Augustin Carstens : les monnaies numériques banques centrales apparaitront « plus tôt qu’on ne le pense »
Qu’a-t-il bien pu se passer entre mars 2019 et aujourd’hui dans la tête d’Augustin Carstens, porte-parole et Directeur général de la très respectable Banque des règlements internationaux (BRI) ?
Après avoir il y a à peine quelques semaines, voué le Bitcoin et les cryptomonnaies aux gémonies, c’est sur le refrain de l’immortel « je retourne ma veste » que le taulier de la BRI vient de le décréter : des monnaies numériques de Banques Centrales ? Mais bien évidemment, allons !
Cryptomonnaie et BRI, une combinaison bien mal engagée
« Bitcoin est la combinaison d’une bulle, d’un système de Ponzi et d’une catastrophe environnementale, les jeunes devraient cesser d’essayer de créer de l’argent » Discours d’Augustin Carstens à Dublin le 22 mars 2019.
Ces propos peu amènes, dignes d’un Nouriel « Dr Doom » Roubini résument assez bien la position d’Augustin Carstens, porte-parole et Directeur général de la Banque des règlements internationaux (BRI). Autrement dit : Bitcoin, c’est le mal et il faudra me passer sur le corps pour me faire changer d’avis sur ce sujet.
La situation est d’ailleurs tellement grave que le péril serait déjà à nos portes ! Ainsi, selon ce gardien du temple financier, l’introduction de Central Bank Digital Currencies (CBDCs) serait tout bonnement de nature à faire vaciller le système bancaire international, rien que ça.
Le client des banques, ce danger public
Comment ? vous demanderez-vous peut-être. Et bien, selon toutes les projections opérationnelles, l’introduction de CBDC permettrait aux consommateurs de passer bien plus rapidement des banques commerciales aux banques centrales et réciproquement.
Or cette nouvelle capacité serait de nature à impacter lourdement les bilans des Banques Centrales, pas franchement en capacité de gérer de tels flux. Oui, vous avez bien compris : le problème viendrait des clients qui auraient l’outrecuidance, non seulement de disposer d’un meilleur contrôle de la gestion de leurs avoirs, mais facteur aggravant ; rapidement de surcroît ! (et non, redimensionner la structure des Banques centrales pour absorber la charge ne semble pas avoir fait partie des premières hypothèses de travail… Étonnant non ?).
Il n’y a que les idiots qui ne changent pas d’avis
C’est sur un ton étonnamment plus conciliant que le patron de la BRI est intervenu dans les colonnes du Financial Time le 30 juin 2019 pour y livrer ses convictions toutes neuves sur les CBDC :
« De nombreuses banques centrales y travaillent ; nous y travaillons, nous les soutenons. Et il se peut qu’elles apparaissent plus tôt qu’on ne le pense qu’il y a un marché et que nous ayons besoin d’être en mesure de fournir des devises numériques de banque centrale » Interview d’Augustin Carstens, 30 juin 2019
Si l’on ne peut exclure un cas particulièrement spécifique de possession vaudou, ou les conséquences originales d’un gros coup sur le crâne, on reste malgré tout pantois devant cette capacité toute politique de défendre avec vigueur une position antagoniste à celle exposée quelques semaines auparavant !
Mieux encore : prise par une sorte de FOMO, la BRI a selon Bloomberg carrément annoncé la mise en place d’un Hub d’innovation à destination des Banques Centrales, au sein duquel les établissements pourront mener des expérimentations en toute sécurité. Ces plateformes seront localisées en Suisse, à Hong Kong et à Singapour, en collaboration avec les responsables locaux des politiques monétaires.
Si Carstens a évoqué d’autres sujets (comme Libra de Facebook dont la BRI dit « se méfier », avant un probable future changement de position au gré du vent), le banquier a malgré tout raison sur un point : les Banques Centrales à travers le monde s’intéressent au sujet, et pas qu’un peu ; une récente étude montrait que 70% d’entre elles travaillent actuellement à la mise en place de CBDC.