Comprendre Ethereum en 10 questions

Chapitre II Article a

Après avoir expliqué en long et en large la proposition de valeur de Bitcoin, ses enjeux et son fonctionnement, place à son dauphin... Ethereum ! Expliquer précisément ce qu'est Ethereum est certainement voué à l'échec, tant son développement est rapide et son architecture complexe. Par ailleurs, ses usages potentiels sont constamment redéfinis et élargis, tandis que les innovations se multiplient sur son réseau.

À travers 10 grandes questions d'ordre général, nous allons malgré tout tenter d'appréhender au mieux ce que représente le réseau mondial décentralisé qu'est Ethereum. Alors, prêt à découvrir ce second Chapitre de l'Encyclopédie du Coin ? C'est parti !

1. Qu'est-ce qu'Ethereum ?

Comme précisé dans le white paper (livre blanc) d'Ethereum publié en 2013, Ethereum est une plateforme d'applications décentralisées et de contrats intelligents de nouvelle génération.

Son but est d'offrir une sorte d'ordinateur mondial virtuel, décentralisée, sécurisé, évolutif et non censurable, utilisable par tous.

Concrètement, il s'agit d'un réseau fonctionnant de pair à pair, à structure horizontale, ne nécessitant aucune permission pour être utilisé, et sans besoin d'une entité centrale pour garantir la confiance en son sein. Ce réseau est constitué d'un type de registre distribué appelé blockchain, permettant un horodatage des transactions et garantissant in fine l'impossibilité de double dépense.

Ne paniquez pas face à tout ce jargon ! Si tous les éléments évoqués dans le paragraphe ci-dessus ne vous sont pas familiers, n'oubliez pas que cet article fait office d'introduction. Nous vous invitons à consulter l'ensemble du Chapitre consacré à Ethereum mais aussi le premier de cette Encyclopédie dédié à Bitcoin. De nombreuses notions y sont abordées de façon progressive au sein des divers articles. Vous pouvez aussi suivre les liens hypertextes qui envoient directement à certains articles plus exhaustifs.

Comme nous le verrons dans l'article suivant, Ethereum n’a pas été créé dans le but de servir de monnaie et de concurrencer ou de remplacer Bitcoin. L'idée lors de sa conception était d'en faire la blockchain idéale pour développer des smart contracts (contrats intelligents).

Pour se faire, Ethereum intègre un langage de programmation Turing-complet ad hoc nommé Solidity. Développé par Gavin Wood, il permet à toutes et à tous de rédiger des smart contracts (et donc des applications décentralisées) de façon beaucoup plus simple et poussée qu'avec un langage non Turing-complet ne prenant pas en charge les boucles, comme c'est par exemple le cas du langage Script de Bitcoin.

Si elle a été prototypée dès 2013, la blockchain Ethereum n'a vu le jour qu'en 2015, le 30 juillet, avec la création du premier bloc du registre nommé « Genesis Block ». Elle a depuis bien évolué et fait ses preuves en termes d'utilité et de sécurité, et n'a encore jamais connu d'arrêt jusqu'à présent.

Enfin, le réseau est dénommé Ethereum, tandis que le jeton natif de ce réseau est l'ether, dont le sigle est ETH. Son créateur a bien entendu fait une analogie avec le concept d'éther, anciennement décrit par les physiciens et maintenant désuet, correspondant à un fluide remplissant les espaces situés au-delà de l'atmosphère terrestre.

Contrairement au BTC, les ETH n'ont pas vocation à servir de monnaie, mais sont utilisés pour payer les frais de gas (frais servant à payer les transactions et à exécuter les contrats intelligents) et à sécuriser la blockchain via la preuve d'enjeu.

Logo d'Ethereum
Logo d'Ethereum

2. Qui a créé Ethereum ?

Contrairement au mystérieux créateur de Bitcoin Satoshi Nakamoto, le jeune génie à l'origine d'Ethereum n'est pas anonyme et jouit même d'une grande notoriété. Il s'agit de Vitalik Buterin, un informaticien russo-canadien né en 1994.

