DeFi, reflétant des approches variées mais souvent progressistes face à cette innovation financière. 

Le contexte régional

Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENA) se classaient en 2024 comme le septième plus grand marché crypto au monde. Ces pays totalisaient 338,7 milliards de dollars de valeur on-chain entre juillet 2023 et juin 2024. Cela représente 7,5 % du volume mondial des transactions.

La DeFi gagne donc du terrain dans la région, notamment grâce à une population jeune (63 % des Saoudiens ont moins de 30 ans) et à une forte adoption des stablecoins. Les régulateurs du Moyen-Orient cherchent à équilibrer innovation, inclusion financière et stabilité des systèmes financiers. Ils prennent également en compte des exigences de conformité à la charia.

Valeur des cryptomonnaies reçues par la région MENA par rapport au reste du monde
Valeur des crypto-monnaies reçues par la région MENA par rapport au reste du monde - Source : Chainalysis

Émirats arabes unis (EAU) : un hub mondial pour la DeFi

Les EAU, et particulièrement Dubaï, se positionnent comme un centre mondial pour la blockchain et la DeFi, grâce à une réglementation proactive et un environnement favorable aux entreprises.

Dubaï : Komainu obtient une approbation provisoire

Le contexte réglementaire

Un cadre réglementaire clair

Les EAU ont adopté une approche progressive avec des cadres réglementaires spécifiques pour les crypto-actifs. En 2021, l’Autorité des services financiers de Dubaï (DFSA) a introduit un règlement sur les installations de stockage de valeur (Stored Value Facilities), incluant les crypto-actifs.

En 2024, la Virtual Assets Regulatory Authority (VARA) à Dubaï a renforcé son rôle en tant que régulateur dédié aux actifs virtuels, y compris la DeFi.

L'Emirates Blockchain Strategy

Lancée en 2021, cette stratégie vise à réguler les projets DeFi tout en favorisant leur adoption publique. Elle encourage l’intégration de la blockchain dans les services financiers, avec un accent sur la transparence et la réduction des coûts.

La conformité KYC/AML

Les plateformes DeFi doivent se conformer aux exigences strictes de lutte contre le blanchiment d’argent (AML) et de connaissance du client (KYC), souvent via des points d’entrée comme les exchanges centralisés (CEX) ou les portefeuilles numériques.

Le cas des stablecoins

La popularité des stablecoins dans la DeFi est soutenue par leur adoption comme passerelle vers les services crypto, en partie parce que le dirham émirati est indexé sur le dollar américain.

Les challenges spécifiques à la DeFi

La nature décentralisée de la DeFi complique l’application des réglementations traditionnelles. Les régulateurs se concentrent sur les développeurs de protocoles et les détenteurs de jetons de gouvernance pour établir des responsabilités.

Les EAU sont conscients des risques liés aux failles des smart contracts et aux escroqueries DeFi. Cela pousse la DFSA à exiger des normes de cybersécurité élevées.

Les investisseurs musulmans, représentant une part importante de la population, exigent des protocoles DeFi conformes à la charia. Cela nécessite des audits spécifiques pour éviter les intérêts (riba) et les activités spéculatives (gharar).

Les développements récents

Plusieurs entreprises mondiales comme Binance ont établi leur siège régional aux EAU, attirées par la clarté réglementaire et les incitations fiscales. En 2022, Rain Financial, une plateforme crypto basée à Bahreïn, a levé 110 millions de dollars, avec des investisseurs comme Coinbase Ventures, reflétant l’intérêt régional pour la DeFi.

Les EAU participent à des initiatives via des partenariats internationaux, explorant des concepts comme les « Trust Anchors ». Ces institutions financières régulées seraient chargées de vérifier l'identité des utilisateurs DeFi pour intégrer la DeFi dans un cadre réglementé.

Les EAU soutiennent le développement de la DeFi islamique, qui combine les principes de la finance islamique avec la blockchain. Avec un marché mondial de la finance islamique de 3,5 trillions de dollars en 2024, prévu pour atteindre 8 trillions $ d’ici 2032, les EAU cherchent à capter cette demande croissante.

Valeur reçue par la DeFi dans les Émirats arabes unis
Valeur reçue par la DeFi dans les Émirats arabes unis - Source : Chainalysis

Les perspectives

Les EAU continuent d’attirer les entreprises DeFi grâce à leur environnement réglementaire favorable et à leur infrastructure fintech avancée. Cependant, les exigences strictes de KYC/AML et de conformité à la charia limitent la décentralisation totale des protocoles.

La collaboration avec des organisations internationales, comme l’OICV (International Organization of Securities Commissions), renforce l’approche des EAU pour harmoniser la régulation de la DeFi à l’échelle mondiale.

