Maintenant que vous comprenez les contours de ce qu'est Ethereum, penchons-nous plus en détail sur ses origines et fondements. Qui est derrière son invention ? Pourquoi sa proposition s'est-elle rapidement imposée ? Quels fondements le différencient de Bitcoin ? Avant de plonger dans l'aspect technique des choses, voyons donc tout d'abord pourquoi et comment est né Ethereum, ainsi que les idéaux et les Hommes qui se cachent derrière cette blockchain. C'est parti !
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Table des matières
Vitalik Buterin et l'idée d'Ethereum
Si Bitcoin est issu de l'idéologie Cypherpunk et de près de 40 ans de recherches, la genèse d'Ethereum prend sa source dans la volonté de quelques hommes de dépasser les bases posées par Satoshi Nakamoto.
Celui qui l'a véritablement pensé et en a posé les fondements est Vitalik Buterin. Contrairement à Satoshi Nakamoto, il n'est pas anonyme, et est même très connu dans le secteur. Pour comprendre d'où vient son invention, nous devons nous pencher sur sa vie et son histoire.
Un surdoué déçu par le système
Vitalik Buterin est né en Russie en 1994, avant d'immigrer au Canada avec ses parents à l'âge de six ans. Il démontre très tôt un talent supérieur à la moyenne pour les chiffres et la programmation, et un intérêt pour les mathématiques et l'économie.
Plus attiré par les ordinateurs que par le monde extérieur, il passe de nombreuses heures derrière son PC et se passionne notamment pour World Of Warcraft (WoW), jeu en ligne auquel il jouera assidûment de 2007 à 2010.
Bien que cette information puisse paraître triviale, il semble pourtant que ce soit le point de départ de sa réflexion sur Ethereum. En effet, sans crier gare, ni consulter sa communauté de joueurs, Blizzard (la maison d'édition de WoW) sort un patch en 2009 qui annule l’une des compétences du personnage de Vitalik, le rendant ainsi beaucoup moins puissant qu'il ne l'était.
Ceci crée énormément de frustration chez Vitalik, qui avait passé beaucoup de temps à développer son personnage. Il se pose alors de véritables questions existentielles, notamment sur l'influence néfaste des systèmes centralisés sur la vie des gens (gouvernements, grandes entreprises...). Il a alors... 15 ans !
Un Bitcoiner frustré
La découverte de Bitcoin
En 2011, à 17 ans, c'est son père qui lui parle pour la première de fois Bitcoin qui lui paraît être une innovation technologique intéressante. Si ce n'est pas un déclic immédiat pour Vitalik, il commence néanmoins à se pencher sur le sujet, séduit par ses aspects décentralisés, « trustless » et incensurables.
« Lorsque vous entendez parler d'une chose par deux fois [dans des situations différentes], cela implique qu’il y a des chances pour qu’elle soit pertinente. Ou du moins, elle a une plus forte probabilité d’être légitime. Cela valait donc le coup de creuser un peu plus. »
Vitalik Buterin, à propos de sa découverte de Bitcoin
Au fil de ses recherches, il s'implique de plus en plus dans la communauté jusqu'à en devenir un membre très actif. Dés 2011, il contribue ainsi à la rédaction d’articles pour le site Bitcoin Weekly, qui le rémunère 5 BTC par article, soit l'équivalent de 3,5 dollars américains, à l'époque. Leur collaboration s'interrompt en revanche rapidement, le modèle économique du projet n'étant pas viable et le forçant à mettre la clé sous la porte.
Au mois de septembre de la même année, il est approché par Mihai Alisie, fondateur du Bitcoin Magazine, qui lui propose un poste au sein de son journal. Vitalik accepte, et devient alors premier contributeur du média.
Il continue ses études en parallèle mais dédie de plus en plus de temps à la compréhension de la blockchain et des cryptomonnaies. À force de réflexion, Vitalik Buterin identifie petit à petit certaines limites de la blockchain Bitcoin.
Le conservatisme de la communauté
Lors d'un voyage en Israël en octobre 2013, Vitalik Buterin rencontre d'autres passionnés qui cherchent à utiliser l'invention de Satoshi Nakamoto pour des applications extra-monétaires. Il est alors persuadé que le socle technologique utilisé par Bitcoin pourrait trouver son utilité dans d'autres domaines.