Passionné par Bitcoin dès 2011, il s'implique largement dans la communauté et affûte ses compétences et sa compréhension de la technologie qui y est associée. Au fil du temps, il imagine plusieurs évolutions qui pourraient démultiplier les possibilités offertes par Bitcoin. Il les propose à la communauté mais se heurte au conservatisme des défenseurs des valeurs originelles de Satoshi. Il tente aussi sa chance auprès de Mastercoin et Colored Coin qui ne se montrent pas intéressés non plus.

Ne souhaitant pas attendre des lustres que la communauté accepte ses idées, il décide de créer lui-même une blockchain qui permettrait de faire ce dont il a envie : créer facilement des applications décentralisées et des contrats intelligents à l'aide d'un langage de programmation Turing-complet.

Il rédige alors un livre blanc dans lequel il détaille son projet et les possibilités qu'offrirait sa réalisation. Ce dernier est publié en décembre 2013 et démontre que Vitalik a alors une très bonne connaissance de Bitcoin ainsi qu'une vision claire de ce que pourrait permettre Ethereum. Les plus curieux d'entre vous peuvent consulter sa traduction française ici, qui vaut la peine d'être lue.

Le white paper ne manque pas d'intéresser rapidement du monde, et Vitalik monte une équipe de 7 personnes pour l'aider à concrétiser ses idées. Ainsi, dès 2014, Mihai Alisie, Charles Hoskinson, Gavin Wood, Joseph Lubin, Amir Chetrit, Jeffrey Wilke et Anthony Di Iorio se joignent à Buterin et commencent à plancher sur Ethereum. Vous trouverez plus d'informations sur chacun d'entre eux et sur leurs rôles respectifs dans l'article suivant.

Ensemble, ils créent la fondation Ethereum et réalisent une Initial Coin Offering (ICO) pour lever des fonds et financer le projet. Ils réunissent alors 31 591 bitcoins, soit l’équivalent d’environ 18 millions de dollars à l’époque.

Cet argent et leur travail permettent de lancer Ethereum en quelques mois seulement, et le premier bloc est créé le 30 juillet 2015.

L'équipe des cofondateurs ne restera cependant pas très longtemps unie. Recrutés « à la va vite » par Vitalik pour leurs connaissances, leurs compétences et leur motivation, celui-ci avait oublié de prendre en compte leurs personnalités et de s'assurer qu'ils partageaient les mêmes ambitions pour Ethereum.

Tous doués dans leurs domaines mais ayant des visions parfois opposées, ils ne parviendront pas à s'entendre et prendront chacun leur tour des distances avec leur création. Ils restent cependant la plupart du temps actifs dans l'univers de la blockchain et des cryptomonnaies.

Heureusement, Ethereum a été conçu pour être décentralisé et n'a pas besoin de ses créateurs pour fonctionner, comme vous le verrez dans les lignes ci-dessous.

Vitalik Buterin, fondateur d'Ethereum
Vitalik Buterin, fondateur d'Ethereum

3. Comment fonctionne Ethereum ?

La gouvernance

Comme nous l'avons vu dans la question 1, Ethereum est un réseau fonctionnant de pair à pair n'ayant pas besoin d'une entité centrale pour garantir la confiance en son sein. L'une de ses qualités est d'être évolutif.

Techniquement, le fonctionnement d'Ethereum n'a cessé d'évoluer depuis son lancement et devrait continuer de le faire. En effet, Vitalik et les membres de la fondation Ethereum ont une vision à long terme. Ils ont anticipé de nombreuses choses depuis le lancement du projet, et ont planifié plusieurs étapes pour parvenir à la version finale du réseau. Si la route peut paraître toute tracée, elle reste cependant susceptible d'être modifiée selon le bon vouloir de la communauté.

En effet, n'ayant pas d'entité centrale permettant de donner des instructions et de prendre des décisions concernant l'évolution de la blockchain, Ethereum fonctionne selon un modèle de gouvernance décentralisée. Si cela ne prend pas exactement la forme d'un jeton de gouvernance comme certains autres projets, toute personne ayant accès à Internet peut ainsi proposer des modifications du protocole ou participer aux discussions.

