Yield-bearing assets : le rendement natif va-t-il devenir la norme pour les cryptomonnaies ?
Au cours des derniers mois, nous avons vu se multiplier les projets qui associent un rendement à leur jeton. Que ce soit dans le domaine des stablecoins ou des RWA, les actifs à rendement se multiplient. Fréquemment appelée yield-bearing assets, cette nouvelle classe de jetons pourrait bien devenir une norme.
BlackRock et son stablecoin à rendement
Décidément, BlackRock, le gestionnaire de fonds aux 9 000 milliards, ne cesse de faire parler de lui dans l’écosystème crypto. En janvier, le géant de la finance a lancé son ETF Bitcoin Spot, suite à l’approbation tant attendue par la SEC.
Toutefois, ce qui va nous intéresser aujourd’hui est une tout autre initiative. Le 14 mars, BlackRock revient sous le feu des projecteurs après le dépôt d’un document pour le moins surprenant auprès de la SEC américaine.
Ce formulaire de type « Form D », dévoile la création d’un nouveau fonds intitulé « BlackRock USD Institutional Digital Liquidity ». Cet intitulé peut être abrégé BUIDL, un acronyme bien connu des aficionados de la crypto. Rapidement, les spéculations pullulent sur les réseaux sociaux pour tenter de comprendre ce que prépare le géant de la finance.
Finalement, un communiqué de presse publié le 20 mars met fin aux suppositions et dévoile le propos de ce fonds.
Ainsi, nous avons appris que BUILD serait le premier fonds tokenisé émis sur une blockchain publique de BlackRock.
Pour ce fonds, BlackRock s’est associé à l’entreprise Securitize, spécialisée dans la tokenisation d’actifs du monde réel, les fameux RWA pour Real World Assets.
Mais cela ne s’arrête pas là ! Ce fonds s’avère également être un stablecoin indexé sur le cours du dollar américain. Qui plus est, il s’agit d’un stablecoin qui est porteur d’un rendement. Fréquemment appelés Yield Bearing Stablecoin, ces stablecoins permettent à leur détenteur d’obtenir un rendement en détenant le jeton. Ce rendement peut provenir de plusieurs sources. Dans le cas du fonds BUIDL, les intérêts proviennent des actifs dans lesquels a investi le fonds. Cela peut être par exemple des bons du Trésor américain ou encore des accords de rachat.
Yield-bearing asset : la nouvelle tendance
En réalité, la proposition de BlackRock est loin d’être isolée. Au cours des derniers mois, de nombreux protocoles ont enrichi leur jeton d’un rendement natif, les rendant plus attractifs.
Par exemple, cette tendance a particulièrement fait sensation dans le domaine des stablecoins. Explorons quelques exemples.
Ethena (ENA) et son USDe
Annoncé en juillet 2023 et lancé au mois de décembre, Ethena est un protocole déployé sur Ethereum. En pratique, celui-ci introduit un nouveau stablecoin dit algorithmique : l’USDe.
Contrairement à l’USDT ou l’USDC qui sont assurés par des réserves de dollars détenues en banque, l’USDe est assuré par des cryptomonnaies. Un mécanisme que nous connaissons déjà bien, et qui est par exemple utilisé par MakerDAO pour émettre le DAI. Ainsi, un utilisateur dépose des cryptomonnaies qui font office de collatéral et le protocole émet le stablecoin.
Cependant, Ethena se différencie en proposant un stablecoin qui n’est pas sur-collatéralisé. En effet, dans le cas du DAI, l’utilisateur doit déposer un montant en crypto plus important que le montant emprunté. Cela permet de faire face aux potentielles variations de prix sur l’actif déposé en collatéral.
De son côté, Ethena utilise une stratégie différente en ayant recours à des positions dites delta-neutral pour assurer la stabilité et la solvabilité de son jeton. Nous n’allons pas spécialement entrer dans les détails de cette stratégie, mais vous pouvez consulter nos précédents articles à ce sujet.
L’origine des rendements
En plus de cela, l’USDe propose un rendement natif via un système de staking. Lorsque vous déposez vos USDe en staking, vous obtenez des sUSDe. Ce jeton propose alors un rendement issu de deux principales sources.
D’une part, l’USDe est assuré par les Liquid Staking Token (LST) de l’ETH. Pour rappel, il s’agit d’une version tokenisée des dépôts d’ETH en staking. Ces jetons ont l’avantage de générer un rendement issu du mécanisme de staking d’Ethereum. Ainsi, les sUSDe créés et qui sont assurés par des LST, obtiennent les rendements liés au staking.
D’autre part, la stratégie delta-neutral d’Ethena permet au protocole d’obtenir des frais sur ses positions sur les marchés perp. Une fois de plus, sans entrer dans le détail, ces positions génèrent des rendements via ce que l’on appelle le Funding Rate.