À l'époque, et encore aujourd'hui, la vision d'une partie de la communauté Bitcoin est conservatrice. Si certains altcoins ont déjà vu le jour, ils sont le plus souvent des forks de Bitcoin et n'apportent que très rarement une utilité supplémentaire.
L'idée de modifier la structure de Bitcoin est quant à elle rejetée par beaucoup, certains considérants qu'élargir la proposition de valeur de Bitcoin est susceptible de le dénaturer, l'alourdir, et mettre en danger son caractère incensurable. Cette réflexion est fondamentale, puisqu'elle est à la base de ce qui oppose aujourd'hui Bitcoin d'Ethereum mais aussi du reste du marché des cryptomonnaies.
Durant ce voyage, les projets Mastercoin et Colored Coin, qui veulent créer d'autres jetons et déployer des smart contracts, l'inspirent largement. Conceptualisés par Nick Szabo, pionnier de l'histoire de Bitcoin, les smart contracts permettent de développer des applications diverses et variées allant des services financiers aux réseaux sociaux en passant par les jeux vidéos.
Rapidement, Vitalik Buterin imagine un langage de programmation différent de celui de Bitcoin : un langage qui permettrait de déployer ces applications sur un réseau blockchain.
Les premiers contours d'un projet
Il suggère alors ce concept aux projets en question, qui préfèrent ne pas y adhérer. Vitalik décide donc de s’en charger lui-même : l'idée d'Ethereum est née.
C'est dans cette optique qu'il publie le 27 novembre 2013 le livre blanc d'Ethereum dans lequel il évoque l’idée de créer une nouvelle blockchain permettant de déployer des applications décentralisées développées à l'aide de smart contracts. L'objectif est alors d'ouvrir la porte à des possibilités bien plus poussées que le simple échange de jetons de pair à pair.
« L'objectif d'Ethereum est de créer un autre protocole pour développer des applications décentralisées, en offrant un ensemble différent de compromis qui sera, nous le pensons, très utile pour une large classe d'applications décentralisées. Il sera principalement axé sur les situations dans lesquelles le développement rapide, la sécurité des petites applications rarement utilisées et la possibilité pour les différentes applications d'interagir ensemble de façon très efficace sont importants. »
Livre blanc d'Ethereum
Début 2014, Vitalik Buterin explique sa vision d'Ethereum lors de la Conférence nord-américaine sur Bitcoin organisée à Miami qu'il imagine comme un « ordinateur mondial ». Pour lui, Ethereum vient compenser le nombre limité de fonctionnalités autorisées par Bitcoin. Selon Vitalik, cela revient à comparer une calculatrice et un smartphone.
« La calculatrice fait une seule chose [calculer] mais elle le fait très bien [à l’image de Bitcoin]. Mais les gens vont avoir envie de plus de fonctions. Au sein d’un smartphone vous réunissez tous ces besoins. Une calculette basique, de la musique, un navigateur Internet, etc. »
Vitalik Buterin
Pour la petite histoire, le nom du réseau est trouvé par hasard par Vitalik en surfant sur le web, lorsqu'il consulte un article sur l'ether (ou quintessence), l'hypothétique cinquième élément de l'alchimie qui aiderait à décrire la diversité de l'univers en plus du feu, de l'eau, de la terre et de l'air. Vitalik Buterin voulait qu'Ethereum soit le support imperceptible des applications exécutées en son sein.
La structuration et le lancement d'Ethereum
La Fondation Ethereum et ses membres
Suite aux travaux initiaux menés par Vitalik Buterin, d'autres personnes rejoignent le projet afin de constituer une équipe de 8 cofondateurs. Si l'équipe se structure rapidement autour de la Fondation Ethereum, une organisation à but non lucratif créée en Suisse le 6 juillet 2014, elle ne restera cependant soudée que très peu de temps.
La sélection effectuée par Vitalik fut selon lui « trop rapide et sans discernement », comme il le dira plus tard face aux chemins divergents que prendront ses membres. Ils n'en restent pas moins des personnalités intéressantes, qui ont largement contribué au développement de l'écosystème crypto au sens large. Voici leurs portraits.
Gavin Wood
Né en 1980, Gavin Wood est un informaticien britannique titulaire d'un doctorat dans le domaine. Il est celui qui a initialement proposé en août 2014 la création du langage de programmation Solidity qui est utilisé pour écrire les contrats intelligents sur Ethereum.
