Chroniques du Capital risque crypto #5 Épisode spécial NFT
Le point sur le capital – Les projets cryptos ne se financent pas forcément en vendant des tokens, et heureusement. Après la mania des ICO de 2017, nombre d’entrepreneurs sont revenus aux bases du financement des start-ups: le capital-risque – ou venture capital.
Dans « Les Chroniques du Capital-Risque », nous vous présentons un condensé des temps forts, de l’actualité et des mouvements de fonds du capital-risque dans le secteur des actifs numériques.
Pour ce cinquième chapitre, découvrez un focus sur les jetons non fongibles (NFT) et le capital-risque, les plus importantes levées de fonds du secteur des NFT et les nouveaux fonds spécialisés dans les investissements au sein du metaverse.
L’engouement généralisé pour les NFT, nouvelle mode ou phénomène durable ?
Les NFT ont fait irruption sur le marché en 2017 avec la sortie du jeu blockchain Cryptokitties. Sur cette application décentralisée, les joueurs pouvaient collectionner et élever des chats numériques. L’engouement pour cette première itération des NFT à collectionner fut tel que le réseau Ethereum est devenu quasiment inutilisable pendant plusieurs jours.
Au même titre que la finance décentralisée, les NFT sont maintenant perçus comme la nouvelle frontière de la cryptosphère. Depuis 2020, nous assistons à l’émergence d’un écosystème complet basé autour des NFT, places de marché, galeries d’art virtuelles, organismes de certification des NFT, etc.
L’été 2021 fut celui de tous les records pour les NFT. En effet, nous avons assisté à des ventes records pour les CryptoPunk, les diverses formes de singes numériques (Degen APE, The Bored Ape Yacht Club, etc.) et bien d’autres œuvres d’art numériques.
Le résultat de cette frénésie d’achat d’art numérique ? Le secteur des NFT a enregistré plus de 3 milliards de dollars de ventes en août 2021.
Cet engouement sans précédent n’est pas passé inaperçu chez les ténors du capital-risque qui déploient des dizaines de millions de dollars afin de soutenir les projets les plus prometteurs.
Le capital-risque et les NFT
Sur le début de l’année 2021, le secteur de la DeFi est le segment de la cryptosphère qui a attiré le plus d’investissements. Néanmoins, la tendance s’est inversée au cours du troisième semestre. Par rapport au deuxième trimestre 2021, le pourcentage d’investissements DeFi a chuté de 40,9 % à 27,5 %. Cette baisse d’intérêt des capital-risqueurs pour la DeFi a bénéficié aux secteurs des NFT, notamment à OpenSea qui a levé 100 millions de dollars cet été. Toutefois, les places de marché NFT ne sont pas les seules entreprises du secteur.
Comme vous pouvez le voir ci-dessus l’ecosysteme des NFT est déjà vaste. Et cet océan d’opportunités attire à la fois les ténors du capital-risque (Andreessen Horowitz, Coinbase Ventures, Google Ventures, Mark Cuban), mais aussi des célébrités et sportifs (Michael Jordan, Kevin Durant, Camillia Cabello, Ashton Kutcher, Jay-Z, Serena Williams).
Si les artistes et sportifs s’intéressent à ce secteur, c’est parce qu’il a le potentiel de révolutionner des industries comme le monde de la musique ou les produits dérivés de sports. En effet, le potentiel des NFT ne se limite pas au marché de l’art, comme nous allons le voir en évoquant les modèles économiques innovants de ce secteur.
Quels modèles économiques pour les entreprises de NFT ?
Les entreprises de NFt les plus connues sont les place de marché NFT. Toutefois, leur modèle économique est somme toute assez basique. Ces entreprises prélèves des frais sur chaque transaction se déroulant sur leurs plateformes ainsi que lors de la création de NFT. Bien que ces entreprises prolifèrent, il semble que seules les plus prometteuses puissent s’imposer durablement, sur le principe du winner takes all. Et, le gagnant sur ce segment semble déjà désigné. De tute évidence, OpenSea s’est d’ores et déjà imposé comme leader de son secteur.
Attardons-nous donc, sur deux modèles économiques innovants du secteur des NFT. L’une des dernières tendances de la cryptosphère est le play to earn dont le leader incontesté est Axie Infinty.
