Antinalysis, le côté obscur de l’analyse des transactions Bitcoin – Le blanchiment d’argent favorisé ?

Combattre le bien par le bien – Des sociétés d’analyse de transactions blockchains, comme Chainalysis, sont bien connues de la cryptosphère pour tracer toutes activités suspectes sur les réseaux de cryptomonnaies. Une fonctionnalité qui est d’ailleurs particulièrement recherchée par les organismes gouvernementaux. Mais aujourd’hui, ces analyses de transactions pourraient se retourner contre l’idée initiale de surveillance des transactions permettant même paradoxalement de la contourner.

Analyser le risque de blocage d’une transaction avant de la transférer

Tom Robinson est le cofondateur de la société d’investigation des transactions sur blockchains appelée Elliptic, basée à Londres. Son expertise est très sollicitée pour remonter les transactions cryptos suspectes.

Dans une récente publication, le spécialiste explique l’apparition d’un nouvel outil d’analyse des transactions on chain, probablement conçu par un administrateur d’un marché noir du darknet pour aider ses revendeurs à blanchir leurs bitcoins.

Appelé « Antinalysis » (pour tourner en dérision Chainalysis ?), cet outil permet de vérifier que les adresses Bitcoin ne sont pas liées à des activités criminelles. Cela permet aux blanchisseurs de cryptomonnaies de tester si leurs fonds risquent d’être identifiés (ou non) comme issus de la criminalité par les systèmes AML (anti-blanchiment d’argent) des plateformes d’échange réglementées.

« (…) le blanchiment et le retrait [en monnaies fiduciaires] des cryptos encaissées sur le dark web constituent un défi majeur. Les bourses de cryptomonnaies utilisent des outils d’analyse de la blockchain, tels que ceux fournis par Elliptic, pour vérifier que les dépôts des clients ne sont pas liés à des activités illicites. (…) Le blanchisseur risque donc d’être identifié comme un criminel et d’être signalé aux forces de l’ordre chaque fois qu’il envoie des fonds à une entreprise utilisant un tel outil. »

Tom Robinson

Anticiper pour ne pas se faire attraper ?

En rentrant une adresse de provenance des fonds dans l’outil Antinalysis, les blanchisseurs savent à l’avance ce que la crypto-bourse pourrait penser (de mal) de leur transfert de cryptos.

Dans l’exemple de l’adresse BTC ci-dessous, Antinalysis détecte qu’au moins 3,3 % de ces bitcoins présentent un « risque extrême » de provenir de fonds louches, ici principalement de marchés noirs du darknet.

Antinalysis analyse l'origine des fonds cryptos pour éviter aux blanchisseurs de se faire prendre
Résultat d’analyse d’Antinalysis – Source : Elliptic

Tom Robinson explique que les utilisateurs d’Antinalysis doivent payer environ 3 dollars pour vérifier une adresse bitcoin. L’expert voit toutefois un avantage à l’utilisation de ce genre d’outils. En effet, une personne lambda peut également désormais s’assurer de ne pas recevoir des « cryptos sales » :

« Ce type d’outil est également important parce qu’il rend l’analyse de la blockchain accessible au public pour la première fois. Jusqu’à présent, ce type d’analyse était principalement utilisé par les prestataires de services financiers réglementés. Les particuliers ou les détaillants inquiets de recevoir des cryptos issues du crime pourraient désormais vérifier les adresses avant d’accepter un paiement en bitcoins. »

Que ce soit l’IRS (le fisc américain) ou le Système européen de supervision financière (SESF), les organismes étatiques sont très intéressés par la surveillance des transactions cryptos. Les blanchisseurs de bitcoins et d’autres cryptomonnaies semblent désormais « utiliser l’outil de l’ennemi » pour ne pas se faire prendre. Le jeu du chat et de la souris n’est donc pas prêt de se terminer dans la cryptosphère.

Rémy R.

Issu d’une formation universitaire en Sciences, je m’intéresse aux blockchains et à Bitcoin depuis 2013 et en ai même miné à l’époque. La bulle qui s'en est suivie m'en a détourné, mais je m'y suis replongé depuis 2017 et les étudie depuis avec passion.