Élections législatives et cryptomonnaies : Où en est la France ?
Législatives 2024. La France s’apprête à aller voter pour des élections législatives dignes d’une série à rebondissement. Car le résultat de la dernière échéance européenne a entraîné la surprenante et soudaine dissolution de l’Assemblée Nationale par l’actuel président Emmanuel Macron. Un scénario inattendu auquel les acteurs politiques et les électeurs doivent se préparer dans la précipitation.
Dans le débat politique français, les cryptomonnaies font bien souvent partie des grandes absentes. Et lorsque le sujet est abordé par les principaux partis, c’est la plupart du temps pour déverser des discours caricaturaux et répressifs. Une situation qui pourrait bien être en train de changer, avec l’apparition de candidats d’un nouveau genre. La question crypto a-t-elle sa place sur l’échiquier politique français ?
France et cryptomonnaies : mieux vaut ignorer que condamner ?
Le sujet des cryptomonnaies n’est que très rarement abordé dans le cadre des élections. Mais cette tendance semble connaître un changement de cap significatif aux États-Unis. Cela depuis que le candidat Donald Trump a décidé d’accepter les dons de campagne effectués avec du Bitcoin.
Et alors que les promesses de campagne se succèdent de l’autre côté de l’Atlantique, le sujet est complètement ignoré sur le territoire français. Pourtant, les élections législatives anticipées auraient pu être l’occasion de faire un point sur ce domaine et ses utilisateurs toujours plus nombreux.
En effet, les détenteurs de cryptomonnaies représentent tout de même 12 % de la population française, selon le dernier rapport de l’Adan sur l’adoption et la croissance du secteur. Un chiffre légèrement inférieur à nos voisins les plus proches. Mais un potentiel d’électeurs étrangement ignoré par les candidats de tous les bords.
Dans les grandes lignes, les partis de gauche souhaitent contrôler le marché des cryptomonnaies et/ou taxer leurs bénéfices. Alors que la droite souhaite, de son côté, contrôler le marché des cryptomonnaies et lutter contre les fraudes associées, souvent de manière plus caricaturale que vérifiée. Spéciale dédicace à Bruno Le Maire pour le travail ni fait ni à faire…
Et l’arrivée du projet de loi européen MiCA ne va certainement pas arranger les choses. Au point de se demander si l’ignorance actuellement affichée n’est pas préférable à une prise en compte effective de ce sujet par des candidats en accord sur le fait de contrôler et empêcher… sans jamais chercher à comprendre !
Les (absences de) positions des principaux partis en course pour les législatives
Dans le cadre des prochaines élections législatives, les positions divergent légèrement d’un parti à l’autre sur le traitement à appliquer au cryptomonnaies. Cela bien souvent en lien à la thématique centrale ou à l’orientation politique du candidat concerné. Toutefois, la possible apparition d’un front de gauche change quelque peu la dynamique de cet échiquier politique. Mais pas au point de modifier véritablement la prise en compte du sujet crypto.
Les Républicains (LR)
Contrairement aux récentes déclarations de campagne de leurs homologues américains, Les Républicains (LR) made in France sont plutôt réticents à tout ce qui touche aux cryptomonnaies. Un constat assez simple à établir. En effet, les mandats successifs d’Emmanuel Macron ont permis de mesurer la tendance avec des décisions concrètes. Comme par exemple la mise en place – et le renforcement – de la norme PSAN.
Car l’objectif est de réglementer, avant même de penser à accompagner. Le tout en relation à un renforcement des contrôles pour les détenteurs de cryptomonnaies. Une volonté exprimée en mai dernier par le ministre délégué aux Comptes public, Thomas Cazenave.
« Je ne crois pas en un secteur financier autorégulé. Ce ne serait ni durable ni démocratique. C’est aux pouvoirs publics de définir les bonnes conditions pour permettre au secteur de se développer en toute confiance tout en encourageant l’innovation. »
Emmanuel Macron
Toutefois le discours des élus LR est assez ambivalent. Car, dans le même temps, ils ne cessent de se vanter de vouloir accompagner le développement du Web 3 et faciliter l’innovation. Un discours difficile à concilier avec la mise en place d’un cadre légal MiCA. Ce dernier déjà largement critiqué par un géant de l’écosystème crypto comme tether (USDT).
Quoi qu’il en soit, le président Emmanuel Macron tente régulièrement de se montrer rassurant dans le domaine. Mais pas au point de faire des cryptomonnaies un point de sa campagne à part entière.
Le Nouveau Front Populaire (NFP)
Du côté du Nouveau Front Populaire (NFP) la question des cryptomonnaies devient beaucoup plus complexe. En effet, tous les partis de gauche rassemblés sous cette bannière ne réservaient pas le même traitement à cette économie numérique. Même si, dans l’ensemble, la tendance globale reste au renforcement des contrôles et à la taxation.
Toutefois, la récente annonce de la possible annulation de la flat tax – mise en place depuis 2018 par Emmanuel Macron – a surpris bon nombre d’observateurs politiques. Le tout remplacé par une nouvelle grille de taxation plus progressive, composée de 14 tranches au lieu des 5 actuelles. Avec un taux maximal qui n’a pas encore été précisé. Mais qui pourrait faire très mal aux revenus supérieurs à 400 000 euros par an. En effet, il pourrait atteindre 90 % (impôt sur le revenu + CSG) si le programme de La France Insoumise (LFI) sert d’exemple.
Comme ce rassemblement ne propose pour le moment aucun candidat définitif au poste de premier ministre, il reste difficile de lui prêter des intentions claires sur le sujet des cryptomonnaies. Quoi qu’il en soit, le très médiatique Jean-Luc Mélenchon exprimait son raz le bol vis-à-vis du Bitcoin et de ce qu’il nommait alors le « casino » des cryptomonnaies, dès 2022. Le tout agrémenté d’une volonté affichée de « renforcer les moyens de contrôle et de régulation des marchés financiers », en y incluant les crypto-actifs.
