Cauchemar SBF : un an après, retour sur la faillite dévastatrice de FTX
Le 11 novembre est un jour historiquement consacré à la paix. Mais pas pour tout le monde. Il y a un an, jour pour jour, le géant FTX, numéro deux des exchanges leaders sur le marché, déclarait sa faillite sous le Chapitre 11 aux USA, et s’effondrait, entrainant dans son sillage 130 start-ups gravitant dans son écosystème. Sam Bankman-Fried, architecte, reconnu coupable de cette fraude massive, abdiquait, laissant derrière lui un crypto champ de ruines.
Cette date, marquée dans l’esprit collectif pour l’armistice de la Grande Guerre, est devenue un symbole amer, laissant une cicatrice indélébile sur un secteur encore en pleine adolescence. Le Journal du Coin, témoin de cette chute spectaculaire, titrait alors sans détours : « FTX, c’est fini ». La rédaction s’activait au rythme des brèves et autres breakings parfois plus surprenantes et glaçantes les unes que les autres.
La récente clôture du procès de Sam Bankman-Fried a jeté une lumière crue sur les rouages internes de FTX. En cette commémoration peu glorieuse, à nous de démêler l’écheveau complexe des événements ayant conduit à l’effondrement d’un empire valorisé à plus de 13 milliards de dollars. Comment un titan de la crypto a-t-il pu chuter si abruptement ? Quels furent les signes avant-coureurs et les décisions fatidiques ? C’est ce que nous allons voir, en reconstituant pas à pas le chemin qui a mené à l’une des plus grandes débâcles financières de ce siècle.
Les Affranchis : Alameda, les fondations d’un empire fragile
En 2017, le secteur crypto découvre un nouvel acteur : Alameda Research. Fondée par Sam Bankman-Fried (ancien trader de chez Jane Street), surnommé SBF, et son acolyte du MIT, Gary Wang, cette start-up était le fruit d’une rencontre fortuite à Boston, berceau d’innovations.
Avec son approche avant-gardiste, Alameda se destinait à bousculer les codes établis du trading cryptos. Bien que brillante, la structure de l’entreprise cachait cependant, dès ses débuts, des fragilités.
Les témoignages et preuves du procès SBF ont été une mine d’informations à ce sujet. Des documents ont évoqué la perte de millions de dollars en jeton XRP révélant une comptabilité parfois bancale. Première carte mal posée dans le château de SBF.
En effet, dans un brouillon de thread rédigé en 2022, alors qu’il envisageait la fermeture d’Alameda, SBF évoque cet incident sous ces mots :
« En février 2018, nous sommes devenus paresseux – et notre comptabilité était paresseuse – et nous avons perdu la plupart de ce que nous avions gagné. Les employés étaient tristes, en colère et frustrés, et je n’avais aucune idée de quoi faire à ce sujet.
Ce n’est que lorsque l’entreprise s’est scindée en deux que j’ai compris les faits suivants :
Source : The Block
a) En fin de compte, tout est de ma responsabilité ;
b) Je ne peux pas rendre tout le monde heureux, et si les gens sont mécontents, ils devraient partir ;
c) La chose la plus importante est que je m’assure que nous faisons les bonnes choses en tant qu’entreprise. »
FTX, l’arbre planté pour cacher la forêt
En mai 2019, SBF a franchi un nouveau palier dans son projet : le lancement de la plateforme crypto FTX, ajoutant ainsi un nouvel étage à son château de cartes déjà impressionnant. Le 8 mai, c’est le coup d’envoi pour le FTT, le token emblématique de FTX.
La plateforme a rapidement gagné en notoriété, se construisant autour de la personnalité atypique et du look négligé de Sam Bankman-Fried, très vite surnommé le Mozart de la crypto. Avec FTX, SBF se fait remarquer doublement. Car la plateforme de SBF devient un concurrent direct de Binance, dirigée et fondée par Changpeng Zhao.
Cependant, même durant cette période de croissance apparente, des manœuvres moins visibles se jouaient en coulisses. Le témoignage de Nishad Singh, ancien chef de l’ingénierie de l’exchange crypto, lors du procès de SBF a révélé des détails intrigants : SBF lui-même avait demandé à Nishad d’accorder à Alameda Research une autorisation spéciale.
Cette autorisation, loin d’être anodine, permettait à Alameda de puiser dans les fonds de FTX pour couvrir certaines dépenses. Une pratique qui, bien que discrète à l’époque, jetait les bases de complications futures et soulevait des questions sur la séparation des finances entre les deux entités.
