La Chine s’en prend au dollar : Les stablecoins américains doivent contre-attaquer selon un expert
Dollar versus Yuan. En plein cœur d’une période tendue sur le plan géopolitique, avec des tensions économiques exacerbées, l’inquiétude monte quant à la préservation des intérêts nationaux de chacun. Dans ce jeu de pouvoir où la blockchain pourrait redéfinir les règles de l’hégémonie monétaire, il est difficile pour certains de rester sereins. Paul Ryan, ex-président de la Chambre des représentants des États-Unis, est de ceux-là. Dans une récente tribune publiée par le Wall Street Journal, il plaide pour une riposte stratégique visant à contrer l’influence montante de la Chine. Son plan ? Prendre les devants en utilisant des stablecoins adossés au dollar. Explications.
Stablecoin : l’appel de Paul Ryan
Paul Ryan, leader du Parti républicain, souligne le besoin pour les États-Unis de mettre en avant les stablecoins. Pour lui, ces cryptomonnaies stablement indexées sur le dollar peuvent rendre la dette américaine nettement plus séduisante sur la scène internationale.
Face à un endettement public en constante augmentation, il est devenu impératif, d’après l’homme politique, de découvrir des solutions pour prévenir de potentiels bouleversements des marchés financiers afin de protéger la crédibilité internationale des États-Unis.
Dans ce sens, Paul Ryan plaide pour la création d’un cadre réglementaire robuste et prévisible pour les stablecoins. Il argumente que, contrairement à la monnaie numérique de banque centrale (MNBC) chinoise, les stablecoins liés au dollar et lancés sur des blockchains publiques reflètent les valeurs de liberté et de transparence propres aux États-Unis. Ils se présentent comme une option viable et attirante pour les investisseurs du monde entier. À l’inverse, le yuan numérique, lui, est perçu comme cloisonné et limitatif.
« Si d’autres pays parviennent à renforcer l’influence de leur monnaie tout en se débarrassant de la dette du Trésor, les États-Unis devront trouver de nouveaux moyens de rendre le dollar plus attractif. Les pièces stables adossées au dollar sont une réponse ».
La dette américaine : l’épée de Damoclès au-dessus du dollar
Comprenons bien la situation. La dette américaine constitue une véritable épée de Damoclès suspendue au-dessus de l’économie du pays et du dollar. Cette situation complexe et multiforme présente plusieurs enjeux.
La dette US, le boulet de l’Oncle Sam
D’abord, examinons son échelle. La dette nationale des États-Unis a franchi le cap des 31 000 milliards de dollars, dépassant 100 % du PIB. Elle s’accroît rapidement, principalement en raison des déficits budgétaires annuels où les dépenses gouvernementales surpassent les revenus.
De plus, les États-Unis doivent assumer des intérêts considérables sur cette montagne de dette, engloutissant une part du budget fédéral. Au fur et à mesure que la dette monte, ces intérêts pèsent davantage. Ils limitent les ressources disponibles pour d’autres priorités comme les infrastructures, la défense et les programmes sociaux.
Tous ces éléments mis bout à bout cultivent une atmosphère parfois tendue sur les marchés financiers. La confiance des investisseurs, importante pour le maintien de l’attrait des bons du Trésor américain, pourrait vaciller si des doutes sur la solvabilité des États-Unis émergeaient. Une érosion de cette confiance pourrait inciter les agences de notation à abaisser la cote de crédit du pays, ce qui entraînerait une augmentation des coûts d’emprunt.
Et ce n’est pas tout ! Dans cette équation, il faut aussi comprendre que cette dette nationale élevée exerce une pression à la hausse sur les taux d’intérêt. Elle rend l’emprunt plus coûteux pour les entreprises et les particuliers. À long terme, une dette trop élevée peut donc freiner la croissance du pays.
Le politique fait tout pour protéger le dollar !
De fait, la gestion de cette dette est un sujet brûlant au cœur des débats politiques. Elle influence les politiques fiscales et budgétaires. Les désaccords sur la manière de réduire la dette peuvent provoquer des blocages politiques et des crises, telles que les menaces de « shutdown » du gouvernement.
Enfin, le rôle central du dollar américain dans l’économie mondiale est indéniable. Une mauvaise gestion de la dette pourrait menacer ce statut et diminuer la demande internationale pour les bons du Trésor américains. D’autre part, une portion substantielle de la dette est détenue par des acteurs étrangers, y compris la Chine et le Japon, une inconnue de plus dans l’équation des relations diplomatiques et économiques mondiales, déjà fragilisées par des enjeux comme l’émergence du yuan numérique (e-CNY) qui défie le dollar et stimule les initiatives monétaires des pays BRICS.
