Cryptomonnaies et régulation en France : la cour des comptes veut plus de sécurité
La France à l’avant-garde sur la régulation. La start-up nation, chère à notre Président, devrait se doter d’une règlementation plus stricte en matière de cryptoactifs, et ça, c’est la Cour des comptes qui le dit ! Cette institution supérieure est chargée de vérifier l’emploi des fonds publics et de sanctionner les manquements à leur bon usage, et elle publie à cet effet des rapports à destination des décideurs politiques nationaux qui les prennent en compte (ou pas). Aujourd’hui, Pierre Moscovici et ses équipes ont publié un document qui fait le point sur la régulation du secteur des cryptoactifs et leur message est clair : il faudrait faire plus et mieux.
Les modèles français et européen sont à améliorer
Dans une introduction rapide, la Cour des comptes (CDC) rappelle les enjeux de la régulation de ce secteur en précisant qu’au delà du rôle actuellement marginal de la cryptomonnaie dans le paysage financier mondial, son « développement constitue toutefois un défi pour les États en termes de contrôle des flux et de stabilité financière ». Les auteurs enchainent ensuite avec la situation dans l’Hexagone, où ils rappellent qu’il existe deux niveaux graduel de contraintes qui encadrent les Prestataires de Services sur Actifs Numériques (PSAN) qui sont délivrés par l’Autorité des Marchés Financier (AMF).
Mais cette situation n’est pas satisfaisante pour la CDC, car seule une société a pu obtenir le deuxième niveau d’agrément optionnel, ce qui est trop peu pour vraiment encadrer les pratiques. De plus, il est compliqué de lutter contre les plateformes offshores qui proposent des services aux français, d’où l’impérieuse nécessité d’une règlementation continentale. A ce sujet, le règlement Market in Crypto Asset (MiCA) applicable dans toute l’Europe est certes une avancée règlementaire importante, mais sa mise en place demandera de lourdes adaptations nationales. La France voudrait en effet rajouter une couche de contrôle à celle exercée par l’Union Européenne car, dans le projet initial, n’importe quelle plateforme enregistrée dans un des 27 pays de l’UE pourrait légalement fournir des services à tous les autres. Or ça, Paris ne le souhaite pas et a prévu « un enregistrement renforcé » supplémentaire.
Ceci pourrait conduire à un encombrement des services de l’AMF et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) qui seront chargés de ces contrôles intra-européens.
La lutte contre les fraudes et la fiscalité demandent à être perfectionnée
A propos de contrôle et de régulation, la CDC va rappeler que certaines caractéristiques inhérentes à la cryptomonnaie appellent à un maximum de vigilance et que « l’anonymat des portefeuilles et le caractère entièrement virtuel des flux, présentent un risque élevé quant au financement d’activités criminelles via les cryptoactifs ». C’est pourquoi les services en charge de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme essayent en permanence de s’adapter pour prendre en compte ses spécificités. Cependant, malgré une extension de la loi PACTE aux PSAN, « l’État gagnerait à développer des outils en complément de ceux dont il dispose actuellement » pour encadrer l’ensemble des pratiques à risque, et le Far-West des NFT est cité en exemple.
Enfin, le dernier point abordé par la CDC est la fiscalité française des cryptoactifs qui est clairement inefficace à plusieurs niveaux. Il y a tout d’abord le manque d’informations qui remontent à l’administration fiscale et qu’il faut revoir. À revoir également, l’imposition obligatoire de chaque passage par une monnaie fiat ou de chaque paiement en cryptomonnaie, car ce dispositif est « inadapté à l’utilisation des cryptoactifs comme moyens de paiement dans la mesure où le règlement MiCA fait des jetons de monnaie électronique une catégorie à part entière des cryptoactifs ».
De même, il faudrait peut-être sortir les NFT de la catégorie des actifs financiers vu les utilisations multiples et variées que l’on peut en faire aujourd’hui. Finalement, la CDC appelle les pouvoirs publics à prendre conscience des changements majeurs qui se profilent à l’horizon et surtout à mettre en place « une stratégie viable » en la matière. La CDC a fait son boulot et a publié son rapport. La balle est maintenant dans le camp du pouvoir législatif qui va devoir se mettre rapidement en ordre de marche au niveau national et continental.