Celsius : la vérité derrière la pyramide de Ponzi – Crypto Focus
Celsius, le rêve devenu cauchemar – Celsius se voyait comme le futur des banques. Telle la grenouille qui se rêvait plus grosse que le bœuf, la réalité a fini par la rattraper. Et ceux qui en font les frais, comme toujours, ce sont les clients. Une triste réalité bien différente des discours avancés par son fondateur, Alex Mashinsky. Retour sur l’histoire d’une plateforme qui, à force de bouillir, a fini par faire brûler le thermomètre.
Celsius : aux origines du mensonge
Le récit détaillé dans cet article est issu du rapport de l’entreprise Shoba Pillay, chargée par le tribunal américain d’enquêter sur les faits derrière la faillite de Celsius.
Celsius : le rêve de faire mieux que les banques
L’histoire est finalement proche de celle de la plateforme FTX. Un manque de lucidité des dirigeants d’une plateforme. Et, la réalité d’un mode opératoire qui diffère en tous points de celui vendu aux clients. Parce que c’est bien cela dont on parle avec Celsius : le rêve de faire comme les grosses banques traditionnelles, en mieux. Convaincus par les discours, les investisseurs curieux adoptent cette idée de se « débancariser » et de profiter de cette « liberté financière » retrouvée. Celsius insiste sur des valeurs fondamentales : « la communauté d’abord », un système « bâti sur la confiance » et la « transparence ».
Le programme Earn de Celsius était annoncé comme « la place la plus sûre » pour stocker ses cryptos. Un moyen facile et pratique de toucher des intérêts réguliers sur ses cryptomonnaies. Celsius proposait d’utiliser les actifs de ses clients au travers de prêts ou d’investissements afin d’en tirer des rendements. Intérêts redistribués ensuite à ses utilisateurs sous la forme de « yield », de revenu passif. Son CEO, Alex Mashinsky se plaisait à déclarer à l’époque, lors des AMA (Ask Mashinsky Anything) que les cryptos des utilisateurs restaient les leurs, non celles de Celsius.
Lorsqu’il était interrogé sur de potentielles faillites de la plateforme, il répondait le plus simplement du monde : « dans le cas d’une faillite, les cryptos seront retournées à leurs utilisateurs ». Celsius se vantait de pouvoir générer de hauts rendements avec un faible risque, en « faisant ce que Celsius sait faire de mieux ». La suite prouvera le contraire.
Le token CEL, le début des difficultés
Dès le tout départ, Celsius avait prévu de lever 50 millions de dollars au travers d’une ICO (Initial Coin Offering) et de la vente privée de 325 millions de tokens CEL. Les tout premiers utilisateurs toucheraient leurs rendements en tokens CEL. Ceux-ci seraient issus, soit des réserves internes du projet, soit directement achetés au marché par Celsius. Le marketing de Celsius apporterait ensuite plus d’utilisateurs sur la plateforme, donc plus d’actifs avec lesquels générer toujours plus de rendements. De l’argent utilisé pour acheter les tokens CEL sur le marché, faisant mécaniquement monter son prix et attirant de fait une adoption toujours plus grande. Le plan était net et sans bavures, mais il ne s’est pas passé comme prévu.
Dès le départ, les belles promesses de transparence de Celsius ont volé en éclat. Sur les 50 millions de dollars espérés, seulement 32 ont été obtenus par l’équipe. Un fait notable que Celsius a omis de mentionner à sa communauté.
Le token CEL, une manipulation de marché…
Au tout départ, en 2018 et 2019, alors que le prix du token CEL était bas, Celsius en achetait afin de payer les rendements de ses utilisateurs, exactement comme annoncé. Néanmoins, à partir de 2020, Celsius décide de renforcer de manière substantielle ses achats de tokens CEL afin de faire drastiquement monter son prix. Des ordres étaient judicieusement positionnés dans le but de racheter les dips lorsque le prix de l’actif baissait. Le résultat fut impressionnant : plus de 14 000 % de rendement sur le token entre mars 2020 et juin 2021.
