L’ICE et Bakkt : une mauvaise nouvelle pour Bitcoin ?
Lorsqu’elle parle des dérives de Wall Street, Caitlin Long est en terrain connu. Avec 22 ans d’expérience dans le monde de la finance, cette diplômée d’Harvard est également une partisane assumée de Bitcoin. Après la récente déclaration de l’ICE, annonçant la création du Bakkt, Caitlin Long a partagé son avis quant à l’arrivée de ce géant dans le monde crypto. Alors, est-ce une bénédiction, ou est-ce tout le contraire ?
L’épée à double tranchant
Certains voient l’arrivée des institutionnels comme une vraie bonne nouvelle. En effet, cela ne manquera pas d’attirer de nouveaux investisseurs, tout en rassurant les organismes tels que la SEC. De plus, les levées de capitaux en cryptoactifs pourraient désormais tenter les grandes entreprises, et pourquoi pas transformer les échanges d’actions en échanges de tokens classés « securities » ?
Mais Long ne le voit pas de cet œil, ou du moins pas seulement.
« Mais la nouvelle de l’ICE à également des aspects négatifs. […] Le seul moyen que Wall Street aura de contrôler les cryptomonnaies serait de les financer via l’effet de levier – en créant davantage de titres sur les coins qu’il n’y a de coins pour les supporter, influençant ainsi le prix des coins sous-jacents via les marchés dérivés. » Caitlin Long
Le fait étant que cette pratique n’a rien de neuf dans le monde de la finance, et Long s’en était déjà aperçue, étant à l’époque aux premières loges pour voir se dérouler la crise financière de 2008, où les produits dérivés sur les crédits « dépassaient de 10 fois la taille du marché des obligations sous-jacentes ». C’est d’ailleurs à la suite de cette crise et du tristement célèbre krach de 2008 que Bitcoin fut créé. Ainsi, alors que Satoshi Nakamoto luttait contre le système de réserve fractionnaire, la boucle est bouclée, et l’ICE pourrait introduire cette notion au sein d’un écosystème qui doit en grande partie son existence à la lutte contre cette même notion.
De par sa nature, le bitcoin est « rare ». Il n’y aura jamais plus de 21 millions de BTC, et c’est d’ailleurs l’une des principales forces de la devise. C’est un simple mécanisme d’offre et de demande, ce qui est rare est cher (si vous nous permettez le syllogisme). En créant des obligations sur Bitcoin, sans pour autant que ces dernières ne soit supportées par de réels BTC, Wall Street pourrait dramatiquement impacter sur ce concept-clé de Bitcoin. Ces obligations pourraient voir le jour plus tôt que prévu. En effet, les HODLeurs sont légions dans la crypto-sphère, et « prêter » ses BTC afin de permettre la création de produits dérivés est absolument hors de propos. Même contre bénéfice, qui accepterait de donner sa clé privée ? Cette attitude pourrai donc pousser les institutionnels à créer des obligations sans coins pour les supporter, ce qui, à terme, pourrait conduire à d’importantes sur/sous-évaluations du prix.
Le loup dans la bergerie
D’une manière plus personnelle, je reste à chaque fois perplexe lorsque je vois la crypto-sphère se réjouir de l’arrivée d’institutions de cet acabit. Après tout, l’inception de Bitcoin s’est faite pour s’échapper à ces mêmes institutions, alors pourquoi diable les accueillir à bras ouvert ?
Évidemment, l’entrée des grandes institutions est une fatalité. L’argent est là, et le potentiel lucratif est bien trop énorme pour le laisser passer. Mais devons nous pour autant laisser Wall Street transformer la crypto-sphère en terrain de jeu et d’expérimentations pour baleines ?
Les volontés d’auto-régulation se font de plus en plus fréquentes, et ce serait, selon moi, l’une des méthodes les plus efficaces afin de lutter contre des pratiques financières douteuses. Bien sûr, c’est la liberté du marché crypto qui fait sa force, mais la régulation se fera, d’une manière ou d’une autre. Ainsi, nous sommes potentiellement à un tournant majeur dans l’industrie crypto. Allons-nous laisser les mêmes entités que nous avons fui toute notre vie nous dicter les règles d’un jeu qu’ils ne connaissent que trop ?
Que s’est-il passé ? Pourquoi certains se réjouissent de l’arrivée du « grand méchant loup » ? Et si on choisissait de se passer de Wall Street ?
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Sources : Forbes ; Wikipedia : lien1 ; lien2 ; lien3 || Images from Shutterstock