Il est également à l'origine du Yellow Paper d'Ethereum qui détaille toutes les spécifications techniques du projet, y compris la Machine Virtuelle Ethereum (EVM), le World State et de nombreuses autres notions sur lesquelles nous nous attarderons dans la suite de ce chapitre de l'Encyclopédie du Coin.
En 2016, il quitte la Fondation Ethereum mais reste impliqué dans le projet en créant Parity Technologies qui développera un client pour le réseau Ethereum. Il est aussi à l'origine du terme très à la mode « Web 3.0 » (ou Web3), qu'il utilise pour désigner un web décentralisé.
Il fonde ainsi la Web3 Foundation, une organisation à but non lucratif à qui on doit la naissance de Polkadot et de Kusama en 2019.
Charles Hoskinson
Charles Hoskinson est un entrepreneur américain né en 1987, qui a joué un rôle clé dans le développement de plusieurs projets blockchain.
Son rôle dans Ethereum fut cependant de courte durée, car il quitte l'aventure (ou en est écarté) en 2014 suite à un différent avec Vitalik sur l'aspect financier du projet. En effet, Hoskinson voulait créer une entité commerciale et non pas une organisation à but non lucratif, comme la Fondation Ethereum.
Il fonde ensuite IOHK (Input Output Hong Kong), une entreprise d’ingénierie et de recherche sur les cryptomonnaies et les blockchains. Il est finalement connu pour être à l'origine de la blockchain Cardano et de son jeton ADA.
Mihai Alisie
Évoqué précédemment dans cet article, Mihai Alisie est le cofondateur de Bitcoin Magazine avec qui Vitalik Buterin avait déjà collaboré. Originaire de Roumanie, il étudie la cybernétique, l’informatique économique et les statistiques à l’Université Lucian Blaga de Sibiu et obtient son diplôme en 2010.
Mihai Alisie est vice-président de la Fondation Ethereum jusqu’en 2015. Après avoir quitté Ethereum, il fonde Akasha, un incubateur de projets blockchain à but non lucratif.
Joseph Lubin
Joseph Lubin est un entrepreneur canadien qui a étudié l’informatique et la robotique à l’Université de Princeton. Plus âgé que le reste de l'équipe, il travaille un temps pour Goldman Sachs avant de quitter la finance traditionnelle après la crise des subprimes pour l'univers des blockchains.
Il fait partie de la Fondation Ethereum jusqu'en 2015 et crée ensuite ConsenSys, l'entreprise qui développera entre autres le célèbre portefeuille Metamask.
Amir Chetrit
Amir Chetrit est un développeur qui faisait partie de Colored Coins, projet ayant inspiré Vitalik pour Ethereum.
Il reste très peu de temps dans la Fondation et la quitte dès 2014. Très discret, on trouve peu de traces de lui sur le web par rapport aux autres membres de l'équipe.
Jeffrey Wilke
Jeffrey Wilke est un ancien de Mastercoin, que Vitalik rencontre à Amsterdam. Il se joint à la Fondation Ethereum où il développe un client avec le langage Go de Google, appelé « Go Ethereum » puis tout simplement « Geth ».
Comme d'autres cofondateurs, il ne reste pas longtemps dans le groupe dont il trouve que les membres s'opposent sur une « guerre d'ego ». En 2018, il fonde Grid Games avec son frère Joey, une société de développement de jeux.
Anthony Di Iorio
Anthony Di Iorio est un entrepreneur canadien qui rejoint le groupe après avoir lu le livre blanc du projet. Il développe des sites internet dès les années 1990, et investit largement dans le bitcoin dès 2012.
Il quitte rapidement la fondation et devient le premier directeur numérique de la Bourse de Toronto. Il est aussi le fondateur de Decentral Inc., société qui a développé le portefeuille crypto Jaxx.
L'ICO d'Ethereum
Contrairement à Bitcoin, l'équipe d'Ethereum a levé des fonds pour lancer le projet et assurer son développement.
Pour ce faire, elle a réalisé une ICO (Initial Coin Offering), c’est-à-dire qu'elle à pré-vendu des ETH, avant même que le mainnet ne soit lancé. Malgré ce que dit la légende, Ethereum n'est ni le premier, ni le second à avoir fait usage de ce mécanisme pour se financer, mais le sixième. Cinq autres avaient en effet déjà utilisé ce système, dont Mastercoin, qui, comme nous l'avons déjà évoqué plus haut, a largement inspiré Vitalik (les 4 autres sont NextCoin (NXT), CounterParty (XCP) et MaidSafe (MAID) et Swarm (SWM)).