Axie Infinity, les pokemons ultra-rentables version blockchain
L’économie d’Axie Infinity se compose d’un jeton de gouvernance (AXS) et d’un second jeton appelé Smooth Love Potion (SLP).
Le jeu peut être comparé au célèbre jeu de Nintendo : Pokemon. En effet, le but du jeu est d’entrainer des « Axies » et de les faire s’affronter avec ceux des autres joueurs. Les différentes Axies ont des forces et des faiblesses différentes, et la stratégie du jeu consiste à exploiter les forces de son Axie mieux que son adversaire.
Lorsque que vous remportez un combat, vous recevez des SLP. Enfin, vous pouvez faire s’accoupler vos Axies, afin d’en obtenir de nouveaux et de les vendre pour réaliser un profit. Chaque fois qu’un Axie est échangé, qu’une parcelle de terrain est vendue ou que deux Axies sont accouplés, le protocole prélève une commission.
Grâce à ce modèle économique des plus innovants, Axie Infinity a engrangé près de 700 millions de dollars de revenus au cours des 3 derniers mois. Contrairement à de nombreux jeux mobiles, Axie Infinity n’est pas gratuit. Pour commencer, les joueurs doivent obtenir 3 personnages Axie Infinity. Au début du jeu, l’Axie moyen se vendait moins de 10 $. Avec la croissance rapide du jeu, les Axies se vendent maintenant en moyenne pour 330 $. Par conséquent, il faut débourser près de 1 000 $ pour commencer à jouer.
Cette barrière à l’entrée a ainsi déjà fait émerger un nouveau modèle économique lié aux play to earn et ayant attiré l’attention du géant Andreessen Horowitz.
Yield Guild Games, un nouveau modèle économique pour le play to earn
Lorsque le COVID a déferlé sur les Philippines, près de 7,3 millions de personnes ont perdu leurs emplois. En réponse à cette souffrance, Gabby Dizon, un entrepreneur local, a commencé à prêter ses personnages d’Axie Infinity. Grâce à cette initiative, les proches et voisins de Dizon ont pu générer des revenus en convertissant leurs gains crypto en monnaies fiat. En quelques mois, les joueurs philippins gagnaient plus avec Axie Infinity qu’avec leurs anciens emplois. Ce succès inattendu a incité Dizon à créer une entreprise sur ce modèle : Yield Guild Games (YGG).
Au sein de YGG, évoluent des joueurs (les scholars) et des gestionnaires (les community managers). Les scholars reçoivent 3 Axies qu’ils utilisent pour gagner des cryptomonnaies en remportant des combats. Les gestionnaires recrutement et formes les nouveaux scholars.
Chaque semaine, les gains sont redistribués de la manière suivante :
- 70 % des gains reviennent au joueur qui les à généré
- 20 % vont a son gestionnaire
- 10 % partent dans la trésorerie de Yield Guild Games
Entre avril et juillet, les scholars ont gagné près de 9 millions de dollars. Si l’on considère que la majorité des membres de YGG viennent de l’Indonésie, les Philippines, le Pérou et le Venezuela, cette somme devient encore plus astronomique. En effet, le salaire moyen de ces pays oscille entre 400 et 800 dollars, selon les estimations. Par ailleurs, la pandémie a détruit de nombreux emplois.
Un joueur d’Axie Infinity compétent peut donc aisément se placer dans les tranches hautes des classes moyennes de ces pays sur la base de ses gains play to earn.
Ce modèle économique fantastique et innovant a attiré l’attention du géant du capital-risque Andreessen Horowitz, qui a mené un tour de table de 4,6 millions de dollars pour YGG.
Les plus importantes levées de fonds NFT de 2021
Dapper Labs
▶ Dapper Labs, le créateur de CryptoKitties et NBA Top Shots, a levé 305 millions de dollars lors de sa série C. Avec cette levée de fonds record la plateforme poursuit son développement de produits blockchain axés sur le sport et le divertissement. Dapper Labs est aussi le développeur de FLOW, la blockchain sur laquelle est basée NBA Top Shots.
