FLiK : procès à 5 millions de dollars à venir pour l’ICO du rappeur T.I.

Une nouvelle illustration que, lorsque c’est trop beau pour être vrai, c’est que ça l’est probablement – Le 1er novembre, une demande de recours collectif mené par des investisseurs de tout horizon a été déposée aux États-Unis, auprès d’un tribunal de Géorgie. Ayant investi pour près de 2 millions de dollars cumulés dans l’ICO menée par le rappeur aux 8,6 millions d’abonnés Twitter, puis ayant tout perdu lorsque cet ICO s’est avéré ressembler à un bon vieux Pump & Dump, ils demandent réparation. Ayant pu échanger avec Aurélien Béranger, le plaignant français principal, ainsi qu’avec Alex Loftus, l’avocat représentant les multiples plaignants, voici une présentation de ladite affaire.

Lis cet article, et aussi ceux-là, toi qui passes tes WE à écumer les groupes Telegram les plus obscurs à la recherche du chimérique “futur Bitcoin”

Une ICO pour “décentraliser Netflix”

Tout avait pourtant si bien commencé en 2017. Rappelez-vous, c’est la douce période du bull market, la bulle spéculative va bientôt commencer à enfler à l’envi, et à l’époque il est de plus en plus commun de voir des célébrités promouvoir des projets liés à la crypto. On sait aujourd’hui que ce n’était pas l’idée du siècle.

Dans cette ambiance particulière, voilà que Ryan Felton, se présentant comme un producteur audiovisuel aux succès multiples, déboule en août 2017 pour proposer une ICO révolutionnaire : le but serait de lancer une plateforme décentralisée qui permettrait à tous les acteurs de l’écosystème de gagner leur pain quotidien de façon plus juste, sur une sorte de Netflix sur la blockchain, qui mettrait petits et gros sur un pied d’égalité. Vous pouvez le dire, c’était pour le moins ambitieux… et tout ne s’est pas exactement passé comme prévu.

Les investisseurs poursuivent donc Ryan Felton mais également le rappeur T.I. pour avoir mené un bon vieux Pump & Dump des familles à leur dépends.

Quand T.I., Kevin Hart, Tony Gallippi ou encore Mark Cuban voient leur noms associés

Le déroulé des événements ressemble à un mauvais film hollywoodien, justement. Ryan Felton, décrit comme “un habitué des cours et des procès” dans la plainte afférente à l’ICO, aurait habilement manipulé son monde, profitant de la participation au projet de T.I. et de l’association momentanée de certains de ses amis célèbres.

En effet, quelques jours avant le lancement de l’ICO, Ryan Felton s’est fendu d’une annonce à destination de ses (chers) investisseurs : le rappeur T.I. se joignait à l’aventure, pour disrupter Hollywood. C’est donc tout naturellement que la hype commençait à monter.

Mais ce n’était pas suffisant. Alors Ryan Felton annonça plus tard que Tony Gallippi, le cofondateur et président de BitPay, rejoignait l’équipe en tant que “conseiller”. Il s’avère qu’en définitive, Tony Gallippi n’avait fait qu’acheter pour 500 $ de tokens FLiK. Mais bien évidemment, cette information n’atteint jamais le groupe Telegram officiel.

D’après l’acte d’accusation, Ryan Felton aurait également créé des faux comptes sur les réseaux sociaux pour laisser à penser que Mark Cuban, le milliardaire homme d’affaires déjà investisseur dans Netflix, rejoignait l’aventure. Profitant de croiser Cuban lors d’événements mondains, il en aurait profité pour faire une photo en sa compagnie et s’en servir dans son entreprise fallacieuse.

Kevin Hart, le comédien américain, s’est également vu associé à cet ICO, puisqu’il a publié sur ses réseaux sociaux des messages élogieux à propos du “nouveau projet” de son ami T.I. Felton ne s’est donc pas privé pour le présenter ensuite comme un futur dirigeant de FLiK, ce qui bien sûr ne s’est jamais vérifié par la suite.

“Je suis super excité pour T.I. et son ICO FLiK ! Ils vont casser la baraque !”

Comme si ce n’était pas suffisant, Ryan Felton s’est laissé aller à annoncer courant octobre 2017 que des négociations pour des partenariats commerciaux avec Liongate ou encore les services de divertissement des soldats de l’Armée américaine étaient en négociation.

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Hype the World !

Mais toutes les plus belles histoires ont aussi une fin. Surtout quand elles sont en définitive bâties sur du sable : tout cela n’était à priori que mensonge.

Alerte Spoiler : ce qui monte finit bien souvent par redescendre

Vendu lors de l’ICO au tarif défiant toute concurrence de 0,06 $, le token FLiK est progressivement monté jusqu’à un maximum de 0,21 $. Pourtant, Felton annonçait dans son groupe Telegram une valorisation probable à près de 15$ le token dans l’année. Encore une nouvelle alerte, mais que les investisseurs non avertis n’ont pas vue. Et puis, comme vous vous en doutez, ce fut le drame.

Aujourd’hui, Ryan Felton a disparu des radars en abandonnant le bébé dans une cession étrange en 2018 à une société fantôme nouvellement créée, bien évidemment ni Liongate ni l’Armée américaine n’avaient de lien avec ce projet, Kevin Hart n’est jamais intervenu directement dans les projets commerciaux de FLiK et Mark Cuban n’a pas abandonné Netflix pour rejoindre cette nouvelle révolution.

2 millions de dollars de perdu, 5 de retrouvés ?

Les différents investisseurs ont en définitive perdu pour près de 2 millions de dollars dans cette sombre affaire. Aurélien Béranger, plaignant principal et français de son état, avait par exemple investi 581 000 $, au pic de la hype. Le 3 août, le token FLiK avait vu sa “valeur’ fondre à 0,008$. Aujourd’hui, le token ne vaut plus rien, sans surprise, puisqu’il n’y a plus aucun marché le concernant et que le projet est en état de mort cérébrale… Si tant est qu’il n’ait jamais vécu.

Les plaignants demandent ainsi 5 millions de dollars au titre de compensation, en cherchant à faire reconnaître que toutes les conditions sont remplies pour catégoriser l’ICO de FLiK comme une vente frauduleuse de valeurs mobilières non enregistrées (securities).

Invité à s’exprimer par nos soins sur cette affaire d’ICO scammy dans l’attente d’un hypothétique procès, Alex Loftus, avocat représentant des plaignants dans ce dossier a eu la formule suivante :

« Aux États-Unis d’Amérique, nous avons tout un système législatif servant à réguler l’investissement. Malgré cela, quelques escrocs ont pensé assez stupidement qu’ils pourraient s’extraire de cette structure régulative par les cryptomonnaies. Les investisseurs non avertis devraient éviter d’investir dans des ventes de valeurs mobilières non enregistrées (unregistered securities). »

Encore un bel exemple qu’il faut toujours peser le pour et le contre avant d’investir, que le risque de pertes est bien plus tangible que certains des tokens proposés, et qu’encore une fois, si ça vous paraît trop beau, c’est sans doute parce que ça l’est.

Source : Case 1:18-cv-05054-ODE Document 1 || Images from Shutterstock & Giphy

Grégory Mohet-Guittard

Je fais des trucs au JDC depuis 2018. En ce moment, souvent en podcast et la tête dans le nuage.