BRICS versus USA : quand les cryptomonnaies sont un enjeu politique
De fait donc, dans l’échiquier politique, exacerbé par l’approbation des ETF Bitcoin au comptant, les cryptomonnaies ne sont plus seulement un sujet de curiosité technique. Elles sont désormais sur le devant de la scène, influençant la course à la présidence US de 2024. L’administration actuelle multiplie les tables rondes, tandis que l’ancien président Trump proclame haut et fort son soutien à l’industrie des cryptos made in USA.
Face à eux, la coalition des BRICS, composée du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud. Elle tente de défier la suprématie du dollar américain. Comment ? En cherchant activement des alternatives au billet vert, ces nations menacent directement son hégémonie. La Chine, en particulier, mène la danse avec son e-yuan qui commence déjà à être utilisée concrètement, comme en témoigne son intégration par HSBC Chine.
Néanmoins, l’e-yuan n’a pas encore séduit le grand public, malgré l’impulsion gouvernementale. Cette hésitation représente une aubaine pour les États-Unis. En adoptant et en promouvant les stablecoins basés sur le dollar, Washington pourrait non seulement contrer l’influence croissante de la Chine, mais également renforcer la position et la stabilité du dollar. C’est tout du moins ce que pense Paul Ryan.
« Les États-Unis ne peuvent pas se permettre de rester les bras croisés pendant que leurs rivaux internationaux, notamment la Chine et l’Arabie saoudite, traditionnels grands acquéreurs de notre dette, explorent activement des moyens de réaliser leurs transactions en dehors du système du dollar. »
Les stablecoins, vraiment la panacée pour le dollar ?
Paul Ryan soulève des points pertinents. Les stablecoins sont loués pour leur capacité à faciliter des transactions rapides, sécurisées et transparentes sur des blockchains ouvertes. Ils incarnent, du moins en théorie, un idéal de non-centralisation en harmonie avec les principes de liberté et de démocratie, et pourraient renforcer le prestige du dollar sur les marchés mondiaux.
Il argumente, :
« Face à la méthode rigide de la Chine concernant ses monnaies numériques, nos stablecoins, propulsés sur des blockchains ouvertes, sont imprégnés des valeurs profondément ancrées dans l’âme américaine de liberté et d’ouverture. »
Pourtant, ce tableau idéaliste mérite d’être nuancé. Certains stablecoins, bien qu’étiquetés « décentralisés », sont en pratique tout sauf cela. Pire ! Leur gestion et leurs garanties sont l‘affaire d’entités centralisées. Prenez les exemples de Tether (USDT) et USD Coin (USDC). Ce sont des stablecoins contrôlés par des sociétés qui gèrent les réserves en devises traditionnelles servant de garantie. Certaines entités peuvent même geler les fonds via une fonction implantée dans le code même du stablecoin, c’est le cas du PYUSD de Paypal.
D’un autre côté, les stablecoins pleinement décentralisés, comme DAI, exploitent des mécanismes basés sur des contrats intelligents automatisés et des réserves de cryptomonnaies surcollatéralisées pour opérer sans une autorité centrale dominante. Ces formes de stablecoins s’appuient sur la transparence des opérations sur la blockchain pour proposer une plus grande résistance à la censure et une adhérence authentique aux valeurs de décentralisation. Elles ne sont pas à l’abri des turbulences du marché et des défis associés à leurs mécanismes de régulation automatiques, pouvant aboutir à des situations où elles perdent temporairement, ou non, leur ancrage à une valeur stable. C’est ce que l’on appelle un depeg, c’est souvent un moment brutal pour le marché. Nous pouvons nous rappeler la chute spectaculaire du stablecoin d’Acala, ou encore le depeg de TrueUSD.
Conclusion
Pour conclure, réexaminons notre question centrale. Dans le contexte d’une concurrence mondiale qui s’intensifie, l’intégration des stablecoins adossés au dollar se présente comme une manœuvre cruciale. L’appel de Paul Ryan souligne l’urgence d’une réponse agile et robuste de la part des États-Unis. Établir un cadre réglementaire cohérent pour ces cryptomonnaies pourrait être décisif pour maintenir la prééminence du dollar et garantir la compétitivité économique américaine. Dans une arène mondiale où les alliances sont fluides et les enjeux élevés, il est essentiel de reconnaître que cet appel est davantage une manœuvre en faveur des intérêts américains qu’un plaidoyer désintéressé pour les cryptomonnaies.
Cependant, si nous élargissons la perspective, l’impact des stablecoins sur notre écosystème financier mérite une attention soutenue. Qu’il s’agisse des stablecoins à rendement ou du nouveau stablecoin de Tether indexé sur l’or, leur évolution continuera indéniablement de susciter des débats et des controverses. Ces instruments financiers façonnent et seront façonnés par la dynamique mondiale, influençant non seulement les marchés, mais aussi les politiques monétaires internationales.