Libra : audition de David Marcus devant le Congrès américain « Facebook ne veut pas fabriquer d’argent »
C’était l’une des étapes les plus attendues du long chemin que devra parcourir Facebook pour parvenir à mettre en application son ambitieux projet de monnaie Libra : le passage sous les fourches caudines des assemblées parlementaires, congrès américain en tête.
Le 17 juillet 2019, c’est donc le CEO de la Fondation Libra, David Marcus à qui est revenue la lourde responsabilité de résoudre une équation impossible devant une commission du Comité sénatorial des banques : conserver vivante l’ambition monétaire hégémonique initiale de Libra, tout en démontrant sa docilité apparente et son absence de volonté de concurrencer les Etats sur le terrain de la souveraineté économique.
Bitcoin et Libra, de l’ombre aux projecteurs hollywoodiens
Cette semaine, Washington a résonné comme jamais de l’évocation de concepts encore rarement aussi exposés : alors même qu’en réaction au projet Libra de Facebook, on apprenait qu’un projet de Loi circulait, avec pour ambition d’interdire aux GAFAM de battre monnaie, c’est pour la première fois qu’un président américain en exercice citait nommément Bitcoin ! (bon, aux travers de tweets vindicatifs et en tant qu’ennemi à abattre, mais c’est un début, non ?).
Et surtout, dans le cadre d’un exercice prévu de longue date, c’est notre compatriote David Marcus, en charge des projets blockchain de Facebook et représentant de la Fondation Libra, qui a passé le 17 juillet un grand oral de près de 2 heures devant le Comité Sénatorial des Banques, présidé par le sénateur Sherrod Brown.
Comité des Banques ou comité d’exécution ?
Si sur la forme, l’intéressé ancien de Paypal et de Coinbase – dont on imagine bien qu’il s’est préparé à l’exercice avec application – a offert une prestation solide, ne se laissant que rarement déstabiliser par des questions pourtant parfois peu amènes de la commission, on retiendra quelques temps forts :
- « Facebook est dangereux » – Peu de nuance dans ce propos liminaire du chairman Brown. Le ton est donné est l’ensemble de l’audition sera ponctué de rappels sur « l’absence de confiance des consommateurs en Facebook » et de punchlines façon « vous avez besoin de clarifier beaucoup trop de choses pour être honnête » à un Marcus peut-être parfois perçu comme arrogant et commençant nombre de ses phrases par « je voudrais clarifier…».
- « Libra n’est pas conçu pour se substituer à un compte bancaire » – Marcus éludant une question concernant le fait de savoir s’il accepterait d’être payé en Libra.
- « Oui je pourrais être payé en Libra car elle est backée à 1 pour 1 » – Marcus acceptant finalement de répondre à la question.
- « Facebook ne compte pas fabriquer de la monnaie » – Marcus indiquant que Libra sera simplement destiné à améliorer les services monétaires actuels.
- « La blockchain offre plus de liberté, de souveraineté, de choix aux consommateurs » – Marcus interrogé sur la proposition de valeur de la blockchain.
- « Facebook avec ses 2 milliards de consommateurs sera le « gros chien » » – Brown balayant l’argument selon lequel Facebook serait simple membre de la Fondation Libra.
De manière générale, l’essentiel des questions des parlementaires a eu trait aux risques de blanchiment, de financement d’activités illégales et aux nécessités impérieuses de renforcer encore les étapes de KYC et de manière générale de régulation. David Marcus en a convenu, insistant sur le fait que Libra apporterait un souci particulier à une coopération étroite avec les Banques Centrales et manifesterait un respect scrupuleux des normes les plus strictes en la matière.
The long road
C’est au final peut-être hors du ring que les coups se sont fait les plus violents de la part du Président de la commission :
« Facebook a montré à maintes reprises qu’il a trahi la confiance du public et je ne peux pas imaginer qu’il y ait quoi que ce soit qui nous pousse à leur faire confiance. (…) S’ils sont assez arrogants pour se lancer dans cette affaire et que l’audience est au rendez-vous, ainsi qu’elle semble vouloir l’être, je pense qu’une loi serait recevable, je pense qu’il y aurait un large appui bipartisan.» Sénateur Sherrod Brown, Président de la commission financière lors de la conférence de presse suivant l’audition de David Macus.
De toute évidence, si le lancement de Libra et du wallet Calibra sont toujours envisagés au premier semestre 2020, nul doute que cette audition ne représente que le premier des nombreux obstacles que Facebook aura encore à franchir avant de prétendre s’aventurer sur le terrain monétaire.