Arabie saoudite : une adoption croissante dans un cadre prudent

L’Arabie saoudite montre un intérêt marqué pour la DeFi, porté par une population jeune et technophile, mais adopte une approche réglementaire prudente pour protéger sa stabilité financière.

MBS et Arabie Saoudite

Le contexte réglementaire

En 2024, la Banque centrale saoudienne (Saudi Central Bank, SAMA) a introduit des lignes directrices pour les stablecoins et les services crypto, y compris la DeFi, dans le cadre de sa stratégie Vision 2030 pour diversifier l’économie. Ces règles imposent des réserves obligatoires et des audits pour les émetteurs de stablecoins.

La SAMA applique des exigences strictes de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (AML/CFT). Cela oblige les plateformes DeFi à intégrer des mécanismes de vérification d’identité, souvent via des partenariats avec des exchanges centralisés.

L’Arabie saoudite, en tant que leader mondial de la finance islamique, exige que les protocoles DeFi soient conformes à la charia. Cela inclut l’élimination des intérêts et des pratiques spéculatives excessives, ce qui pose des défis pour les protocoles DeFi traditionnels.

Les challenges spécifiques à la DeFi

Avec 63 % de la population âgée de moins de 30 ans, l’Arabie saoudite voit une forte adoption des plateformes DeFi, notamment les DEX comme Uniswap. Cependant, l’absence de régulation claire limite l’adoption institutionnelle.

Les vulnérabilités des smart contracts et les piratages incitent la SAMA à exiger des normes de cybersécurité élevées.

Les organisations autonomes décentralisées posent des questions sur la responsabilité juridique. A l'instar de nombreux régulateurs, la SAMA explore la possibilité de tenir les développeurs ou les détenteurs de tokens de gouvernance responsables des activités illicites.

Les développements récents

Les stablecoins dominent les volumes de transactions DeFi en Arabie saoudite, reflétant une préférence pour des actifs à faible volatilité dans un contexte de forte dépendance économique au pétrole.

Quant aux initiatives pilotes, la SAMA expérimente des systèmes de paiement transfrontaliers basés sur la DeFi, pour réduire les coûts et accélérer les transactions.

Des recherches locales, comme celles publiées dans El Dinar (2024), soulignent le potentiel de la blockchain pour réduire la corruption et le blanchiment d’argent dans la finance islamique, tout en promouvant l’inclusion financière des populations minoritaires.

Les perspectives

L’Arabie saoudite cherche à intégrer la DeFi dans son écosystème financier tout en maintenant un contrôle strict pour éviter les risques systémiques. La conformité à la charia et la protection des consommateurs resteront des priorités.

La SAMA pourrait s’inspirer des EAU pour développer un cadre plus clair, attirant ainsi davantage d’investissements institutionnels dans la DeFi.

Qatar : une approche émergente axée sur l’innovation

Le Qatar, bien que moins avancé que les EAU ou l’Arabie saoudite en matière de régulation DeFi, adopte une approche innovante pour l'intégrer dans son système financier.

Qatar

Le contexte réglementaire

Le Qatar Financial Centre (QFC)

Le QFC est une zone économique spéciale qui a introduit des réglementations pour les actifs numériques dès 2023. Elles incluent des lignes directrices pour les plateformes DeFi. Ces règles exigent des licences pour les opérateurs et des audits pour les smart contracts.

Les stablecoins et paiements

Le Qatar encourage l’utilisation des stablecoins pour les paiements transfrontaliers, afin de réduire les coûts et les délais par rapport aux systèmes traditionnels (qui impliquent souvent six institutions pour une transaction).

La conformité à la charia

Comme l’Arabie saoudite, le Qatar exige que les protocoles DeFi respectent les principes de la finance islamique, ce qui limite l’adoption de certains protocoles basés sur des intérêts ou des pratiques spéculatives.

Les challenges spécifiques à la DeFi

Bien que le Qatar progresse, son cadre pour la DeFi reste moins développé que celui des EAU, ce qui freine l’adoption institutionnelle. L’absence de KYC/AML dans les protocoles DeFi purement décentralisés pose des problèmes, car les régulateurs qataris exigent une traçabilité des transactions.

Au niveau de l'éducation et de l'adoption, le Qatar investit pour sensibiliser les entreprises et les consommateurs, mais la complexité des protocoles DeFi limite leur adoption par le grand public.

Les développements récents

Le Qatar attire des fintechs comme Tamara et Tabby, qui ont levé respectivement 340 millions $ et 250 millions $ en 2023, reflétant l’intérêt pour les innovations financières, y compris la DeFi.