Les modifications de protocole fonctionnent via l'émission puis l'adoption d'EIP (Ethereum Improvement Proposals), à l'instar de ce qui se passe sur Bitcoin avec les BIP. N'importe qui peut créer une EIP, à condition de suivre le standard de présentation des idées qu'elle apporte.

La gouvernance a lieu off-chain, c'est-à-dire en dehors de la blockchain elle-même. De nombreux acteurs sont impliqués, avec un poids variable dans le processus de prise de décision selon la proximité avec le protocole : les développeurs de protocoles, les validateurs, les auteurs des EIPs, les opérateurs de nœuds, les développeurs d'applications, et enfin les utilisateurs d'applications et détenteurs d'ETH.

Le mécanisme de consensus

À l'origine, Ethereum fonctionnait selon les mêmes principes que ceux régissant la blockchain Bitcoin : un mécanisme de preuve de travail (Proof of Work ou PoW) nécessitant de la puissance informatique afin de garantir l'imprédictibilité du prochain acteur en charge d'intégrer un bloc, associé à la règle selon laquelle la chaîne ayant accumulé le plus de travail fait foi. Tout ceci permettant d'arriver à un consensus quant à l'historique des transactions effectuées sur le réseau, sans nécessité de faire confiance aux autres utilisateurs.

Depuis le 15 septembre 2022, la très attendue mise à jour « The Merge » a modifié son mécanisme de consensus, ou plus précisément la méthode permettant de sélectionner le nœud en charge de l’intégration du prochain bloc de la chaîne. Ce dernier a alors évolué vers la preuve d’enjeu (Proof of Stake, ou PoS).

Le mécanisme de preuve d'enjeu consiste à sélectionner aléatoirement le valideur chargé de l'intégration du prochain bloc à la chaîne, avec une probabilité d'être sélectionné proportionnelle au nombre de jetons du protocole immobilisés (ou stakés). Il s'agit sans équivoque d'un changement de paradigme majeur, notamment concernant la dépense énergétique nécessaire au bon fonctionnement du réseau. En effet, la consommation énergétique d'Ethereum a été diminuée par 99,9 % depuis cette transition.

Tout comme les mineurs sur le réseau Bitcoin qui reçoivent des BTC fraîchement émis lors de l'intégration de chaque nouveau bloc, les validateurs sur Ethereum ont une incitation financière à participer au bon fonctionnement du réseau. Un mécanisme de pénalité (slashing) en cas de mauvaise conduite est prévu, et permet de s'assurer que chacun ait plus à gagner en faisant correctement son travail qu'en voulant nuire au réseau. La blockchain Ethereum fournit ainsi une incitation robuste à participer de façon loyale au réseau.

La machine virtuelle d'Ethereum

Pour faire fonctionner ses contrats intelligents et le reste des transactions sur le réseau, Ethereum s'appuie sur une machine virtuelle : l'EVM (Ethereum Virtual Machine).

Une machine virtuelle est l'équivalent d'une machine physique (ordinateur, smartphone, serveur, etc.) mais qui n'est pas tangible et qui existe uniquement sous forme de code informatique.

L'EVM est donc un ordinateur virtuel qui modifie l'état de la blockchain en fonction des transactions qui y ont lieu et des opérations engendrées par les contrats intelligents qui y sont codés. L'EVM est décentralisé et fonctionne sur des milliers d'ordinateurs physiques en même temps, qui exécutent tous les mêmes transactions et stockent les mêmes programmes (les contrats intelligents). Cela signifie qu'en théorie, les applications qui sont déployées ne peuvent ni être supprimées, ni être censurées.

Pour éviter les boucles infinies, chaque opération exécutée par l'EVM à un coût, à payer en ether.