Juillet 2019 marque un tournant décisif : Nishad Singh procède à une modification du code. Il implémente une fonction nommée « Allow Negative », ouvrant la porte à un découvert illimité pour Alameda. Caroline Ellison évoque lors du procès une autorisation de 65 milliards de dollars.
Ce changement, apparemment technique, cachait en réalité une manœuvre frauduleuse : SBF avait lui-même confirmé à un trader que cette autorisation spéciale permettait à Alameda d’opérer sur FTX avec des montants supérieurs à ses propres fonds.
Par ailleurs, les révélations de Gary Wang expliquent que dès la fin de l’année 2019, le solde négatif d’Alameda surpassait celui de FTX. Une nouvelle « carte cornée » est ajoutée aux châteaux de SBF. Des documents ultérieurs ont révélé que SBF, loin de se désengager, détenait en réalité une part majoritaire de 90 % dans Alameda Research, avec les 10 % restants appartenant à Wang, et ce, jusqu’en novembre 2022.
2021 : FTX fait le casse du siècle
FTX poursuit son marketing agressif en 2020 – 2021, visant à s’ancrer fermement dans le paysage crypto. Début avril 2021, FTX avait notamment signé un contrat de 19 ans (et 135 millions de dollars) avec le comté de Miami, afin d’apposer son nom sur la salle du Heat, devenue donc la FTX Arena. Elle ne le sera restée que quelques mois puisqu’un juge a accepté la demande du comté de rompre le contrat et de retirer le nom de la défunte société. Nous pouvons également retenir sur cette période les centaines de millions de dollars donnés par plusieurs voies (Nishad Singh, mais aussi le frère, le père et la mère Bankman-Fried) à différents politiciens américains.
Un rapport du Financial Times (en date du 2 décembre 2022) a mis en lumière un exemple frappant : un trader avait pris une position considérable sur MobileCoin, un pari qui s’est avéré désastreux. Alameda Research, engagée dans cette transaction, a subi, encore, des pertes colossales, se chiffrant en centaines de millions de dollars.
En coulisses, au début de l’année 2021, des discussions entre FTX et Paradigm prennent forme, annonçant une nouvelle phase dans l’évolution de FTX. C’est également à ce moment-là que se profile une figure clé de l’affaire FTX : Adam Yedidia.
En tant que bras droit de Singh, Yedidia joue un rôle essentiel dans les opérations internes, travaillant étroitement à ses côtés. Sa contribution ? Le développement et l’automatisation du fameux code Allow Negative pour le compte North Dimension, une entité écran conçue pour gérer discrètement les fonds des clients de FTX vers Alameda.
En avril, alors que FTX intensifiait donc son marketing, les discussions avec Paradigm, potentiel investisseur, continuaient. Les équipes de Paradigm, menées par Matthew Huang, témoin dans le procès FTX, exprimaient ouvertement leurs doutes sur un éventuel investissement dans FTX.
Huang a partagé ses inquiétudes concernant la relation entre FTX et Alameda. SBF a insisté, lui, sur l’absence de tout traitement préférentiel entre les deux sociétés. Une affirmation qui s’avérera plus tard fausse, vous vous en doutez.
Le 25 avril, Sam Bankman-Fried adresse une note à certains membres de Paradigm, un e-mail intitulé « Statistiques FTX, 2021, 23 avril ». En juillet 2021, malgré les inquiétudes soulevées par des tableaux et statistiques, dont la fiabilité sera plus tard mise en question, Paradigm investit 125 millions de dollars dans le cycle de financement de série B de FTX.
Quelques semaines plus tard, en septembre 2021, FTX déménage aux Bahamas.
Sea, CEX and crypto
Octobre 2021 marque une nouvelle étape du côté d’Alameda Research : Caroline Ellison et Sam Trabucco sont nommés co-PDG. Officiellement, Sam Bankman-Fried (SBF) s’écarte de la gestion quotidienne d’Alameda.
Cependant, et comme souvent dans notre affaire, les apparences sont trompeuses. Durant cette période, SBF, est en contact étroit avec son ancienne petite amie et bras droit, Caroline Ellison. Ils développent une notion exacerbée de l’altruisme efficace et se voient conquérir le monde. Une philosophie qui pousse la philanthropie à l’extrême : l’objectif était alors de gagner le plus d’argent possible… afin de le donner, et ce, quels que soient les risques. L’utilité se mesurant aux nombres de vies sauvées ou améliorées au détriment des risques pris.