Sauf que Celsius devenait, au travers de ce procédé, le principal market maker de son propre jeton. Mashinsky ne se privait pas, lors des AMA, de faire parler sa mauvaise foi, se félicitant de l’appréciation toujours plus grande du prix du token CEL, prouvant de fait sa « grande utilité ». Dès février 2019, Celsius a ajouté sa trésorerie en tokens CEL à son bilan financier. À cette époque, cela représentait 6 millions de dollars. Courant 2021, Celsius était à la tête d’une petite fortune de plus d’1,5 milliard de dollars en tokens CEL.
… qui profite aux insiders du projet …
De l’autre côté du spectre, la réalité est bien différente. Le token CEL n’a en fait que peu d’utilité. Il n’est utilisé nulle part ailleurs que sur la plateforme. En 2022, les employés de Celsius discutaient régulièrement entre eux de l’absence de valeur du token et que celui-ci « aurait dû être à 0 ». Et, il en était de même des réserves de Celsius. En effet, faute d’autres parties à qui la vendre, ils étaient dans l’impossibilité de liquider leur énorme position en token CEL.
En fait, cette augmentation du prix du token a surtout profité aux initiateurs du projet. Alex Mashinsky a vendu au moins 25 millions de tokens CEL, réalisant un gain de 68 millions de dollars. S. Daniel Leon, co-fondateur de Celsius, réalisa lui aussi un gain conséquent de 9,7 millions de dollars.
Tant et si bien qu’en réalité, l’entreprise Celsius se retrouvait en fait à racheter les tokens CEL vendus par Mashinsky et ses acolytes. De tels agissements ont même conduit l’ancien directeur financier de la boîte à s’inquiéter :
« Nous parlons de devenir une entité régulée et [en parallèle] nous faisons des choses potentiellement illégales et, de manière certaine, non conformes. »
Dans une conversion sur le logiciel de communication d’entreprise Slack, nous retrouvons même le message suivant d’une employée :
« Si quelqu’un découvre un jour notre situation et combien nos fondateurs ont touché en USD, cela donnera une terrible image [de Celsius]… Nous sommes en train d’utiliser les USDC des utilisateurs pour payer les tokens CEL sans valeur des employés… »
… jusqu’à l’effondrement du Ponzi
Au final, Celsius a fini par ne plus générer suffisamment de rendement avec ses actifs pour continuer ses achats massifs de tokens CEL servant à maintenir le cours. De fait, comme FTX, les dirigeants commencèrent à utiliser les actifs en BTC et en ETH des clients de la plateforme pour poursuivre les achats. Néanmoins, Celsius était en manque d’outils de traçabilité adéquats pour suivre les actifs de leurs clients.
Si bien qu’ils finirent par remarquer un déficit en BTC et en ETH par rapport aux actifs de leurs clients. Ils le comblèrent en les achetant au marché ou en les empruntant via des stablecoins. Sauf qu’à l’époque, début 2021, les prix de ces actifs, alors en pleine envolée, étaient très élevés. Celsius généra ainsi un trou dans la caisse de 300 millions de dollars. Et, celui-ci ne fit que s’accroitre au fil des mois jusqu’à dépasser 1 milliard de dollars.
En mai et juin 2022, à mesure que les utilisateurs retiraient leurs BTC et leurs ETH de la plateforme, Celsius a dû recouvrer ses emprunts, transformant son déficit de stablecoins en déficit de BTC et d’ETH.
En avril 2022, même les employés de Celsius décrivirent la manœuvre comme « similaire à un Ponzi ». En plus d’utiliser les fonds des utilisateurs pour racheter ses tokens CEL, Celsius accapare l’argent d’investisseurs externe pour faire de même. De l’argent normalement destiné « à développer l’entreprise ». Au total, Celsius a dépensé 558 millions de dollars pour racheter son propre token sur les marchés.
À court de liquidités, Celsius stoppe les retraits de ses utilisateurs, le 12 juin 2022. L’entreprise détient toujours plus de 95 % de la quantité totale (supply en anglais) de tokens CEL en circulation.