Quiconque payent les frais correspondant peut interagir avec la blockchain par le bais de l'EVM, pour créer ou exécuter un smart contract ou une transaction. En d'autres termes, n'importe qui, n'importe où, peut créer et utiliser des applications qui ne peuvent pas être mises hors ligne.

4. Quelle est la proposition de valeur d’Ethereum ?

Nous l'avons déjà évoqué précédemment, Ethereum n'a pas pour vocation première à servir de monnaie ou de réserve de valeur, contrairement au Bitcoin. Le réseau partage néanmoins certaines caractéristiques avec la première des blockchains.

Il offre en effet la même transparence qui rend toutes les transactions et les contrats intelligents déployés sur Ethereum vérifiables par quiconque. Le réseau est aussi décentralisé afin de ne pas être sensible à la censure (nous verrons dans cet article que la preuve d'enjeu peut être un risque pour la décentralisation).

Ethereum a été créé pour pouvoir y déployer des contrats intelligents, capables de s'exécuter automatiquement sur un réseau décentralisé. Et les possibilités sont quasiment infinies, ce qui en fait un véritable nid à innovation.

Bien que déjà beaucoup plus avancés que lors de la parution du livre blanc, il nous est encore difficile d'imaginer aujourd'hui toutes les applications qui pourront voir le jour dans le futur grâce à ces smart contracts. Néanmoins, plusieurs secteurs semblent très prometteurs et attirent particulièrement l'attention des développeurs et du public :

  • La finance décentralisée : la finance décentralisée ou DeFi est le secteur qui s'est le plus développé sur le réseau. Plateformes d'échange décentralisées incluant des produits dérivés, plateformes de prêt et emprunt, développement de jetons adossés aux monnaies fiat voire à certaines matières premières... Les possibilités sont infinies, les protocoles toujours perfectibles, et les améliorations du réseau (notamment les layers 2 et les portefeuilles toujours plus simples à prendre en main) démocratisent l'utilisation de cette nouvelle finance. Vous trouverez une introduction à ce monde en pleine expansion dans l'un des articles de ce Chapitre ;
  • Les NFT : les NFT (Non Fungible Tokens) sont, comme leur nom l'indique, des jetons non fongibles. Cela signifie qu'ils ne sont pas interchangeables contrairement à des jetons comme l'ether. Ils possèdent des caractéristiques qui leur sont propres et les rendent distinguables les uns des autres. Ils permettent un nouveau type de propriété numérique traçable. Ils ont des cas d'usage très variés servant aussi bien de support à l'art numérique, qu'à la représentation de part de biens immobiliers du monde réel (RWA), en passant par la représentation d'objet de jeux vidéo, de diplômes, etc. Là encore, nous nous pencherons plus en détail sur le sujet dans l'un des articles de ce Chapitre ;
  • La tokenisation : Ethereum a également ouvert la porte à la tokenisation des actifs physiques ou des droits réels (Real World Assets ou RWA). Le premier exemple est l'apparition des stablecoins, représentation « blockchainisée » du dollar, de l'euro et autres monnaies fiat. Mais les possibilités offertes par la tokenisation sont infinies, de l'immobilier aux œuvres d'art en passant par les titres financiers traditionnels. En transformant ces actifs en tokens sur Ethereum, il devient par exemple possible de fractionnaliser la propriété, augmentant ainsi la liquidité et l'accessibilité de ces actifs. La tokenisation sur Ethereum permet non seulement de rendre ces actifs plus accessibles mais aussi de les intégrer dans des systèmes financiers plus larges comme la DeFi, où ils peuvent servir de collatéral pour des prêts ou être utilisés dans des stratégies d'investissement complexes ;
  • Les organisations autonomes décentralisées (DAO) : elles ont suscité énormément d'engouement ces dernières années, probablement moins ces derniers mois. En cause, la difficulté à structurer une telle organisation afin de la rendre efficiente. Il est aussi remis en question l'aspect démocratique d'une telle structure dans laquelle la puissance de vote est proportionnelle au nombre de jetons détenus. Le concept de « communauté autonome décentralisée », attribuant à tous les membres une part égale dans la prise de décision, peut s'avérer pertinent dans certaines situations ;
  • Le gaming et le métavers : Ethereum et ses layers 2 ont permis de créer une nouvelle génération de jeux vidéo. Les joueurs peuvent être réellement propriétaires de leurs actifs au sein du jeu grâce aux NFT. Certains jeux permettent de gagner des jetons pouvant ensuite être échangés contre de l'argent ou d'autres biens. Bien que très en retard par rapport à ce que proposent les jeux traditionnels en termes de graphismes et d'expérience utilisateur, les possibilités offertes par le Web3, Ethereum et ses layers 2 ouvrent de nouvelles portes et devraient attirer de plus en plus de joueurs et d'éditeurs ;
  • L'identité numérique : Ethereum peut servir de support pour des systèmes d'identification numériques. Il est possible de mettre en place des systèmes complexes, stockant de nombreuses informations (une identité, un CV, un numéro de compte bancaire, un numéro de sécurité sociale, etc.) que l'utilisateur a le choix de rendre public ou non. Il est aussi possible d'utiliser le réseau pour des utilisations plus simples, comme par exemple remplacer les mots de passes pour accéder à certains services ;
  • La traçabilité des produits : la blockchain peut être utilisée pour tracer et suivre des produits, notamment grâce à sa transparence et aux NFT ;
  • La SocialFi : de plus en plus en vogue, la SocialFi est un diminutif de Social Finance. Il s'agit d'utiliser les possibilités offertes par Ethereum et les NFT pour monétiser et assurer la propriété de contenus publiés sur des réseaux sociaux Web3 ;
  • La DeSci : contraction de Decentralized Science, la DeSci se rapproche de la SocialFi mais pour des projets à teneur scientifique. La transparence, la résistance à la censure et l'accessibilité de la blockchain, rendent possible des collaborations internationales ouvertes à tous, tant pour participer aux travaux que pour les consulter.