Dans cette dynamique de gestion des risques, SBF avait, d’après de nombreux témoignages, toujours la même martingale en tête : gagner plus et toujours plus.
Il demande alors à Caroline Ellison d’emprunter autant de fonds que possible. Ces fonds, selon SBF, sont destinés à financer une nouvelle aventure, FTX Venture. Parallèlement, SBF pousse Ellison à dissimuler les pertes occasionnées par un dysfonctionnement dans le système de marge. Durant son témoignage lors de son propre procès, SBF évoque ce bug en parlant d’une « liquidation erronée d’Alameda ».
Adam Yedidia, met au jour l’erreur dans le système de marge. Ce défaut technique avait créé une distorsion financière. Yedidia s’attèle à la correction du bug. Parallèlement, un changement subtil, mais notable s’opère dans la gestion des dépôts des clients. Ces derniers, maintenant destinés à FTX Digital Markets, une entité bancaire de FTX, continuaient en réalité de transiter par Alameda. Une manœuvre qui perdurera jusqu’en 2022.
La gestion des risques est mauvaise, la ligne de crédit d’Alameda encore plus importante qu’il n’y parait. FTX cherche alors des fonds pour limiter la casse. Les tiroirs sont raclés jusqu’en Chine. Un pot-de-vin de 100 millions de dollars aurait été versé pour libérer 1 milliard de dollars de fonds gelés par le gouvernement chinois, dans le cadre d’une enquête de blanchiment d’argent sur les plateformes crypto Huobi (renommé depuis HTX) et OKX.
Encore une fois, le témoignage de Caroline Ellison nous en apprend plus sur cette affaire (qui sera a priori jugée en 2024) :
« Sur OKX, nous avons créé plusieurs comptes en utilisant les identifiants de différentes personnes qui, je crois, étaient des prostituées thaïlandaises, et nous avons essayé de faire en sorte que notre compte principal perde de l’argent et que ces autres comptes gagnent de l’argent, mais ça n’a pas marché (…) Un autre employé d’Alameda avait évoqué l’idée de soudoyer un responsable chinois pour débloquer les comptes. Sam était initialement contre l’idée, mais il a fini par y adhérer. »
Caroline Ellison – Source : The Block
2022 : FTX implose
Alameda sous pression
Au début de l’année 2022, Paradigm, décide de renforcer sa position en injectant 150 millions de dollars supplémentaires lors d’un tour de financement de série C. Cette nouvelle injection porte leur investissement total à un impressionnant 278 millions de dollars.
Notons qu’il s’agit d’une des plus vastes levées de fonds du secteur, rassemblant près de 900 millions de dollars auprès de divers investisseurs.
Nous avons exprimé nos inquiétudes quant à une fuite de l’argent vers Alameda. Nous étions préoccupés. Nous attendons des gens qu’ils fassent ce qu’ils disent (…) Nous avons investi 278 millions de dollars. Nous avons tout perdu.
Matthew Huang – Source : Journal du Coin
En mai 2022, un vent de panique souffle sur le marché des cryptomonnaies. Le krach de Terra (LUNA) déclenche une onde de choc, plongeant de nombreux acteurs du secteur dans une crise profonde.
C’est dans ce contexte tumultueux que Caroline Ellison, exprime pour la première fois des inquiétudes sur l’insolvabilité de l’entreprise. Elle découvre que pas moins de 5 milliards de dollars ont été alloués à des investissements en capital-risque et à des dons en cryptomonnaies, orchestrés par Sam Bankman-Fried (SBF) lui-même.
À mesure que le printemps 2022 avance, l’étau se resserre autour de FTX et Alameda Research. Chez LedgerX, une filiale de FTX, des employés découvrent qu’Alameda bénéficie d’un traitement de faveur dans le code de la plateforme. Cette pratique, dissimulée sous des couches de programmation complexe, révèle un avantage concurrentiel inéquitable accordé à Alameda. L’employé lanceur d’alerte est promptement licencié.
Juin 2022. Alors que le tumulte causé par l’effondrement de Terra commence à s’apaiser, il est temps pour les sociétés de SBF de faire face à une réalité financière alarmante. Sam Bankman-Fried, accompagné de ses trois principaux collaborateurs, se penche sur une feuille de calcul dévoilant un gouffre financier abyssal chez Alameda : un déficit de 10 milliards de dollars. Dans le même temps, Adam Yedidia, agissant sous les instructions de SBF, met un point final à la correction d’un bug critique et confirme le déficit. Il démissionne dans la foulée en découvrant qu’Alameda devait plus de 8 milliards de dollars aux clients de FTX.
