Tahiti : future capitale mondiale des ICOs?
Quand on pense “Tahiti”, des images de vahiné et de perles noires se mélangent à des senteurs de monoï et de fleurs de tiaré… Rouvrez les yeux, vous êtes toujours dans votre bureau et Windows vient de planter.
Et si dans peu de temps, l’évocation de Tahiti (et de la Polynésie française, grande comme l’Europe, et dont l’île de Tahiti ne représente qu’une petite partie), renvoyait aussi et surtout à l’émergence et au dynamisme d’une “Tech-Island”, soutenant la comparaison avec la Silicon Valley, ou les start-up nations comme Singapour ?
Et si en plus, cet avenir allait de pair avec une prise en compte des richesses culturelles françaises et polynésiennes, association de valeurs humanistes centenaires et du sens de l’innovation océanien?
Enfonçons quelques portes ouvertes. Si vous lisez ces quelques lignes, vous faites de toute évidence partie des 2% de précurseurs qui perçoivent, non seulement les potentialités de la blockchain, des cryptos et des écosystèmes associés mais mieux encore, qui sentent qu’il ne s’agit pas simplement d’une énième innovation tech ou d’un effet de mode, mais bien de l’amorce d’un carrefour comparable à l’invention de l’imprimerie, de la machine à vapeur, ou d’Internet.
Nous assistons également à une multiplication exponentielle de ce qu’on nomme les ICOs (Initial Coin Offering), dignes héritières des opérations de crowdfunding des années 2000, et version 2.0 des levées de fonds capitalistiques classiques.
Pour la plus grande inquiétude des entités de financement classique, ces nouvelles méthodes de levées de fonds des start-up remportent un succès ahurissant, permettant à de jeunes pousses de lever des dizaines de millions USD en des temps records.
Tout cela, nous en sommes spectateurs. Mais tout démontre à quel point ce phénomène mondial n’a pas non plus échappé aux gouvernants et aux grandes institutions financières.
Vis-à-vis du grand public, lés éléments de langages déployés ces derniers mois par les banquiers, sont d’un grand classicisme : faire peur et se poser en rempart contre les supposés dangers…
Ainsi, Bitcoin, au même titre que de nombreuses autres cryptos, est régulièrement présenté comme une monnaie de terroristes et de blanchisseurs en série.
Peu importe que ces clichés ne tiennent que difficilement devant la réalité des faits (les terroristes préfèrent Paypal, Western Union et Leetchi.com à la volatilité du Dash… et 99% du blanchiment international passe par le dollar).
Sous l’angle de ce qui nous est présenté comme la nécessaire protection des investisseurs, les banques mettent en garde, “informent” et à l’occasion interdisent ! Il ne s’agirait pas que les investisseurs perdent leurs précieuses économies dans des produits risqués !
Alors bien sûr, si vous êtes un minimum informé, cet “argument” ne manque pas de saveur… (coucou les crises financières diverses et variées du 20ème siècle, jusqu’à celle des subprimes qui aboutiront au renflouement des banques sur fonds publics et à l’apparition…du bitcoin !).
Si les banques jouent une partie perdue d’avance, plusieurs États à travers le Monde ont cependant commencé à discerner à quel point il pouvait être déterminant pour l’avenir de se positionner dès maintenant sur le sujet, tant celui-ci pouvait induire des retombées économiques, mais également géopolitiques et sociales.
Dans cette démarche, lesdites nations ne sont pas nécessairement poussées par des motifs humanistes.
En effet, si nous percevons que la blockchain, au-delà de l’innovation technologique qu’elle représente, est intrinsèquement porteuse de “valeur”: décentralisation, transparence, transversalité, les États sont plus terre-à-terre. Les ICO représentent une manne financière colossale, en constante augmentation: 96 millions USD en 2016, 4 milliards USD en 2017 et ce montant est déjà dépassé pour 2018.
C’est donc actuellement la bousculade pour savoir qui déroulera le plus beau de ses tapis rouges (et la plus légère de ses taxations) afin d’attirer les pépites de demain :
- Malte vient d’accueillir le leader des exchanges, Binance, initialement basé à Hong-Kong. Le cadeau de bienvenue ? Une taxation ultra-light, à hauteur de 5%. Dans le même mouvement, plusieurs autres plateformes s’apprêtent également à devenir “européennes”: Okex, Neufund, The Abyss…
- Fin mars, le Liechtenstein a modifié sa loi et sa réglementation fiscale, la rendant encore plus incitative (challenge difficile, pourtant atteint ! :-). La taxation des ICOs baissera de façon à faciliter les investissements.