Nous vous présenterons davantage les cas d'usage d'Ethereum dans un prochain article de ce Chapitre de l'Encyclopédie du Coin.

5. Ethereum est-il sécurisé ?

Seule l'épreuve du temps nous permettra de répondre avec certitude à cette question. Cependant, jusqu'à présent, Ethereum a réussi à résister aux attaques dont il est la cible.

En effet, même si le preuve d'enjeu doit encore faire ses preuves face à la preuve de travail concernant la sécurité offerte, Ethereum semble pour l'instant avoir relevé le challenge de la transition avec brio.

Les attaques qu'il est possible d'effectuer sur le réseau permettent d'obtenir 3 types de résultats :

  • Un délai de finalité : il s'agit de retarder la soumission ou la validation d'un bloc. Elles n'apportent aucun gain financier à l'attaquant mais peuvent porter atteinte à la confiance des utilisateurs dans le réseau, notamment si elles sont répétées ;
  • La réorganisation de l'ordre des derniers blocs : ceci pourrait permettre d'effectuer une double dépense, et d'annuler ou d'ajouter des transactions ;
  • Une double finalité : la validation de 2 blocs en même temps conduirait à un fork de la blockchain, nécessitant une discussion off-chain pour décider de la chaîne à considérer comme la principale ;

Leurs probabilités d'aboutir restent assez faibles en raison des fonds importants qu'ils faudraient pour les mettre à exécution. En effet, pour attaquer le réseau avec une chance de réussir à le perturber, il faudrait que l'acteur malveillant détienne au minimum 33 % de tous les ETH stakés. Et pour que les résultats soient définitifs, il lui faudrait 66 % des ETH stakés.

La décentralisation est donc une préoccupation majeure concernant la sécurité du réseau. Le risque est largement identifié et Vitalik Buterin a déjà tiré la sonnette d'alarme plusieurs fois à ce sujet, d'autant plus que depuis l'arrivée du staking liquide, le protocole Lido gère à lui seul environ 30,5 % de tous les ethers stakés.

