Bitcoin, la Chine et l’Occident : un retour aux sources inédit à l’est de la planète crypto
The Wild Wild East. Et si la politique restrictive de Pékin à l’égard de Bitcoin obligeait les Chinois à revenir aux origines du projet et aux sources de la blockchain ? Et si cette vision archaïque de Bitcoin était peut-être en fait la seule qui vaille la peine d’être développée, loin des dérives financières à l’œuvre en occident et plus particulièrement à Wall Street, épicentre du crypto Babylone ? Voici l’idée développée par Alex Bergeron dans un éditorial paru dans Bitcoin Magazine où il analyse les évolutions récentes de l’écosystème Bitcoin en le comparant aux territoires inexplorés de la conquête de l’Ouest, où la ligne de démarcation entre le connu et l’inconnu s’appelait la Frontière (The Frontier en anglais). Un vent nouveau se lève et il viendrait de l’est selon l’auteur qui revient tout juste de l’évènement Bitcoin Asia 2024 organisé à Hong-Kong les 9 et 10 mai dernier.
Aux frontières de l’inconnu ou comment Bitcoin ouvre de nouveaux horizons
Tout est une histoire de frontières et de limites géographiques entre le connu et l’inconnu, entre les espaces civilisés par les sociétés humaines et les territoires supposés sauvages où les hommes et les femmes doivent inventer sans cesse de nouveaux moyens de survivre sans pouvoir compter sur aucune administration centralisée ni sur aucune force de l’ordre. Tout au long du 19ème siècle, cette expression The Frontier, empruntée au français frontière, a servi à désigner la ligne marquant la zone limite d’implantation des populations d’origine européenne qui partaient alors à la conquête de l’Ouest depuis les côtes de l’Est de ce qui n’était pas encore tout à fait les États-Unis d’Amérique. Depuis, cette expression est utilisée pour parler de nouvelles façons de penser et désigne le champ d’application de nouvelles technologies novatrices.
Alex Bergeron utilise le terme Nouvelle Frontière pour désigner ce qu’il se passe actuellement en Chine autour de Bitcoin, en référence au développement d’applications peu connues, qui s’éloignent de ce qu’on a l’habitude de voir en Europe ou aux États-Unis. Dans cet espace anarchique où la loi et la règlementation n’ont plus de prise sur les individus, ces derniers s’organisent en autogestion, avec les risques et périls que cela inclut, mais avec surtout une sensation de liberté jouissive qui ressemble pour l’auteur à l’univers Bitcoin des origines.
Les États-Unis et l’Europe ont détourné l’idée originelle de Bitcoin pour le profit
Ainsi, il se rappelle comment aux premières heures du réseau, il était compliqué d’acheter et de vendre des bitcoins alors que cet environnement ressemblait au fameux Far West de notre inconscient collectif où les gangsters et les hors-la-loi pullulaient sur des chemins où aucune police ne pouvait vous protéger. Pas de KYC, pas de norme internationale anti blanchiment et pas de sécurité pour les usagers ; juste vous, votre portefeuille et votre liberté. La liberté de vous tromper, de devenir riche ou de détrousser vos voisins et dans ce monde-là, seule la blockchain imposait son autorité : code is the law.
Mais tout ceci va s’effondrer en seulement quelques années quand entrepreneurs, sociétés de capital-risque et fonds de gestion vont succomber aux sirènes du profit et de l’adoption massive en invitant les hommes de loi sur ce territoire alors encore sauvage. Depuis, la souveraineté et l’autonomie ont cédé face à la demande de sécurité croissante des utilisateurs devenus consommateurs d’exchanges ayant pignon sur rue et le veau d’or de la cryptomonnaie a totalement fait oublier les valeurs des premiers jours.
La Chine est redevenue malgré elle un territoire vierge pour explorer de nouvelles applications décentralisées
L’auteur note d’ailleurs que les grands absents de cette manifestation étaient justement les grands exchanges internationaux type Binance, Coinbase, ByBit ou kuCoin et même s’il n’est pas dupe de la valeur intrinsèque et de la légitimité de l’intégralité de ces petits acteurs présents à Hong-Kong, ils font clairement souffler un vent de fraicheur sur l’écosystème.
À contre-courant de l’occident où les règlementations commencent à prendre une place de plus en plus importante et où l’indépendance financière ploie sous les coups de butoir de la loi, cette petite dose d’anarchie venue de l’est est exactement ce dont avait besoin Bitcoin avec cette galaxie d’applications en cours de développement. Notre témoin du jour en profite d’ailleurs pour rappeler l’incroyable dynamisme autour des technologies dites Bitcoin-native qui se concentrent uniquement sur le réseau Bitcoin pour proposer de plus en plus de services aux usagers.
Et maintenant ? On fait quoi ?
Il espère que l’ouest ne cherchera pas à anéantir cette énergie régénérante qui fait le plus grand bien à l’écosystème dans son ensemble. Pour Alex Bergeron, nous sommes finalement à la croisée des chemins entre un Bitcoin dévoyé par l’argent à l’ouest et un Bitcoin redevenu sauvage à l’est.
Cependant, il n’y a pas forcément de choix à faire, mais plutôt des compromis à trouver, car comme souvent, la vérité se trouve quelque part entre les deux. Pour lui, il est important de laisser les choses se faire : « alors que nous entrons dans un nouveau cycle, s’opposer aux forces qui l’animent semble futile et contre-productif. Bitcoin ne change pas et personne n’essaye de le changer. C’est juste le monde autour qui évolue et il semble préférable de canaliser cette énergie vers quelque chose de productif plutôt que de la combattre ».
Enfin, il termine en citant le proverbe chinois suivant : « quand le vent se lève, certains construisent des murs et d’autres des moulins ». Et nous, on fait quoi en Europe ? En France ? On construit des murs ou des moulins ?