- Valorisation actuelle : 7,5 milliards de dollars
- Montant total levé : 375,5 millions de dollars
- Investisseurs notables : Andreessen Horowitz, Coatue, Warner Music Group, Michael Jordan, Kevin Durant
Opensea
▶ OpenSea, le leader de la négociation de NFT, a levé 100 millions de dollars lors de sa série B. Le tour de table mené par Andreessen Horowitz (a16z) a permis à l’entreprise d’atteindre le statut de licorne, avec une valorisation de 1,5 milliard de dollars.
- Valorisation actuelle : 1,5 milliards de dollars
- Montant total levé : 127,5 millions de dollars
- Investisseurs notables : Andreessen Horowitz, Coatue, Kevin Durant
OneOf
▶ OneOf, une place de marché dédié aux NFT liés à la musique, a levé 63 millions de dollars lors d’un tour de table d’amorçage (seed). La plateforme basée sur la blockchain Tezos s’engage à garder les frais de créations de NFT à 0 $. Cette proposition de valeur semble attirer les artistes de tout bord, puisque John Legend, Whitney Houston, Doja Cat et G-Eazy sont déjà partenaires de la place de marché.
- Valorisation actuelle : N/A
- Montant total levé : 63 millions de dollars
- Investisseurs notables : Nima Capital, Sangha Capital, Tezos Foundation
Sorare
▶ Sorare, un spécialiste dans les cartes à collectionner de joueurs de football, a levé 40 millions de dollars lors de sa série A. Lancée en 2018 et basée à Paris, l’entreprise à connu une formidable croissance en 2021. Lors de l’Euro de football, l’entreprise a reçu une couverture médiatique très favorable et ses cartes les plus rares s’échangent maintenant plusieurs dizaines de milliers de dollars.
- Valorisation actuelle : 3,8 milliards de dollars (non confirmé)
- Montant total levé : 59,2 millions de dollars
- Investisseurs notables : Kima Ventures, Benchmark, Antoine Griezmann
MarkersPlace
▶ MarkersPlace, une place de marché pour NFT, a levé 30 millions de dollars lors de sa série A. MarkersPlace s’est fait connaitre en mars 2021 en hébergeant la vente d’une œuvre de Beeple. Bien que la vente aux enchères fut opérée par Christie’s, elle s’est déroulée sur la plateforme de MarkersPlace. L’œuvre de Beeple, vendue pour 69 millions de dollars, détient le record du NFT le plus cher à ce jour.
Les nouveaux fonds d’investissement spécialisés dans le metaverse
Avec l’émergence des NFT, une notion est revenue sur le devant de la scène : celle du metaverse, ou méta-univers. Le metaverse correspond a un ensemble de mondes virtuels au sein desquels les individus du monde physique pourraient se retrouver pour échanger et se livrer a diverses activités du quotidien comme visiter un musée ou se rendre à un concert.
En matière d’actif numérique, le metaverse implique aussi des terrains, des bâtiments, œuvres d’art et autres biens peuvent être achetés et vendus contre des cryptomonnaies. L’un des premiers projets à populariser ce concept fut Decentraland, qui propose d’acheter des parcelles virtuelles, les LAND, pour y construire divers bâtiments.
Et, ces Nouveaux Mondes virtuels attirent déjà les investisseurs. En effet, plusieurs structures de capital-investissement ont fait leur début sur ce segment inédit de l’investissement en 2021.
Tout d’abord, nous avons Metaverse Reit, qui se décrit comme le premier fonds d’investissement dédié à l’immobilier virtuel. On pourrait comparer ce fonds à une société civile de placement immobilier (SCPI) spécialisée dans le metaverse.
On citera également Metaverse Venture. Ici, le fonds se spécialise dans les sociétés impliquées dans le metaverse. Metaverse Venture a par exemple investi dans Decentral Games, une entreprise de construction de casinos au sein de Decentraland, ou encore dans Metalith à agrégateur des prix de l’immobilier dans Decentraland.
Comme vous avez pu le voir tout au long de cette chronique, les NFT et le metaverse sont un formidable vivier d’opportunité qui n’attend qu’a être exploré. Avec les actifs numériques, chaque innovation en entraine une dizaine d’autres et les modèles économiques envisageables et viables ne connaissent aucune limite.
Bonne semaine sur le Journal du Coin !