Du côté du PS (Place Publique), Raphaël Glucksmann – et son acolyte anti-crypto Aurore Lalucq – plaide pour « obtenir une régulation plus stricte des crypto-actifs en Europe. » Cela à l’aide d’une nouvelle réglementation MiCA 2 présentées comme plus contraignante que sa version actuelle.
Toutefois, les dernières informations sur le sujet semblent mettre « l’épouvantail » Jean Luc Mélenchon hors course. Cela afin de désigner un candidat au « consensus », sans plus de précisions au moment de rédiger cet article. Une affaire à suivre pour estimer à quelle sauce les cryptos pourraient être cuisinées.
Le Rassemblement National (RN)
En ce qui concerne le Rassemblement National (RN), l’absence presque totale de prise en compte du sujet crypto semble atteindre son paroxysme. Et cela pourrait presque être une bonne chose compte tenu des positions tenues par Marine Le Pen en 2016. Une époque ou elle appelait effectivement à « empêcher l’usage des cryptomonnaies, telles que le Bitcoin, en France. »
Mais les choses ont apparemment évoluées depuis. Cela même si Jordan Bardella est actuellement comparé à une « épée de Damoclès au-dessus de la tech française » par certains acteurs des secteurs innovants hexagonaux, comme l’Intelligence artificielle (IA). Une technologie dont l’association aux cryptomonnaies promet pourtant de générer 20 000 milliards de dollars de richesse mondiale d’ici 2030.
Dans les grandes lignes, le RN souhaite contrôler le secteur des cryptomonnaies afin d’éviter les fraudes et la criminalité associée. Mais cela tout en notant l’intérêt qu’elles permettent d’obtenir dans le cadre d’un contournement possible des systèmes financiers traditionnels. Deux points qui semblent difficilement conciliables dans le cadre d’une politique crypto éclairée et effective.
Quoi qu’il en soit, aucun de ces trois partis ne mentionne les cryptomonnaies, le Bitcoin où même la blockchain dans son programme pour les législatives. Pas plus que lors d’autres élections passées, quelles que soient leurs portées nationales. ou européennes.
Des candidats favorables aux cryptomonnaies ?
Toutefois, certaines choses semblent évoluer au sein de la politique française. Mais, de toute évidence, cela ne viendra pas des principaux partis actuels. C’est la raison pour laquelle des alternatives voient le jour, afin de porter – ou d’intégrer – la question des cryptomonnaies. Au programme : le Parti Pirate et la candidature Bitcoin d’Aurore Galves-Orjol aux législatives.
Le Parti Pirate
Impossible de parler de la relation entre cryptomonnaies et politique française, sans aborder le Parti Pirate. En effet ce mouvement issu des pays nordiques prône comme point central de son programme une autonomie et une liberté absolue.
C’est la raison pour laquelle le sujet des cryptomonnaies est abordé comme un point essentiel. Ce dernier associé à des principes de liberté monétaire et financière. Mais d’autres points sont plus cryptographiques, comme la protection des données et la question des droits à l’ère du numérique.
Dans le cadre de son programme, le Parti Pirate revendique une position de type gauche libérale. C’est la raison pour laquelle il a appelé à se rassembler sous la bannière du Nouveau Front Populaire (NFP) dans le cadre des élections législatives, auquel il ne participe pas en son propre nom.
Plan B : la candidature Bitcoin aux législatives
Enfin, le meilleure moyen de terminer ce tour d’horizon du paysage politique français en lien aux cryptomonnaies est sans aucun doute la candidature d’Aurore Galves-Orjol aux législatives dans la 8ᵉ circonscription de l’Isère.
En effet, la jeune femme a surpris tout le monde en créant la toute première liste estampillée Bitcoin à une élection française. Avec un slogan simple et explicite : « Vous en avez assez de voter blanc ? Optez pour le vote orange ! »
Une opération avant tout destinée à positionner le Bitcoin comme un sujet à vocation politique et sociale, comme l’explique Aurore Galves-Orjol lors de son interview avec le Journal du Coin. Cela tout en lui offrant une visibilité indépendante de tout parti politique et de toute étiquette, puisque son financement est totalement privé.
« Le but était de mettre un coup de projecteur sur le Bitcoin. C’est mission accomplie ! Nous avons atteint notre objectif de valider une candidature et de pouvoir parler de Bitcoin dans une cadre politique. »
Aurore Galves-Orjol
Au programme : des questions monétaires, écologiques, de résilience numérique et de souveraineté énergétique présentées comme indissociables du Bitcoin. Serait-ce les prémices d’un lobby crypto à la française ? Une idée qui ne semble pas déplaire à Aurore Galves-Orjol. Car elle est bien décidée à peser sur des projets construits sans et contre les professionnels du secteur, comme le décret PSAN ou la réglementation MiCA.
Autant dire que le sujet des cryptomonnaies est encore loin de peser dans la balance politique française. Cela n’empêche pas certaines initiatives de tenter de combler ce trou béant avec des propositions pour le moment plutôt symboliques. Mais l’adoption grandissante de cette économie numérique finira bien par en faire un thème de campagne à part entière, comme c’est déjà le cas aux États-Unis. Une évolution à suivre…
Bien évidemment, cet article ne fait pas la promotion d’un parti ou d’une candidature précise. Il est simplement destiné à dresser un état des lieux du paysage politique français sous le spectre de la prise en compte des cryptomonnaies. Chacun exprimera librement son avis dans les urnes…