Le 14 juin 2022 se dresse comme un mur de réalités incontournables pour Alameda Research. Face à eux, Genesis, un des principaux créanciers, exige le remboursement d’un prêt de 400 millions de dollars.
Caroline Ellison adresse un message teinté d’une diplomatie urgente à Genesis :
« Je tiens à vous exprimer ma sincère gratitude pour votre coopération dans cette affaire. Comme vous pouvez l’imaginer, les demandes de remboursement affluent de toutes parts. Notre volonté est de vous assister, sous réserve de pouvoir honorer l’ensemble de nos engagements. »
Cette période voit également d’autres prêteurs tiers réclamer avec insistance le recouvrement de leurs fonds, accentuant la pression sur un Alameda déjà acculé par ses engagements financiers écrasants.
Dans ce contexte, pour calmer ses prêteurs, Caroline Ellison prépare 7 bilans et projections. Chacune de ces projections offre une perspective distincte sur la santé financière de l’entreprise. C’est finalement Sam Bankman-Fried qui tranche, optant pour une version qui masque le déficit de 10 milliards de dollars.
Sam Trabucco démissionne
Peu de temps après, le 24 août, Sam Trabucco annonce finalement sa démission sur les réseaux sociaux à travers un texte qui a de quoi faire grimacer, surtout lorsque l’on sait ce qu’il se passait alors en coulisse :
Sur le bonheur :
L’année dernière, lorsque Sam Bankman-Fried a annoncé que Caroline et moi étions les co-PDG d’Alameda, l’objectif de toutes les personnes impliquées était d’aligner les titres sur la réalité – nous agissions tous les deux en tant que PDG, et nous voulions que notre image extérieure le reflète.
C’est avec le même objectif que j’annonce aujourd’hui que je quitte mon poste de co-CEO d’Alameda Research – Caroline Ellison restera PDG d’Alameda. Je resterai en tant que conseiller, mais je ne continuerai pas à avoir une forte présence quotidienne dans l’entreprise.
Au cours des derniers mois, j’ai considérablement réduit mon rôle au sein d’Alameda. Cela s’est fait progressivement, et plus récemment, j’ai passé beaucoup de temps à ne pas travailler du tout – et certainement pas à agir en tant que PDG de l’entreprise.
La raison en est assez simple : je ne peux pas continuer à justifier l’investissement en temps nécessaire pour être au cœur d’Alameda. Tout le monde travaille très dur ici, et il est difficile de passer un temps « normal » au travail, surtout quand on essaie d’être un leader.
Alameda est un endroit formidable – les problèmes que nous résolvons ici restent les plus intéressants que je connaisse, et l’équipe reste la plus impressionnante que j’aie jamais connue. C’est un environnement où il se passe tellement de choses que le travail peut facilement devenir votre vie – et pendant longtemps, j’ai adoré cela.
Pendant des années, je n’ai rien trouvé de plus intéressant à faire de mon temps que de le donner à Alameda. Honnêtement, c’est une expérience passionnante à laquelle je participe, même si elle est difficile, épuisante et dévorante. Mais j’ai atteint un stade de ma vie où je dois donner la priorité à d’autres choses.
Je crois que c’est à peu près tout. Mon poste à Alameda a été le plus formateur de ma vie. J’ai appris à réfléchir, j’ai découvert jusqu’où je pouvais aller, et j’ai vécu l’expérience incroyable d’être dans les tranchées avec des amis de toujours – et de gagner.
Tout cela va me manquer, vraiment. Mais si j’ai appris quelque chose à Alameda, c’est comment prendre de bonnes décisions – et c’est la bonne pour moi.
Sam Trabucco. -Source : X
Novembre 2022 : touché coulé pour FTX
CoinDesk lance une bombe à retardement
Reprenons le mois jour par jour. Ou presque. Le 2 novembre, Coindesk frappe un grand coup en publiant un article sur le bilan financier d’Alameda. Le média titre alors : Les profits de l’empire cryptographique de Sam Bankman-Fried s’estompent sur le bilan de son Titan Alameda.
