Les villes-cryptos incarnent-elles le futur ?

L’adoption des cryptomonnaies se heurte à la méfiance institutionnelle. Pourtant, certaines villes adoptent une position plus amicale vis-à-vis d’elles. Les possibilités qu’elles offrent sont nombreuses : payer ses impôts en monnaies numériques, ouvrir les commerces aux bitcoins et aux altcoins ou construire une ville ex nihilo avec sa crypto native. Mais au-delà de cette ouverture à l’économie des devises numériques, ces cités vont-elles accélérer l’adoption tant attendue par le monde crypto ?

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Les projets de crypto-cities et d’adoption par les villes

Akon City est aujourd’hui le programme qui fait le plus parler de lui dans ce domaine. Le chanteur américain d’origine Sénégalaise Akon planifie depuis 2019 la création d’une ville technologique qui s’appuiera sur son propre token, l’Akoin. Sur les côtes sénégalaise et bientôt ougandaise écloront de nouvelles cités où le jeton Akoin sera central dans économiquement. Cette cryptomonnaie devra être utilisée par ses habitants et bénéficiera d’un cours légal non officiel.

L’objectif affiché de ce projet monumental est d’encourager l’esprit entrepreneurial en Afrique. En plus des infrastructures de recherche, de développement et d’éducation prévues dans ses plans, la cryptomonnaie sera le token clé de son utopie. Akoin serait plus précisément un portefeuille numérique multi-devises qui offrirait l’accès à de nombreuses dApps. Les entrepreneurs africains profiteront alors des infrastructures numériques décentralisées pour des échanges économiques, des services financiers, des contenus éducatifs, de santé et de nouveaux emplois.

AKON CITY
Akon City, concept

Mais les crypto-actifs ne se retrouvent pas seulement dans ces projets ex nihilo. Si les monnaies numériques étaient pensées à leur début comme des moyens d’échanges pair-à-pair, le paiement de biens de consommation reste aujourd’hui marginal. Exception faite de la Slovénie où le centre commercial de la capitale du pays, Ljubljana, a entamé sa transition en BTC City. De grandes enseignes vont d’ores et déjà accepter le paiement en devises décentralisées.

Dans les villes de Zoug et de Zermatt en Suisse, il est possible de régler ses taxes en bitcoin. Parce que la crypto-city se définit également par la manière dont l’on peut régler ses paiements, l’imposition reste un frein à l’adoption d’autres devises. Ainsi, les 2 villes helvétiques, pionnières en la matière, n’intègrent pas la cryptomonnaie à leur trésorerie, mais passent par un intermédiaire, Bitcoin Suisse, qui se charge de la conversion en monnaie fiat. Les Etats-Unis semblent aussi prendre le virage, notamment la ville de Miami. Son maire a annoncé vouloir allouer 1 % de ses réserves au BTC en plus de la possibilité de payer ses taxes locales et de payer ses employés avec celui-ci.

Augmenter l’attractivité, la crypto au secours des villes moyennes ?

Le marché des cryptomonnaies est un secteur qui connaît une forte croissance. Sa valorisation a dépassé les 2 100 milliards dollars mi-avril, soit une augmentation de 100 % sur 3 mois. Une évolution qui s’explique en grande partie par l’arrivée des institutionnels. Si dans l’ensemble, les États se montrent toujours méfiants à son égard, certaines villes pourraient en profiter pour relancer leur économie.

Depuis 2009, de nombreuses villes moyennes ont souffert de la crise. Entre commerces déserts, désindustrialisation et chômage, les municipalités peinent à trouver de quoi relancer l’économie citadine. Le pari d’une adoption pourrait-il changer cela ? Au-delà d’une couverture médiatique, un tel virage encouragerait le tissu entrepreneurial qui souffre beaucoup des décisions de régulation. De plus, cela permettrait de diversifier les sources de revenus pour une ville. Alors que beaucoup font le pari du tourisme, une crypto-city pourrait donc faire émerger de nouvelles industries.

Les cryptos comme monnaie locale

De nombreuses villes ont déjà adopté ce type d’intermédiaires d’échange pour soutenir l’économie locale : le sol-violette à Toulouse ou l’eusko aux Pays-Bas ont en effet été acceptés comme moyens de paiement parmi les commerces participants.