La prévente a débuté le 20 juillet 2014 et le succès a été immédiat : en 12 heures, 7 millions d'ETH ont été vendus contre 3 700 BTC, soit l'équivalent d'environ 2,2 millions de dollars ! Pour participer, il fallait en effet payer en BTC, qui valait à l'époque environ 600 dollars/pièce.
La vente à durée jusqu'au 2 septembre 2014 soit un total de 42 jours. Durant les 15 premiers jours, un BTC permettait d'acquérir 2000 ETH. Le taux a ensuite baissé petit à petit jusqu’à atteindre les 1337 ETH par BTC pour les derniers entrants. Au total, 31 529 BTC ont été levés pour la prévente d'environ 60 millions d'ETH, ce qui représentait alors 18,3 millions de dollars. Les visionnaires qui ont investi tôt dans le projet ont donc payé en moyenne 0,31 dollar par ETH...
C'est alors le début d'une véritable tendance : en plus de démontrer que les ICO peuvent être un excellent moyen de lever des fonds, Ethereum est l'outil parfait pour servir de support à ceux qui voudraient lancer la leur, grâce à ses contrats intelligents.
Pour la petite histoire, une multitude de projets surferont cette vague pendant les années qui suivront, avec un record de 4 milliards de dollars levés par l'ICO d'EOS en 2018. Malheureusement, beaucoup d'escrocs en profiteront aussi, partant avec la caisse sans rien livrer. Aussi ce modèle de levée de fonds sera petit à petit remplacé par d'autres systèmes que nous détaillerons dans la suite de cette Encyclopédie.
Le mainnet d'Ethereum est lancé le 15 juillet 2015, soit environ 1 an après le début de l'ICO. Il y a alors un total de 72 millions d'ETH, dont 60 millions appartiennent aux participants de l'ICO, les 12 millions restant étant à la Fondation Ethereum et à d'autres contributeurs du projet.
L'épisode The DAO
Impossible de parler des débuts d'Ethereum sans parler du hack de « The DAO » et de ses conséquences sur le réseau et la communauté.
The DAO est l'un des premiers gros projets à s'être lancés sur Ethereum. Il s'agissait d'un fonds d'investissement décentralisé et autonome (fonctionnant entièrement grâce à des smart contracts), destiné à financer des projets cryptos selon les choix de sa communauté.
Le projet rencontre un grand succès dès le lancement de son ICO le 15 mai 2016. Il réunit 12 millions d'ETH auprès d'environ 11 000 investisseurs, ce qui représente alors environ 15 % de tout les ethers en circulation, et correspond à la somme de 168 millions de dollars.
Malheureusement, les développeurs ne prennent pas le temps d'auditer correctement les smart contracts du projet avant de le lancer, et de nombreuses failles sont identifiées par les communautés dès la publication de son code source. Certaines sont rapidement corrigées, mais pas toutes...
Les sommes en jeux ne manquent pas d'attirer l'attention des hackers, et, le 17 juin 2016, l'un d'entre eux parvient à ses fins. Il dérobe environ le tiers des ETH du protocole, soit 3,6 millions de jetons !
L'événement fait du bruit et sème la panique chez les investisseurs et les développeurs. Le cours de L'ETH plonge de 20 à 13 dollars, les mineurs se déconnectent en masse et le hashrate chute jusqu'à mettre en danger la sécurité du réseau.
Un débat commence au sein de communauté, qui a alors deux options :
- Laisser les choses telle qu'elles, en acceptant que le code fasse loi et que les erreurs et leurs conséquences fassent partie des risques ;
- « Remonter de temps » en réalisant un fork de la blockchain avant le hack, pour l'annuler et revenir à l'état de la blockchain avant l'incident.
Ceci soulève de nombreuses questions d'ordre aussi bien techniques que juridiques ou en encore éthiques. Faut-il contrevenir au principe d’immutabilité de la blockchain et rendre les ETH à qui de droit, ou laisser les millions aux mains des voleurs et respecter ce qui a été codé ?
