Ethereum : comment gagner 12 millions de dollars en travaillant une semaine

Le feuilleton SUSHI n’en finit plus – Le week-end fut agité pour l’échange décentralisé SushiSwap. En effet, son fondateur anonyme a eu la bonne idée de vendre une partie du fonds de développement, une action qui n’a pas plu à la communauté. Retour sur ces événements digne d’une drôle de telenovela.

Notre avis sur Uniswap »

Une architecture pour le moins saugrenue

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il convient de pleinement comprendre SushiSwap. Il s’agit d’une plateforme d’échanges décentralisée basée sur un fork d’Uniswap. Celle-ci a vu le jour le 28 août dernier grâce à un fondateur anonyme, connu sous le pseudonyme de Chef Nomi. Ce dernier a copié-collé le code d’Uniswap pour y ajouter un jeton de gouvernance : le SUSHI.

Cependant, jusqu’à présent, Sushiswap n’était aucunement une véritable plateforme d’échanges. En pratique, elle ne détenait aucune liquidité réelle, mais uniquement des jetons de liquidités provenant d’Uniswap.

Lorsqu’un utilisateur ajoute des liquidités sur Uniswap, le protocole lui génère un jeton qui représente sa part dans la pool de liquidités. Ces jetons sont couramment appelés LP Tokens, pour Liquidity Pool Tokens. Ainsi, par exemple, s’il dépose des ethers sur Uniswap, il reçoit des jetons LP représentant sa part d’ethers dans la pool totale des ethers alloués au protocole.

De son côté, SushiSwap propose à ses utilisateurs de déposer lesdits LP Tokens de Uniswap sur son smart contract. Ce dépôt leur permet de générer des jetons SUSHI, en plus des frais distribués par Uniswap.

Une migration formelle vers une interface de véritable exchange décentralisé sur le modèle d’Uniswap était dans les tuyaux. Lors de cette migration, l’ensemble des LP tokens auraient été convertis sur Uniswap et les liquidités rapatriées sur SushiSwap. Cette architecture a valu à Sushiswap d’être souvent accusé de pratiquer le « vampire mining »c’est-à-dire d’aspirer illégitimement des liquidités sans apporter de réelle plus-value par rapport au produit copié pré-existant.

Cependant, tout ne s’est pas passé comme prévu.

L’exit scam du Chef Nomi

Alors que la migration était à deux doigts d’avoir lieu, Chef Nomi a eu la bonne idée de convertir l’intégralité des SUSHI du fonds destiné au développement en ETH. Ce dernier a justifié son action en expliquant qu’il l’avait fait pour « arrêter de me [se] soucier du prix et me [se] concentrer sur la technicité de la migration ».

Évidemment, cette justification n’a pas plu à la communauté, qui a qualifié l’événement d’exit scam.

En pratique, Chef Nomi a converti 2,5 millions de SUSHI et retiré 20 000 ETH de la pool ETH/SUSHI d’Uniswap. Au total, ce dernier s’en tire avec un pactole de 37 000 ETH, soit environ 12 millions de dollars.

Accablé par les internautes affirmant qu’il avait réalisé un exit scam, Chef Nomi a tenté de se défendre :

« Les gens m’ont demandé si j’avais fait un exit scam. Je ne l’ai pas fait. Je suis toujours là. Je continuerai à participer à la discussion. Je vais aider à la partie technique. Je contribuerai à la réussite de la migration. », Publication de Chef Nomi sur Twitter

À la suite de quoi il a déclaré mériter ces ETH en raison de son « implication dans le protocole » et du « travail réalisé ». Notons que s’offrir douze millions de dollars pour une semaine de développement, c’est quand même une belle pastille que beaucoup de développeurs auraient probablement du mal à présenter sans sourciller à leur employeur.

Changement de main… de maître ?

Évidemment, suite à cette déblace, la migration n’a pas eu immédiatement lieu. De son côté, Chef Nomi, après avoir vu sa popularité dégringoler comme le cours d’un shitcoin, a décidé de transférer les clés privées et, de ce fait, le contrôle du protocole à un acteur tiers chargé de la transition.

Ainsi, les clés privées de SushiSwap ont été délivrées à Sam Bankman-Fried, le CEO de la plateforme d’échange FTX. Ce dernier a par la suite annoncé que la migration de Sushiswap sera effective d’ici 48 heures, soit le mercredi 9 septembre.

Il semblerait que la migration aura lieu sans l’aide de Chef Nomi qui a depuis déclaré sur Twitter :

« J’espère que @SushiSwap se débrouillera bien sans moi. Une fois encore, je n’avais pas l’intention de faire du mal. Je suis désolé si ma décision n’a pas convenu à vos attentes. »

Des excuses certes appréciables, mais qui ne rendent en rien les 12 millions de dollars détournés, comme le souligne Andre Cronje, le créateur de yEarn :

« Que voulez-vous dire par ‘sans moi’ ? Vous quittez le projet ? Si oui, rendez les fonds de développement ! Tout ce que vous avez fait jusqu’à présent, c’est d’émettre un jeton qui a été construit à partir d’Uniswap. Les fonds n’étaient-ils pas censés être destinés aux développements futurs ? N’êtes-vous pas ce développeur ? »

Au final, Chef Nomi a réussi à s’en sortir avec 12 millions de dollars en ether. De son côté, la plateforme d’échanges SushiSwap devrait suivre son cours suite à la migration. La gouvernance de la plateforme sera remise entre les mains des détenteurs de jetons SUSHI. Affaire à suivre, donc.

Renaud H.

Ingénieur en software et en systèmes distribués de formation, passionné de cryptos depuis 2013. Touche à tout, entre mining et développement, je cherche toujours à en apprendre plus sur l’univers des cryptomonnaies et à partager le fruit de mes recherches à travers mes articles.