- On sait ces territoires réputés pour leur “tolérance” en la matière, mais il se trouve que la Pologne vient également de prendre une série de décisions fortes afin d’attirer les acteurs de la crypto et de la blockchain sur son sol.
And what about France ?
Un gouvernement clairement plus tech-friendly que ses prédécesseurs, ainsi que plusieurs choix d’orientation stratégique récents (on pense au plan Intelligence Artificielle d’1.5 milliard d’euros) permettent d’être optimiste concernant les capacités de la France à se positionner nettement en tête sur le sujet.
Le Ministre des Finances Bruno Lemaire a formulé le souhait que “Paris devienne la capitale des ICO”, rappelant que la France ne saurait rater le virage de la blockchain, au risque de se faire distancer par la concurrence internationale.
Les toutes récentes décisions du Conseil d’État allégeant la fiscalité en matière de trading de cryptomonnaies (ou plutôt “cryptoactifs” selon la terminologie officielle), vont également dans le bon sens.
Cependant, 2 caractéristiques propres à notre beau pays demeure: une fiscalité effrayante, doublée d’un amour immodéré pour les formalités administratives lourdes et sans-fin…
Ainsi, même avec la meilleure des volontés, le chemin permettant de faire de la France un “hub” mondial des ICO s’annonce long et sinueux.
Et pourtant, il existe bien un territoire français, à la fiscalité allégée, où les formalités sont moins complexes (et peuvent le devenir moins encore) et qui présente toutes les qualités pour devenir un leader du secteur.
La Polynésie Française, simple, évident, génial.
La Polynésie Française présente une série de caractéristiques qui la propulse au rang de challenger sérieux pour devenir une capitale mondiale des ICOs, et d’une manière générale, pour les secteurs FinTech.
Pour le plus grand bonheur des investisseurs:
- Économiquement et structurellement stable, notamment grâce à ses liens avec la France. Justice et sécurité sont aux meilleurs standards mondiaux.
- Un statut d’autonomie particulier depuis 2004. Le territoire jouit d’importants pouvoirs concernant le réglementaire et le fiscal. Le gouvernement peux ainsi promulguer des “Lois de Pays” à destination des investisseurs. Pour le moment, ces outils sont essentiellement utilisés par la Chine.
- Une fiscalité douce, pas d’impôt sur le revenu, imposition des entreprises inférieure à la moyenne (il s’agit du pendant du peu d’aides sociales existantes).
- Ces 2 dernières années, de nombreuses start-ups sont nées ou se sont installées à Tahiti, attirées par les infrastructures locales (une Direction Générale de l’Economie Numérique — DGEN proactive, des incubateurs locaux, des formations N-tech, tel Poly3D… ), ainsi que l’exploitation des potentialités du “follow the sun” (à Tahiti, on travaille pendant que tout le monde dort). La société Blue Frontiers est emblématique de ce mouvement de fond. Cette start-up, basée à Singapour, serait heureuse de s’installer en Polynésie, territoire naturel pour développer ses projets.
- La connectivité Internet via le câble sous-marin Gondwana est moderne (et sera fiabilisée un peu plus encore avec le deuxième câble, fin-2018).
Une opportunité économique inédite pour la Polynésie.
A l’issue de la crise économique mondiale des subprimes (encore merci les banques… ), la Polynésie a connu 10 ans de marasme.
Aujourd’hui encore, le taux de chômage des jeunes reste élevé et les perspectives de carrière bien peu attrayantes…Pour autant, les fondamentaux redeviennent sains (taux de croissance, dette publique… ); et une certaine stabilité politique permet d’avoir confiance en l’avenir.
Cependant les sources de revenus emblématiques (exportation de perles noires, de monoï, tourisme, pour ne citer que les principales) sont mécaniquement limitées par l’enclavement et l’éloignement de ces îles paradisiaques perdues au milieu du Pacifique.