Répartition des ETH déposés en staking
Répartition des ETH déposés en staking

L'autre préoccupation principale depuis le passage à la preuve d'enjeu concerne la censure.

Elle a surgi après la sortie de MEV-boost (Maximal Extractable Value-boost), implémentation de la « Proposer-Builder Separation » (PBS) développée par Flashbot. Concrètement, MEV-boost permet aux valideurs l'utilisant de maximiser leurs revenus en vendant l'espace de stockage dédié à la construction des blocs aux constructeurs de blocs, séparés des valideurs proposant les blocs, dans le cadre de la PBS.

Pas de panique si vous ne comprenez pas ce charabia à ce stade ! Retenez simplement que l'utilisation massive des solutions MEV, pour la plupart américaines, a conduit à une censure importante : une majorité des blocs produits ne contenaient pas les transactions que le gouvernement américain souhaitait bloquer.

Malgré cette censure effective sur le choix des transactions, le réseau reste pour le moment exempt de toute censure réelle. En effet, les transactions non conformes sont rejetées uniquement par les valideurs utilisant une solution MEV américaine. Une transaction censurée devra donc simplement attendre d'être validée dans un bloc opéré par un autre valideur.

Attention à ne pas confondre la sécurité du réseau lui-même et celle des protocoles qui y sont déployés. Ces derniers dépendent en effet de la qualité des smart contracts sur lesquels ils reposent, et une simple erreur de code peut être fatale.

L'importance des fonds qui y sont engagés en font la cible privilégiée des hackeurs, à l'affût de la moindre faille, qu'ils réussissent encore malheureusement fréquemment à exploiter pour voler des jetons. À titre d'exemple, au troisieme trimestre 2023, il y a eu 35 hacks recensés sur des protocoles déployés sur Ethereum (sur 76 dans tout l'univers crypto), représentant environ 600 millions de dollars de cryptomonnaies volés.

Vous trouverez plus d'informations sur les différentes attaques possibles et leurs parades dans cet article de l'Encyclopédie du Coin.

6. Ethereum est-il un réseau anonyme ?

Tout comme la grande majorité des blockchains existantes actuellement, Ethereum est considéré comme pseudonyme en raison de la façon dont les transactions et les comptes sont gérés sur son réseau.

Comme pour Bitcoin, les utilisateurs interagissent avec le réseau via des adresses, qui sont des chaînes de caractères générées de manière aléatoire. Ces adresses n'ont aucun lien avec l’identité réelle de l'utilisateur, et deviennent donc ses pseudonymes (un utilisateur peut avoir plusieurs adresses).

Cependant, toutes les transactions effectuées sur le réseau Ethereum sont enregistrées et peuvent être consultées par n'importe qui. Il est donc très facile de tracer l'activité d'une adresse, et de savoir exactement quelles transactions elle a effectué, à quels moments et avec quelles autres adresses.

Cela signifie que si une adresse interagit ne serait-ce qu'une seule fois avec un service lié à l'identité d'un utilisateur, il devient possible d'opérer un rapprochement entre les deux. C'est par exemple le cas à partir du moment où elle interagit avec une plateforme d'échange centralisée demandant de passer une procédure Know Your Customer (KYC). Ceci peut aussi être le cas pour les utilisateurs de Metamask, portefeuille qui peut enregistrer l'adresse IP de ceux qui s'en servent pour effectuer des transactions.

Il est tout de même possible d'utiliser le réseau en restant complètement pseudonyme, mais ceci demande de faire preuve de vigilance pour ne pas laisser de traces.

Pour aller plus loin, certains services axés sur la vie privée ont aussi vu le jour, permettant de briser le lien qui existe entre l'adresse du destinataire et celle de l'émetteur d'une transaction, rendant ainsi les transactions impossibles à tracer. C'est le cas de Tornado Cash qui permet d'effectuer des paiements anonymes, en brouillant la provenance des transactions sur le réseau en mélangeant les jetons avec ceux d'autres utilisateurs.