Dans les détails, sur le document financier que CoinDesk aurait consulté, les actifs de la société au 30 juin de cette année étaient constitués de 3,66 milliards de dollars de « FTT non verrouillés », sur un total de 14,6 milliards de dollars. Le passif affichait 292 millions de dollars de FTT, sur un total de 8 milliards de dollars. Problème.
Après quelques jours de silence lourd, Caroline Ellison prend la parole. Le 6 novembre, elle se prépare à lancer une contre-offensive sur Twitter :
« Quelques notes sur les informations comptables qui ont circulé récemment : – ce bilan spécifique concerne un sous-ensemble de nos sociétés, nous avons > 10 milliards de dollars d’actifs qui n’y sont pas reflétés (…) le bilan présente quelques-unes de nos plus grosses positions longues ; nous avons évidemment des couvertures qui ne sont pas cotées – étant donné le resserrement de l’espace de crédit crypto cette année, nous avons déjà remboursé la plupart de nos prêts ».
Caroline Ellison – Source : X
Vous vous en doutez, c’était faux.
Changpeng Zhao et Binance règlent leurs comptes
Le 6 novembre, Changpeng Zhao, le dirigeant de Binance, entre en scène. Sa déclaration ressemble à un coup de tonnerre dans le ciel : il annonce son intention de vendre l’ensemble des FTT détenus par Binance.
Comprenez que ce geste n’est pas anodin, car Binance n’est pas un simple spectateur dans cette affaire. En tant qu’investisseur initial ayant contribué à l’essor de FTX, Binance a ensuite revendu ses parts à FTX en échange de FTT. Leur décision de vendre devient un signal d’alarme retentissant pour le marché. Une première carte s’écroule… enfin.
Dans le cadre de la sortie de Binance des fonds propres de FTX l’année dernière, Binance a reçu l’équivalent de 2,1 milliards de dollars en espèces (BUSD et FTT). Suite à de récentes révélations, nous avons décidé de liquider tous les FTT restants dans nos registres.
Changpeng Zhao – Source : X
Le coup de poker de Caroline Ellison
Caroline Ellison contre-attaque sur le terrain de Twitter. Elle réplique publiquement à Changpeng Zhao, annonçant l’intention d’Alameda d’acheter les jetons FTT de Binance pour 22 $ chacun. Ce coup de bluff, ne fait qu’exacerber la panique sur le marché. Le cours du FTT s’effondre, plongeant les graphiques boursiers dans le rouge.
CZ, si tu cherches à minimiser l’impact du marché sur tes ventes FTT, Alameda se fera un plaisir de t’acheter le tout aujourd’hui à 22 $ !
Caroline Ellison – Source : X
Lors de son témoignage au procès SBF, Caroline Ellison est revenue sur ce moment. Elle a révélé l’existence d’une note rédigée par SBF le 6 novembre. Dans cette note, Bankman-Fried accuse Binance, d’avoir orchestré une « campagne de relations publiques contre nous ».
Le 11 novembre : la faillite de FTX
Le matin du 7 novembre, alors que la crise de FTX atteint son paroxysme, SBF communique sur Twitter pour rassurer son public. Il attribue la lenteur des retraits à la fermeture des banques, une explication qui semble rassurante, en surface.
Cependant, la réalité en coulisses est bien plus alarmante, comme l’a révélé Gary Wang lors de son témoignage. Wang a expliqué que la véritable cause de la réduction des retraits était le manque criant de liquidités sur la plateforme, déjà sérieusement vidée de ses actifs.
Pendant ce temps, SBF maintenait une façade de confiance, assurant que les actifs de FTX étaient en bon état et suffisants pour couvrir les avoirs de tous ses clients.
Le 8 novembre, Binance propose de racheter FTX.
Cet après-midi, FTX a demandé notre aide. Il y a une crise de liquidité importante. Pour protéger les utilisateurs, nous avons signé une lettre d’intention non contraignante, dans le but d’acquérir la totalité de FTX.com et d’aider à couvrir la crise de liquidité.
Changpeng Zhao – Source : X
Il y a beaucoup de choses à couvrir et cela prendra du temps. Il s’agit d’une situation très dynamique que nous évaluons en temps réel. Binance a la possibilité de se retirer de l’accord à tout moment. Nous nous attendons à ce que la TTF soit très volatile dans les jours à venir, en fonction de l’évolution de la situation.
Pour retirer sa proposition dés le lendemain. Le 10 novembre, SBF discute avec Wang de déclarer faillite. Il s’excuse publiquement et admet « avoir merdé ».