Évidemment, cela implique de larges variations dans le taux de rendement du sUSDe. Au maximum, le rendement annualisé était de 113 % le 5 mars, et évoluait entre 0 et 10 % les dernières semaines.
Angle et l’USDa
Angle Protocol est un autre compétiteur dans le domaine des yield-bearing stablecoin. À la fin du mois de mars, Angle a dévoilé l’USDa, un stablecoin qui dispose d’un rendement natif. En pratique, ce stablecoin est adossé à des bons du Trésor américain ainsi qu’à des T-Bills, une version tokenisée de ces bons.
Lorsqu’ils sont déposés en staking, ces USDa permettent d’obtenir un rendement qui est issu du rendement des actifs sous-jacents, à savoir les bons du Trésor ainsi que du marché d’emprunt d’USDa. Ainsi, lorsqu’un utilisateur dépose des USDa dans le module de staking, il reçoit des stUSD qui génèrent un rendement.
« Le rendement est généré par les actifs que le protocole Angle détient dans ses différents modules de mint. En particulier, le protocole Angle collecte le rendement des taux d’intérêt payés par les emprunteurs de l’USDA dans le cadre des prêts qui peuvent être contractés par l’intermédiaire de son module d’emprunt, et des actifs spécifiques porteurs de rendement mis en réserve par le protocole. »
Angle propose un stablecoin similaire, l’EURa qui suit quant à lui la valeur de l’euro.
Les LSD et LST une autre facette des yield-bearing assets
Évidemment, les stablecoins ne sont pas la seule classe d’actifs à présenter des rendements natifs. Ainsi, en parallèle du passage au Proof of Stake sur Ethereum, nous avons vu se multiplier les protocoles de Liquid Staking.
Comme leur nom l’indique, ces derniers visent à rendre le staking sur Ethereum plus liquide. Pour cela, les dépôts d’ETH en staking sont tokenisés sous la forme d’un Liquid Staking Token (LSD).
La détention de ces jetons permet d’obtenir un rendement issu du staking sur Ethereum. Parmi les protocoles les plus influents dans ce domaine, nous retrouvons Lido ou RocketPool pour ne citer qu’eux.
Actuellement, le marché des LSD représente pas moins de 42 milliards de dollars. Le marché est largement dominé par le stETH de Lido, suivi du cbETH de Coinbase et du wBETH de Binance.
Plus récemment, le protocole Eigenlayer et son concept de Restaking ont donné naissance à de nombreux protocoles de Liquid Restaking. Une fois de plus, ces jetons permettent d’obtenir un rendement, issu d’une part du staking des ETH et d’autre par de la réutilisation de ces ETH pour sécuriser d’autres réseaux.
Yield-Bearing et Real World Assets (RWA)
Les actifs du monde réel, ou RWA, sont fréquemment au cœur des projets de yield-bearing assets.
RealT est un exemple parmi tant d’autres. Ce projet permet d’acheter de l’immobilier tokenisé aux États-Unis.
Les biens achetés par RealT sont tokenisés via des jetons. Chaque jeton dispose d’un droit sur une part du bien immobilier et par conséquent un droit sur le rendement locatif qui lui est associé.
Ainsi, l’ensemble des jetons sont assurés par un actif réel, à savoir le bien immobilier. Ces jetons génèrent ensuite un rendement mensuel via la collecte des loyers.
Dans ce cas, le rendement du yield-bearing asset est issu du rendement du RWA sous-jacent.
Yield-Bearing : bientôt la norme ?
Vous l’aurez compris, cette nouvelle classe d’actifs est de plus en plus présente à travers l’écosystème.
Les investisseurs aiment particulièrement ces jetons, car ils permettent de générer un rendement, en plus de la potentielle prise de valeur de l’actif sous-jacent, à l’exception évidemment des stablecoins.
Sur les stablecoins, ces actifs peuvent apporter une impression de sécurité à l’utilisateur. Cela lui permet d’obtenir un rendement qu’il n’a pas sur des stablecoins classiques comme l’USDC ou l’USDT, sans devoir pour autant se lancer dans des stratégies d’épargne et d’emprunt avancé dans la DeFi.
Toutefois, cette sécurité n’est pas pour autant assurée. Ainsi, bien qu’ils n’en donnent pas l’impression, ces jetons sont évidemment porteurs de risque. Que ce soit une défaillance dans la stratégie de rendement ou encore une faille de smart contract.
Ainsi, il est primordial de bien étudier la source du rendement ainsi que les audits qui ont été réalisés sur les protocoles avant de se positionner sur ces jetons. Nous ne sommes jamais à l’abri d’une défaillance majeure comme a pu connaître l’UST de Terra Luna en mai 2022.