Malheureusement, l'anonymat à tendance à déplaire à ceux qui nous gouvernent. Les développeurs du protocole en ont fait les frais, car, bien que n'ayant rien fait d'illégal, ils sont actuellement en détention et en attente de leur jugement pour avoir développé un tel outil.

7. Combien y a-t-il d’ethers et comment sont-ils créés ?

Tout comme le mécanisme de consensus choisi par Ethereum, le nombre d'ethers en circulation et la manière dont ils sont émis ou détruits ont évolué avec le temps.

Les créateurs du réseau ont commencé par « pré-miner » 72 millions d'ETH. En effet, contrairement à la blockchain Bitcoin dont le premier jeton fut miné de la même manière que tous ceux qui suivirent, Ethereum a eu recours à cette méthode dans le but de vendre une partie de ces jetons pour financer les recherches ultérieures. C'est ainsi que l'ICO d'Ethereum en 2014 a permis de vendre 60 millions de « futurs ETH ».

Depuis, les nouveaux ETH sont créés par le protocole, pour payer ceux qui lui permettent de fonctionner : les valideurs, anciennement les mineurs.

À ses débuts, l'ether était largement inflationniste, de nouveaux jetons étant distribués aux mineurs en échange de leur travail en plus des frais de transactions payés par les utilisateurs (comme pour Bitcoin, mais sans mécanisme de halving).

En août 2021, une mise à jour appelée EIP-1559 a introduit un mécanisme de « burn » des frais de transactions, ce qui a contribué à réduire cette inflation qui était de l'ordre de 2 à 4 % par an. Au lieu d'être redistribués aux mineurs, les ETH servant à payer les frais sont depuis détruits.

Enfin, le passage à la preuve d'enjeu, a réduit les récompenses à distribuer au valideurs, ces derniers ayant beaucoup moins d'énergie à dépenser (donc de frais) pour faire leur travail qu'avec la preuve de travail. En moyenne, depuis The Merge, le nombre d'ethers émis est inférieur au nombre d'ethers détruits, en faisant ainsi un jeton déflationniste.

Cette déflation n'est cependant peut-être pas définitive, car elle dépend de l'utilisation du réseau et des frais payés par les utilisateurs : plus les frais sont élevés, plus le nombre de jetons brûlés sera important.

Il y a aujourd'hui environ 120 millions de tokens au total et aucune limite n'est fixée quant à la quantité d’ETH en circulation, contrairement aux BTC qui ne seront jamais plus de 21 millions.

Vous pouvez vous reporter à cet article pour plus d'informations concernant les tokenomics de l'ether.

Nombre d'ethers en circulation
Nombre d'ethers en circulation

8. Comment le prix de l’ether est-il fixé ?

Tout comme la grande majorité des actifs existants, le prix de l'ether est fixé en fonction de l'offre et de la demande. Lorsque la demande est plus importante que l'offre, le prix de l'ETH monte, et inversement.

Il est très difficile de prédire l'évolution du prix de l'ETH, tant le marché subit l'influence de nombreux facteurs. Les actualités économiques, politiques, géopolitiques, réglementaires ou technologiques peuvent avoir un impact sur le comportement des détenteurs de jetons et des investisseurs.

Quoi qu'il en soit, force est de constater que depuis son lancement la tendance de fond est largement haussière, mais que le prix reste très volatil, pouvant enregistrer des variations de plusieurs dizaines de pourcents en quelques heures seulement.

Évolution du cours de l'ETH depuis 2016 en échelle logarithmique
Évolution du cours de l'ETH depuis 2016 en échelle logarithmique

À l’heure actuelle, l'ETH a atteint un prix record à 4 858 dollars en novembre 2021, alors qu'il était vendu à 0,31 dollars lors de l'ICO, 7 ans plus tôt. Contrairement au BTC qui a enregistré nouveau record en 2024, l'ether n'a pas (encore ?) réussi à revenir à ce niveau.

9. Quelles sont les perspectives d’avenir d’Ethereum ?

L'avenir d'Ethereum dépend lui aussi de différents facteurs, dont les contextes législatifs, politiques, sociaux et économiques mondiaux. Tous peuvent avoir des conséquences aussi bien favorables que désastreuses pour la blockchain de Vitalik.