Le portail du gouvernement français les définit comme :

« […] une monnaie complémentaire de la monnaie officielle, l’euro. Toutes les monnaies locales sont adossées à la monnaie nationale. [Elle] ne peut être utilisée que sur un territoire restreint : ville, région […] »

À la manière de l’Akoin, les villes pourraient lancer leur stablecoin et héberger leur propre écosystème. L’usage des monnaies numériques pourrait ainsi apporter de nouveaux outils de gestion.

Financement alternatif des politiques de la ville, DAO

L’usage des devises numériques pourrait apporter de nouveaux instruments économiques et sociaux aux villes. D’abord, il fournirait une nouvelle voie de financement démocratique. Les villes soutiendraient certains projets à travers des initial coin offerings (ICO) validées par une organisation autonome décentralisée – ou decentralized autonomous organization (DAO).

Les DAO ouvrent la voie à une nouvelle organisation démocratique au sein des villes. Les citoyens proposeraient plus facilement leurs idées et les municipalités consulteraient les habitants de façon plus active.

L’usage des actifs numériques offre de nombreuses possibilités aux villes. Néanmoins, de l’utopie à la dystopie, il n’y a parfois qu’un pas. 2017 a effectivement mis en avant les dangers des ICO. Si l’outil se montre très efficace pour lever des fonds, les tokens créés doivent avoir une utilité réelle pour être légitime. La ville pourrait donc lever une ICO avec son jeton local et celle-ci continuerait à avoir une utilité dans les commerces intra muros. Cependant, leur multiplication pourrait déstabiliser son cours. Ces levées de fonds pourraient alors reproduire les politiques très critiquées des banques centrales.

Les DAO souffrent également d’un certain déséquilibre dans les votes. En effet, les détenteurs de jetons ont généralement plus de voix pour exprimer leurs opinions. De ce fait, les votes pourraient perdre en qualité démocratique. On peut néanmoins imaginer des solutions, comme l’obligation de réaliser un KYC ou passer par des solutions décentralisées, comme Proof Of Humanity, un protocole qui permet de vérifier qu’une personne est bien humaine. Ces processus pourraient ouvrir la possibilité à la réalisation d’un vote par personne.

L’adoption par les villes, un enjeu réglementaire

Comme toute action, ce sont les acteurs qui permettent de conduire et de réaliser les projets. Les acteurs publics, municipalités, collectivités territoriales et nationales jouent un rôle clé dans l’implémentation de ces solutions. Si l’on revient aux exemples cités précédemment, Miami profite, dans une large mesure, de l’intérêt que porte le Maire envers Bitcoin. En Suisse, le pays est également connu pour son ouverture à l’économie décentralisée notamment avec la ville de Zoug, la crypto-valley du pays.

L’acteur privé est aussi un moteur essentiel. Porteur de l’innovation, il met à disposition les moyens financiers pour réaliser une idée. L’exemple d’Akon City témoigne déjà des moyens déployables pour créer une ville innovante. Mais on les retrouve aussi dans les commerces. La décision d’accepter un actif numérique nécessite une confiance et les moyens de la recevoir.

L’amélioration de l’expérience utilisateur se poursuit à travers de nouvelles solutions de paiement, mais le milieu reste malgré tout bridé par la complexité d’utilisation de ses canaux. Cependant, ce qui détermine l’utilisation d’une monnaie est principalement l’imposition. Or, d’une part, les villes ont très peu de maîtrise sur leur politique fiscale et, d’autre part, les comptes publics font preuve d’un encadrement très précis dans de nombreux pays. La collecte des impôts en cryptomonnaies est donc difficilement envisageable. La solution intermédiaire de la Suisse permet tout de même une alternative plutôt efficace. Bitcoin Suisse, un exchange soutenu par la banque du canton, agit comme un tiers. Il est chargé de recueillir les impôts et d’en effectuer la conversion pour le trésor de la ville.

Le virage crypto au sein des villes pourrait amorcer en douceur l’économie décentralisée. À mi-chemin entre la smart city et l’économie circulaire, les premières villes à adopter les monnaies numériques pourraient grandement bénéficier du secteur. Certaines d’entre elles pourraient déjà devenir de futures capitales cryptos avec de nouvelles opportunités économiques. Et vous, qu’en pensez-vous ? Les villes auront-elles un rôle à jouer  dans l’adoption des devises décentralisées ?

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Le Journal Du Coin

Un article de la rédaction. Le Journal du Coin, premier média d’actualités francophone sur la cryptomonnaie, Bitcoin, et les protocoles blockchain.