France : le Ministère de l’Intérieur recherche une « Solution d’analyse des cryptomonnaies »
C’est par le biais d’une discrète annonce sur la plateforme des achats de l’État que le Ministère de l’Intérieur réagit à sa façon au bull run actuel des cryptomonnaies : en lançant un appel d’offres aux entreprises afin d’être doté d’un logiciel d’analyse des transactions sur la blockchain !
Big Brother is watching you (enfin, il aimerait)
Si la France, de l’aveu même de son ministre des Finances Bruno Lemaire, ambitionne de devenir une cryptonation, que ceux qui fantasment une évolution libertarienne et cypherpunk de notre bonne vieille mère patrie se rassurent : du point de vue de l’État, blockchain et cryptomonnaies iront nécessairement de pair avec contrôle et surveillance.
C’est ainsi que les choses commencent à se mettre tranquillement en place côté ministère de l’Intérieur, avec cette annonce, visible sur la plateforme dédiée aux appels d’offres sous l’intitulé « Solution d’analyse des cryptomonnaies » :
« Fourniture d’une solution d’analyse des transactions en cryptomonnaies au profit de la Gendarmerie nationale, de la Police nationale et de la Douane. »
Un train de retard…
Que l’État se préoccupe de blockchain et que le Ministère de l’Intérieur se charge de surveiller les transactions, jusque là rien que de très anormal. Il s’agit d’ailleurs d’un nouveau signe indiquant à quel point le sujet s’impose dans toutes les strates économiques et sociales ; et ça, c’est une bonne nouvelle.
En revanche, l’analyse des documents associés à cet appel d’offres, et ce que ces derniers disent de la perception de ces sujets par leurs rédacteurs, permets de mesurer à quel point il reste du chemin à parcourir.
On notera pour commencer que la commande publique passée au JO de l’Union européenne date du 5 décembre 2018. Le préambule du Cahier des Charges annonce tout de suite la couleur :
« Les services de la sécurité intérieure sont de plus en plus confrontés à des vendeurs agissant sur le Darknet : sur cette partie de l’internet, les vendeurs se sentent à l’abri de toute capacité d’identification. Afin de démasquer ces vendeurs frauduleux, les enquêteurs et analystes s’attachent à l’examen de toutes les traces laissées par ces derniers. Parmi les indices, figurent notamment les traces de transactions illicites dans la blockchain “bitcoin”. »
Le Bitcouin, monnaie du Darknet, ça faisait longtemps.
Un périmètre peu clair, et de sacrées ambitions
Alors même que l’essentiel des documents consultables n’évoque que le Bitcoin en tant qu’objectif central, l’administration fait cependant apparaître au détour des clauses techniques de son Accord Cadre une quantité de cibles un peu plus large, incluant :
- Bitcoin Cash (BCH)
- Litecoin (LTC)
- Ethereum (ETH)
- Tether (USDT)
L’entreprise qui remportera cet appel d’offres sera chargée d’atteindre quelques menus objectifs. Oh, trois fois rien, rassurez-vous. Il s’agira, dans le détail :
« (…) de surveiller, d’analyser, de suivre les transactions en vue de désanonymiser les utilisateurs de bitcoins. En analysant les suites mathématiques permettant les échanges en monnaies virtuelles, l’outil doit être capable d’identifier à la fois des portefeuilles (ou wallets) qui regroupent des adresses de paiement bitcoins appartenant à la même entité (clusterisation) et des flux (groupes de transactions entre les différents portefeuilles). »
« Il est souhaitable de pouvoir disposer de l’adresse IP, du port source, de l’adresse mail, de données de géolocalisation liées aux ordres de paiement, du logiciel de gestion de wallet utilisé pour le paiement (…) »
« Il serait souhaitable de pouvoir effectuer une requête à partir d’une adresse IP, d’une clé cryptographique de type PGP et d’une adresse mail. »
Voilà, facile.
Vous êtes intéressé et déterminé à prendre d’assaut l’œuvre de Satoshi ? Sachez que vous avez jusqu’au 15 juillet prochain 16h pour vous porter candidat (à 16h15, le guichet est fermé, soyez vigilant).