Du point de vue technologique, de nombreuses améliorations sont déjà prévues pour le réseau et devraient être mises en place au fil des années à venir. Sans entrer dans les détails que vous pourrez trouver dans cet article, il est prévu qu'Ethereum deviennent plus scalable, tout en conservant ses propriétés maîtresses que sont l'évolutivité, la sécurité et la décentralisation.

L'équipe à une vision à long terme puisqu'elle prévoit que les dix années à venir seront essentiellement consacrées à l’amélioration de l’écosystème au niveau de l’utilisateur.

Ainsi plusieurs innovations devraient permettre d'attirer un public toujours plus large, avec notamment l'arrivée de l'abstraction de compte (plus besoin de conserver de seed phrase), des SoulBound Tokens et des Token Bound Accounts (des nouveaux types de NFT offrant davantage de possibilités).

Enfin, de plus en plus d'applications devraient voir le jour, notamment dans les secteurs évoqués dans la question numéro 4.

Concernant les scénarios défavorables à Ethereum, il est possible qu'une blockchain concurrente, plus performante et plus sécurisée, vienne prendre sa place, même si le contexte global est favorable pour soutenir son développement.

Une défaillance technique pourrait aussi amener les utilisateurs à se détourner d'Ethereum. Pour finir, la délégation du staking pourrait continuer à amplifier la centralisation du réseau, portant ainsi atteinte aux propriétés fondamentales qui en font sa valeur.

10. Quelles sont les différences entre Ethereum et les autres blockchains ?

Nous avons déjà évoqué la différence fondamentale entre Ethereum et Bitcoin dans cet article : le réseau n'a pas été conçu pour être un système d'échange de cash électronique de pair à pair. Même si cela serait possible, la tokenomics de l'ether le rend moins susceptible d'exercer le rôle de réserve de valeur que le BTC, bien que cette affirmation soit moins vraie depuis l'introduction de l'EIP-1559.

Ethereum est un ordinateur mondial capable d'accueillir et de faire fonctionner des applications décentralisées et des contrats intelligents, sur lequel repose tout un écosystème.

La liste des autres blockchains présentes sur le marché est tellement longue qu'il est impossible de les comparer une à une avec Ethereum. Certaines tentent de copier la proposition de valeur d'Ethereum en faisant mieux, d'autres s'appuient sur ses forces pour pallier à ses faiblesses (les layers 2), tandis que d'autres ont des objectifs complètement différents.

Ethereum se distingue notamment de ses concurrentes de par son ancienneté (8 ans, c'est vieux dans le monde des cryptos...), et du fait de l'importance de l'écosystème qui repose dessus, et de la taille de la communauté qui y travaille.

Les autres différences peuvent être d'ordre techniques, allant du mécanisme de consensus utilisé à la structure même de la blockchain, en passant par les langages de programmation utilisés, la tokenomics, la manière dont est géré le projet, etc.

Lors du bullrun de 2021, de nombreux projets ont été qualifiés d' « Ethereum Killer » car ils annonçaient offrir au moins autant de possibilités que l'original tout en palliant à ses inconvénients (notamment en termes de scalabilité). Nous pouvons citer par exemple Avalanche, l'écosystème Cosmos, Polkadot ou encore Solana. Si tous présentent des avantages certains, aucun n’a cependant encore réussi à atteindre l'importance d'Ethereum.

De plus en plus de layers 2 avec des technologies variées se développent sur Ethereum, renforçant encore l'écosystème et l'utilité de la blockchain sous-jacente.

Ainsi s'achève ce court voyage dans l'univers d'Ethereum, dont la profondeur ne cesse de croître. Pour aller plus loin dans la découverte de cet ordinateur mondial décentralisé, nous vous invitons à passer à l'article suivant, dans lequel nous vous présenterons plus en détail les fondements qui ont conduit à sa création ainsi que ses cofondateurs.