Je suis désolé. C’est la chose la plus importante. J’ai merdé et j’aurais dû faire mieux.
Sam Bankman-Fried – Source : X
Alors pas encore inculpé – retenons que jusqu’au bout de son procès SBF a plaidé non coupable – ce dernier fait pourtant quelques aveux de culpabilité dans ce thread. Et de poursuivre donc :
J’aurais aussi dû communiquer plus récemment. De manière transparente : mes mains étaient liées pendant la durée de l’éventuel accord Binance. Je n’étais pas particulièrement autorisé à dire grand-chose publiquement. Mais bien sûr, c’est à cause de moi que nous nous sommes retrouvés là en premier lieu (…) J’aurais dû en dire plus. Je suis désolé, j’ai été submergé de choses à faire et je ne vous ai pas tous informé (…). Et donc nous sommes là où nous sommes. Ce qui est nul, et c’est ma faute. Je suis désolé.(…) Et enfin : je m’excuse sincèrement. Nous continuerons à partager les mises à jour au fur et à mesure que nous les aurons.
Sam Bankman-Fried – Source : X
Nous y voilà, le 11 novembre, le lendemain, FTX déclarait faillite.
Épilogue
Avec la déclaration de faillite de FTX, une série d’événements dramatiques se déclenche. SBF, dans une tentative de gestion de crise, conduit Gary Wang auprès de la Commission des valeurs mobilières des Bahamas, orchestrant le transfert des actifs de l’entreprise aux liquidateurs bahamiens. Wang révèle plus tard que SBF avait également l’intention de bloquer le transfert des actifs aux régulateurs américains.
Le 16 novembre, des rumeurs circulent sur une éventuelle fuite de Caroline Ellison à Dubaï. Cependant, elle est rapidement rattrapée par la réalité lorsque son domicile est perquisitionné, aboutissant à la saisie de plusieurs ordinateurs. Le lendemain, Wang a sa première rencontre avec le FBI, marquant le début d’une série d’interrogatoires intensifs.
Le 12 décembre, SBF est arrêté aux Bahamas, une arrestation qui fait la une des médias internationaux. Dix jours plus tard, le 22 décembre, Wang et Ellison plaident coupables, et conviennent d’un accord avec le gouvernement US.
En début de soirée, les autorités bahamiennes ont arrêté Samuel Bankman-Fried à la demande du gouvernement américain, sur la base d’un acte d’accusation scellé déposé par le SDNY. Nous prévoyons de demander la levée des scellés de l’acte d’accusation dans la matinée et nous en dirons plus à ce moment-là.
Damian Willams, Procureur du tribunal du district Sud de New York – Source : X
En ce triste anniversaire du 11 novembre 2023, les zones d’ombre qui entourent la chute de FTX ne font que s’intensifier. De la corruption présumée impliquant des pots-de-vin en Chine aux contributions politiques controversées, FTX a laissé une empreinte profonde, ternissant, non seulement, la réputation du secteur crypto, mais aussi ébranlant la démocratie et la fierté américaine. Les interrogations persistent notamment sur le rôle et le départ soudain de Sam Trabucco.
Sam Bankman-Fried, autrefois milliardaire et aujourd’hui prisonnier, fait face à une peine potentiellement supérieure à cent ans de prison. Alors que nous marquons ce premier anniversaire, nos pensées se tournent vers les victimes de cette plateforme, qui attendent toujours le remboursement de leurs fonds. En France, un collectif d’entraide s’est formé, n’hésitez pas à le rejoindre pour plus d’informations sur les procédures en cours.
Pour finir, il est essentiel de reconnaître que, dans l’histoire de la fraude de FTX, les cryptomonnaies n’étaient qu’un vecteur parmi d’autres. Une vérité que nous rappelle Damian Williams, procureur des USA, à qui nous laisserons le mot de la fin :
« Je m’appelle Damian Williams et je suis le procureur des États-Unis ici dans le district sud de New-York. Sam Bankman-Fried a perpétré l’une des plus grandes fraudes financières de l’histoire des États-Unis.
Un stratagème de plusieurs milliards de dollars destiné à faire de lui le roi des cryptomonnaies. Mais voici ce qu’il en est : l’industrie des cryptomonnaies est peut-être nouvelle, les acteurs comme Sam Bankman-Fried sont peut-être nouveaux. Mais ce type de crime, ce type de corruption, est aussi vieux que le monde. Et nous n’avons aucune patience pour ça. »