Cryptomonnaie, terrorisme et actualité : le difficile traitement de l’information en temps de guerre
Le poids des mots, le choc des photos. Opération terroriste de grande envergure en Israël. Exécutions sommaires de femmes et d’enfants dans les Kibboutz. Crimes de guerre. Prises d’otages. Représailles. Bombardements. Victimes civiles dans la bande de Gaza. Indignation(s) internationale(s) à géographie variable.
L’actualité de la semaine qui vient de s’écouler aura été marquée par des événements dramatiques dont le récit fait froid dans le dos et qui obligent à la plus grande prudence. Saturés d’informations et d’images plus ou moins sourcées, de témoignages et de prises de positions pas toujours pertinentes, les médias et les réseaux sociaux deviennent les caisses de résonance de la complexité extrême de la situation qui voudrait opposer sans fin deux camps. Délicat de trouver une place pour évoquer Bitcoin dans un tel déferlement d’émotions et d’injonctions contradictoires.
Préambule
Mais une petite semaine après que l’État d’Israël a été la victime d’une attaque terroriste d’une ampleur sans précédent, l’heure est de nouveau venue de reparler crypto dans cette partie du monde. Sans chercher à faire du sensationnel, sans vouloir à tout prix trouver un angle purement cosmétique et sans prétendre tout comprendre aux événements, non, juste en faisant ce qu’on sait faire le mieux : vous informer sur l’actualité du Web3. Que celle-ci soit légère ou pesante, drôle ou désespérante, polémique, voire clivante.
Voici donc ce que l’on peut dire aujourd’hui sur l’utilisation de la cryptomonnaie dans l’opération du Hamas et de la réponse des forces israéliennes dans les jours qui ont suivi. Les faits, rien que les faits.
Le Hamas collecte des fonds en crypto depuis longtemps
Petit retour en arrière, il y a seulement quelques mois, quand l’ensemble des rédactions spécialisées titraient sur l’arrêt des appels aux dons en cryptomonnaies lancés par le Hamas. À cette époque-là, l’information principale était que Bitcoin étant trop traçable et trop transparent, le Mouvement de Résistance Islamique – le Hamas – cessait de l’utiliser pour protéger ses donateurs. À l’heure où les grands médias ne cessaient de répéter que la crypto servait le terrorisme et le grand banditisme, c’était une petite victoire pour la communauté. Mais, elle n’aura été que de courte durée.
Puisque, malheureusement, le mouvement palestinien fondé en 1987 utilisait manifestement toujours la crypto pour se financer. Reuters et Coindesk ont cité un communiqué de la police israélienne qui confirme cela quelques heures seulement après l’attaque de samedi matin :
« Selon certaines sources, lors du déclenchement de la guerre, l’organisation terroriste Hamas a lancé une campagne de collecte de fonds sur les réseaux sociaux, exhortant le public à déposer des cryptomonnaies sur ses comptes. »
Communiqué de la police israélienne – Source : Reuters
Les forces spéciales du pays ont donc été mobilisées pour mettre un terme à ces levées de fonds. La cyber-unité de l’État hébreu, le ministère de la Défense, mais aussi différentes agences de renseignements ont réussi à localiser et à geler les comptes crypto concernés qui étaient pour beaucoup hébergés chez Binance.
Binance en première ligne dans la lutte contre le terrorisme
Et, ce n’est pas la première fois que l’exchange est confronté à ce genre de situations et qu’il reçoit des demandes émanant d’États, de gouvernements ou d’agences. En juin dernier déjà, les équipes de la plateforme crypto avaient ainsi gelé 190 comptes appartenant à des personnes fortement soupçonnées d’avoir des liens avec diverses organisations terroristes internationales. Mais retour à la semaine dernière et à l’opération menée par les forces israéliennes, appuyées par les techniciens de Binance. Voici la déclaration officielle des porte-paroles de l’exchange :
« Au cours des derniers jours, notre équipe a travaillé en temps réel, 24 heures sur 24, pour soutenir les efforts en cours pour lutter contre le financement du terrorisme. Binance s’associe activement avec les agences mondiales d’application de la loi et les régulateurs. »
Porte-parole de Binance à propos de la traque des portefeuilles crypto utilisés par le Hamas – Source : Reuters
Quant à la façon dont ils s’y sont pris pour remonter la piste de la crypto, les déclarations sont plutôt évasives, probablement pour des raisons évidentes de confidentialité et de sécurité :
« Les données que nous utilisons pour identifier les individus, les adresses et les infrastructures associées à des organisations spécifiques proviennent des renseignements fournis par les forces de l’ordre et les outils d’enquête que nous avons développé avec nos partenaires. »
Porte-parole de Binance à propos des techniques utilisées pour remonter la piste des portefeuilles – Source : Reuters
La solidarité internationale s’exprime aussi en BTC, en ETH et en USDT
Enfin, ironie de la situation, la dernière collecte de fonds de l’organisation Hamas, retrouvée par le journal économique local Calcalist, donnait les coordonnées d’un compte à la banque anglaise Barclays pour faire les dons. Comme quoi les terroristes n’ont pas attendu les monnaies numériques pour se financer et mener des actions violentes. Un article récent de Coindesk montre d’ailleurs que Bitcoin et les autres cryptos ne représentent qu’une petite partie de la stratégie de collecte de fonds du Hamas.
Dernière information autour de ces événements au Moyen-Orient, on a appris ces derniers jours qu’une cagnotte a été lancée par l’écosystème crypto d’Israël pour soutenir les familles des victimes et celles des soldats engagés dans les opérations militaires en cours. Il est possible d’envoyer des fonds dans les trois premières cryptomonnaies du marché : Bitcoin (BTC), Ethereum (ETH) et USDT. Le site s’appelle Crypto Aid Israel. Du côté palestinien, on recourt aussi à la collecte de fonds en crypto depuis la semaine dernière. Le média Decrypt avance le chiffre de 10 000 dollars récoltés par différentes organisations caritatives du monde arabe pour venir en aide aux habitants de Gaza.
Une semaine après les premiers coups de feu et 30 ans après les accords d’Oslo, les perspectives d’une paix durable dans la région semblent s’éloigner inexorablement. Les voix pacifistes et les personnalités modérées vont avoir bien du mal à se faire entendre dans ce contexte belliqueux de vengeance, de représailles et de rancœurs entretenues par les extrémistes des deux camps. Si la crypto refait parler d’elle, nous serons là pour le documenter. En attendant, nous aimerions finir sur un message d’espoir ou quelque chose de positif, mais là, tout de suite, c’est compliqué.