L'Émirat explore activement la DeFi islamique pour répondre à la demande croissante pour des solutions financières halal. Par exemple, il développe des projets pilotes de sukuks (obligations islamiques) basés sur la blockchain. À l'instar de ses voisins, il collabore avec des régulateurs comme la MAS de Singapour pour intégrer la DeFi dans un cadre réglementé.

Les perspectives

Le Qatar cherche à rattraper les EAU en tant que hub fintech, mais son cadre réglementaire reste en développement. L’accent sur la DeFi islamique et les paiements transfrontaliers pourrait stimuler l’adoption à moyen terme. Les investissements dans l’éducation et les infrastructures blockchain devraient accélérer l’intégration de la DeFi dans l’économie qatarie.

Conclusion

Part de la valeur reçue dans la région MENA par pays et par catégorie par rapport à la moyenne mondiale
Part de la valeur reçue dans la région MENA par pays et par catégorie par rapport à la moyenne mondiale - Source : Chainalysis

Les Émirats arabes unis sont le leader régional avec une réglementation claire et un environnement favorable aux entreprises. La DeFi est intégrée via des licences et des exigences KYC/AML, avec un fort accent sur la conformité à la charia. L'Arabie saoudite a un approche prudente mais progressive, portée par une population jeune et une adoption croissante des stablecoins. La conformité à la charia est cruciale, et la régulation se concentre sur la stabilité financière. Le Qatar est quant à lui en retard par rapport aux EAU, mais en progression avec des initiatives pour intégrer la DeFi dans le cadre de la finance islamique et des paiements transfrontaliers.

La demande pour des protocoles DeFi conformes à la charia croît rapidement. Les trois pays investissent dans des solutions blockchain pour répondre à cette demande. Les stablecoins dominent les transactions DeFi dans la région, en raison de leur stabilité et de leur utilité pour les paiements transfrontaliers.

Face à l’absence d’intermédiaires, les régulateurs ciblent les exchanges centralisés, les portefeuilles numériques et les développeurs de protocoles pour imposer des règles KYC/AML.

Les pays du Moyen-Orient sont tournés vers la collaboration internationale et participent à des initiatives comme celles de l’OICV, qui recommande de cibler les « Responsible Persons » (développeurs, détenteurs de tokens de gouvernance) pour réguler la DeFi.

Une régulation complexe mais inéluctable pour la finance décentralisée

En 2025, la régulation de la finance décentralisée varie selon les juridictions, mais plusieurs tendances communes émergent :

  • L’UE montre une volonté d'harmonisation du cadre réglementaire avec MiCA, imposant licences, transparence et règles KYC/AML. Les EAU et Singapour adoptent des cadres similaires (VARA, PSA), tandis que les États-Unis s’appuient sur des lois existantes (SEC, CFTC), créant une approche fragmentée. Le Japon exige des licences via la FSA, favorisant l’innovation encadrée ;
  • Les stablecoins, essentiels à la DeFi, sont régulés partout. L’UE, les EAU, l’Arabie saoudite et le Qatar imposent des exigences strictes ;
  • L’absence d’intermédiaires dans la DeFi complique les règles anti-blanchiment. Les juridictions ciblent les points d’entrée (exchanges, portefeuilles), avec des restrictions sur les portefeuilles non hébergés (UE, Singapour). La Chine interdit toute activité DeFi ;
  • Les risques de piratages poussent les régulateurs à exiger des normes de cybersécurité ;
  • Au Moyen-Orient (EAU, Arabie saoudite, Qatar), la DeFi islamique gagne du terrain, avec des protocoles adaptés ;
  • Toutes les juridictions coopèrent via le GAFI ou l’OICV pour harmoniser les règles, notamment sur les DAO et les stablecoins. La Chine reste restrictive, tandis que l’UE, les EAU et Singapour favorisent l’innovation sous contrôle strict.

Pour les développeurs DeFi, les réglementations croissantes imposent des responsabilités juridiques augmentant les coûts et les risques de sanctions. Les investisseurs font face à des exigences fiscales accrues et à des restrictions d’accès. Espérons qu'ils puissent bénéficier d’une meilleure protection contre les fraudes dans des juridictions comme l’UE et les EAU. Ces tendances sont techniquement réalisables pour les aspects centralisés de la DeFi (exchanges, stablecoins), mais leur application aux protocoles entièrement décentralisés reste très limitée.

Ce tour relativement complet du paysage réglementaire mondial de la DeFi est maintenant terminé. Alors que nous approchons de la fin du Chapitre dédié à la finance décentralisée, partons découvrir les métriques clés du secteur en 2025.

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