Celsius adopte la stratégie du Ponzi
Une génération de rendements totalement fictive
Au départ, Celsius promettait de rétribuer 80 % du rendement généré par les actifs déposés sur sa plateforme aux clients. Mais il n’en était rien, tout simplement parce que Celsius ne générait pas ou peu d’intérêts en réalité. En réponse aux questions du régulateur, Celsius a affirmé qu’il n’y avait absolument aucune corrélation entre le paiement des intérêts de ses clients et le rendement généré par leurs actifs à travers la plateforme.
En fait, Celsius fixait les taux d’intérêt de manière arbitraire, de manière à battre systématiquement la concurrence. Alerté sur ces pratiques par l’équipe managériale, Mashinsky refusa de se conformer aux rendements réels générés. Son choix ? Privilégier l’accroissement de sa base d’utilisateurs. Si bien qu’entre 2018 et juin 2022, Celsius a délivré 1,36 milliard de dollars de plus que ce que la plateforme était parvenue à générer en rendement via la gestion des actifs.
Celsius, une fuite en avant vers le risque
Afin de maintenir de hauts rendements, Celsius se déporta inévitablement vers des stratégies de plus en plus risquées avec les actifs de ses clients, tout en promouvant le contraire dans les interventions officielles.
« D’un point de vue stratégie de risque, nous menons probablement l’une des activités les moins risquées que les régulateurs du monde entier ont jamais vu. […] Nous ne faisons que du prêt d’actifs, donc nous avons systématiquement 200 % de collatéralisation. »
Alex Mashinsky au Financial Time en 2021
Le chef de l’investissement chez Celsius s’alarma même à un moment donné de la dangerosité des fausses allégations de Mashinsky. En effet, n’importe lequel des emprunteurs à haut risque avec qui Celsius faisait affaire pouvait prouver à tout moment que Mashinsky était un menteur.
Celsius avait « un système de suivi pathétique ». L’entreprise « ne faisait pas du bon travail quant au fait de savoir comment ses actifs performaient réellement », tout ceci amenant l’entreprise « à prendre des risques excessifs ».
De fait, Celsius se mit à adopter des stratégies de plus en plus complexes et risquées en 2021 et 2022 pour essayer de rattraper ses pertes, tout cela alors que les employés manquaient d’outils de suivi en temps réel des positions prises… tant et si bien qu’ils finirent par perdre 150 millions de dollars dans les méandres de la DeFi.
La fin de l’aventure Celsius
En mai 2022, les liquidités de Celsius sont proches de zéro. Lors du crash de Terra (LUNA), l’entreprise parvint à s’en tirer avec une perte sèche de 30 millions de dollars. Entre le 9 et le 24 mai, Celsius commence à constater une quantité très significative de retraits de la part des utilisateurs, à hauteur de 1,4 milliard de dollars.
Le 12 mai, le cours du token CEL retombe à 0,57 dollar. Celsius décida de faire remonter le cours ce jour-là, faisant temporairement repasser la valeur du token à 0,90 dollar. Le vice-président de la trésorerie qualifia, alors à ce moment-là, ce mouvement comme « la preuve qu’ils étaient les seuls acheteurs » du token CEL.
Plus tard dans la journée, Mashinsky ordonna de racheter 5 millions de dollars de tokens CEL. Mais Celsius n’avait plus dans ses caisses qu’1,6 million de dollars, rendant impossible la manœuvre. Cela signa la fin du support du cours du token par Celsius. Le 12 juin 2022, jour de cessation des retraits de la plateforme, le cours du token était tombé à 0,28 dollar.
Un mois plus tard, le 12 juillet 2022, Celsius se déclare en faillite au titre du chapitre 11 de la loi américaine.
L’histoire de la plateforme Celsius est celle d’un nouveau Ponzi, celle d’une croissance folle en dehors de tout cadre réel, celle de la cupidité de dirigeants profitant de la confiance de leurs clients. Une histoire qui n’est malheureusement pas isolée dans ce nouveau paradigme en construction qu’est le monde de la DeFi (Finance décentralisée). À côté de ces arnaques, toutefois travaillent de nombreuses équipes consciencieuses et sérieuses qui bâtissent avec courage et détermination notre économie de demain.
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