Le grand bond en avant dans la crypto. Le bras de fer entre la Chine et les Etats-Unis ne date pas d’aujourd’hui. Mais il s’est publiquement réactivé à l’occasion de la guerre en Ukraine menée par la Russie. Les tensions diplomatiques autour du soutien américain à Taiwan, les manœuvres militaires en mer de Chine, les désaccords commerciaux, les rivalités géopolitiques larvées en Afrique et en Asie et donc les relations de Xi Jinping avec Vladimir Poutine sont autant de sujets chauds qui alimentent les tensions entre ces deux géants. Toutefois, il se pourrait bien que le web 3 devienne également le théâtre d’un affrontement est-ouest, tant l’empire du Milieu semble intéressé par la crypto, malgré une position officielle plutôt mesurée. Direction la République populaire de Chine pour comprendre notamment le rôle de Hong Kong dans cette partie d’échecs 3.0.
Hong Kong : le cheval de Troie chinois dans la cryptomonnaie
Quand on s’intéresse à la situation des cryptos en Chine, on comprend rapidement le projet du parti au pouvoir. D’un côté, il a décidé de mener la vie dure aux projets décentralisés, comme Bitcoin, alors qu’en même temps, il met en avant son propre projet de monnaie numérique de banque centrale (MNBC). Il n’y a pas de place sur le territoire pour une monnaie qui ne serait pas contrôlée par les autorités. Jusqu’ici, cela pourrait paraître normal dans un pays dirigé par un pouvoir central fort, où les libertés individuelles ne sont pas au cœur des préoccupations politiques. Mais parce que les choses ne sont pas toujours aussi simples qu’elles n’y paraissent, il est intéressant d’aller faire un petit tour dans la région administrative spéciale de Hong Kong.
En quelques mois, plusieurs annonces surprenantes sont arrivées de cette enclave retombée dans le giron chinois en 1997. Tout d’abord, c’est la Bank of China qui a émis des titres financiers tokenisés sur le réseau Ethereum en collaboration avec l’Union des banques suisses. Un peu plus tard, on apprend que les autorités locales encouragent les banques à offrir des services financiers aux exchanges cryptos. Enfin, HSBC, la principale banque de Hong Kong, a commencé à proposer à ses clients d’investir dans des ETF basés sur Bitcoin et Ethereum. Le monde à l’envers ? Pas vraiment, il faut plutôt y voir une marque du pragmatisme chinois quand il s’agit d’économie.
Sean Lee, un entrepreneur crypto sur place, décrit simplement le rôle de Hong Kong de la façon suivante :
« Elles [les autorités chinoises] ont toujours besoin d’un endroit où les capitaux peuvent entrer et sortir. »
Les liaisons dangereuses de Tether avec l’empire du Milieu
Un peu à l’instar de Macao, Hong Kong sert à la fois de laboratoire à ciel ouvert et de petit paradis réglementaire pour faire des affaires en toute quiétude. Mais ce petit territoire sert aussi de base arrière pour mettre en place une forme de soft power économique qui rayonnera ensuite dans tout l’écosystème crypto. D’ailleurs, quand on pense crypto, on pense aussi stablecoin. Et il est plutôt surprenant que le principal d’entre eux, le Tether (USDT), de surcroît libellé en dollar américain, soit justement basé à… Hong Kong.
Cette petite anomalie prend racine dans les origines mêmes de ce jeton, dont l’histoire à elle seule est digne d’un roman à succès. Personnages troubles, millions de dollars, cartel de la drogue : tout ceci a alimenté – et alimente toujours – les histoires les plus folles qu’il est compliqué de résumer en quelques mots. Enfin, dernièrement, c’est une procureure de New York qui a également accusé Tether et sa société mère, iFinex, de garantir la solvabilité de son stablecoin grâce à des titres financiers émis par des sociétés chinoises.
Il apparaît finalement évident que la région administrative spéciale de Hong Kong permet à la Chine de mettre un pied dans la crypto, tout en prétendant le contraire. A l’heure où les Etats-Unis se cherchent une attitude à adopter vis-à-vis de ce nouveau secteur d’activité et où Singapour, Dubaï ou même Londres plus récemment, se sont déjà positionnés comme hubs mondiaux, Beijing joue un double jeu qui sert ses intérêts. Adopter la technologie monétaire de la blockchain pour accentuer le contrôle sur sa propre population (crédit social, MNBC, etc.) et profiter au maximum des possibilités financières de la crypto en utilisant les particularités de Hong Kong.
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