Les Polynésiens sont à juste titre réputés pour leur tempérament d’explorateurs et se projettent dans l’innovation, tout en gardant le regard tourné vers leur “Fenua” (“la maison”). La jeune génération est cependant contrainte à l’exil afin de mener carrière dans d’autres branches que l’accueil de touristes et la récolte de coprah. On retrouve ces jeunes polynésiens en Australie, aux Etats-Unis, au Canada, où certains œuvrent d’ailleurs dans les nouvelles technologies.
Mettre en place en Polynésie un cadre propice à l’organisation d’ICOs serait d’une simplicité enfantine (nul besoin d’infrastructures lourdes, d’investissements coûteux… ) et comblerait une demande récurrente émanant de centaines d’organisateurs d’ICOs à travers le monde.
Les organisateurs d’ICOs en recherche de crédibilité.
Le temps est à la régulation et à la volonté des autorités d’imposer des standards et des cadres.
Ça tombe bien: les ICOs sérieuses sont également en forte demande de cadres nouveaux permettant aux projets sérieux de se démarquer de la trop large proportion d’escroqueries actuelle (on rappellera que des chiffres alarmants circulent évoquant un effrayant taux d’escroquerie/faillite/échec de près de 80% dans le domaine en 2017). À ce titre, nombreuses sont les sociétés prêtes à concéder une partie de leur liberté d’action et de leurs bénéfices, en contrepartie d’une légitimité internationale.
La mise en place d’un contexte propice aux ICOs en Polynésie serait d’une confondante facilité et aurait nombre de répercussions positives, à la fois sur l’économie et la place du Territoire dans le Monde, mais également sur le rayonnement français dans la région (notre mère patrie est très présente dans le Pacifique Sud avec la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie, et Wallis et Futuna).
Après la “French Tech”, pourquoi pas le label “French ICO”?
Au-delà des retombées fiscales évidentes (on rappellera qu’en 2018, entre 3 et 8 ICOs nouvelles apparaissent chaque jour), une des conséquences immédiates localement sera l’apparition d’un nouveau secteur économique structuré autour de l’accueil et de l’assistance aux ICOs : fiscalistes, cabinets de conseil, assistance administrative…Sans compter les projets qui pourront se développer directement en Polynésie et y devenir pérennes.
La mise en place d’un “parcours d’immatriculation”, structuré autour d’étapes administratives, bancaires et fiscales, à la fois souples et rigoureuses, serait de nature à permettre une certification “French ICO”, propre à garantir le sérieux du projet et rassurer les investisseurs (adieu les ICOs aux “teams” fantômes et aux white papers contrefaits !).
Des résultats immédiats
Dans le petit monde de la blockchain, (quelques centaines d’influenceurs et de leaders, suivis religieusement par la communauté ), Tahiti tient déjà une place à part.
Nombre d’investisseurs de la Silicon Valley apprécient de passer du temps en Polynésie (on les comprend!), et ces 2 dernières années ont ainsi vu beaucoup de membres de cette communauté s’intéresser de plus près au Fenua.
Cet intérêt s’est notamment cristallisé autour d’un projet d’îles flottantes I-Tech, et plus particulièrement de son architecture blockchain, associée au token Varyon. Ce projet à lui seul a généré un focus international qu’il serait dommage de ne pas valoriser.
Dans ce domaine où tout le monde se connait, et où “la hype” peux signer le succès triomphal d’un projet ou sa relégation en division d’honneur, un tweet de Vitalik Buterin vaut une campagne de com’ à plusieurs millions de dollars…
Sur ce sujet, quelques décisions tactiques et aménagements réglementaires, fruit d’un minimum de coordination entre Paris et Papeete, une communication efficace de notre Président et Start-upper en chef, pourraient être suffisants pour enclencher une mécanique, aboutissant en quelques mois, à l’organisation des premières ICOs polynésiennes !
Enfin, pour les entrepreneurs métropolitains, quelle opportunité hors du commun que de pouvoir venir s’immerger dans un secteur en pleine effervescence, tout en bénéficiant de l’environnement paradisiaque de la Polynésie!
Paradoxalement, c’est peut-être en prenant 15 000 kms de recul que la France pourra réellement prendre sa juste place dans la révolution mondiale que la blockchain nous promet.
Sources : Bloomberg ; Cointelegraph ; Linkedin ; Futura Sciences ; Capital ; LeMonde ; Tahiti.infos || images from Shutterstock.com