La Fondation Ethereum organise alors un vote communautaire pour décider de la direction à prendre. C'est le choix du fork qui est retenu par 85 % des votants. Celui-ci est implémenté le 20 juillet 2016 et la blockchain retrouve l'état du block précédant le hack.
15 % des mineurs refusent ce choix et continuent de faire tourner la blockchain originelle. Elle est alors renommée Ethereum Classic et 3,6 millions de son jeton, l'ETC, restent aux mains du hacker. Cette blockchain parallèle fonctionne encore en 2024.
Le hack de The DAO a été un élément crucial de l'histoire d'Ethereum. Il a prouvé que la voie de la communauté passait avant le code, et servi à relever les standards de sécurité des projets qui ont vu le jour par la suite. Il ne marquera cependant pas la fin des hacks sur Ethereum, mais aucun autre n'entraînera de fork du réseau, même si les montants dérobés dépassent les centaines de millions de dollars.
Il a aussi contribué à attirer l'attention des régulateurs qui ont dès lors commencé à s'intéresser aux projets DAO et à leurs tokens.
Ethereum face aux fondements de Bitcoin
Quitte à insister un petit peu, il nous semble important de rappeler une nouvelle fois les différences fondamentales qui existent entre Ethereum et Bitcoin.
Les deux projets ne sont pas concurrents mais complémentaires, n'ayant pas été conçus dans la même optique. Vitalik, qui connaissait en effet très bien Bitcoin, n'a pas cherché à en faire une copie ou une version améliorée.
Ethereum a vu le jour pour permettre aux développeurs et aux dApps de pouvoir exploiter tout le potentiel de l'association de la technologie de la blockchain et des contrats intelligents.
Bitcoin, quant à lui, a pour fonctionnalité première de permettre l'échange de BTC de manière incensurable et transparente, et se présente comme une alternative aux monnaies fiat traditionnelles. Même si le réseau peut être utilisé pour d'autres usages, une partie de la communauté s'y oppose de peur qu'ils ne viennent perturber sa mission de base.
Les jetons des deux blockchains n'ont donc pas le même rôle, et n'ont pas été pensés de la même manière. Le bitcoin, qui a vocation à servir de réserve de valeur à l'instar de l'or, sera émis en quantité finie et il n'y aura jamais plus de 21 millions de BTC. Aucun bitcoin n'a été pré-vendu, et tous ont été minés de manière équitable lors de l'ajout des blocs à la chaîne.
Les ethers n'ont pas pour mission première de servir de monnaie hors du réseau Ethereum. Les jetons servent à payer les frais de gas, c’est-à-dire les frais pour exécuter et déployer des contrats intelligents, et à sécuriser le réseau via le staking. Ils ont en partie été pré-vendus lors de l'ICO du projet pour financer son développement, et le rythme d'émission de ces jetons a progressivement été modifié.
En effet, l'émission des ETH a évolué avec le passage à la preuve d’enjeu (un changement impensable à l'heure actuelle pour Bitcoin). L'EIP-1559 a aussi apporté un changement important, en mettant en place la destruction (burn) des ETH utilisés pour payer les frais de gas, alors qu'ils étaient auparavant récoltés par ceux qui validaient les blocs. Ainsi, s'il était prévu au départ qu'il y aurait un nombre illimité d'ETH avec une inflation continue, ces modifications en ont fait un jeton qui pourrait être déflationniste sur le long terme, si le réseau est beaucoup utilisé.
Les deux projets présentent néanmoins de nombreuses similitudes. Ils se heurtent par exemple tous les deux au trilemme des blockchains, nécessitant un arbitrage entre décentralisation, sécurité et scalabilité. Ils ont d'ailleurs opéré le même choix pour remédier à ce problème, en s'appuyant sur des layers 2 pour assurer leur scalabilité. Si vous connaissez déjà le Lightning Network de Bitcoin, vous découvrirez dans cet article que la concurrence est beaucoup plus importante sur Ethereum et que la guerre fait rage entre les projets de seconde couche.
En effet, du fait des possibilités qu'il offre, Ethereum est de loin le projet de l'écosystème qui attire le plus les développeurs. Fin 2023, le réseau réunissait environ 2 400 d'entre eux, actifs à temps plein, contre seulement 356 pour Bitcoin.
Les possibilités offertes par la création de Vitalik sont encore loin d'être complètement exploitées et, vous l'avez compris, le projet initial n'était pas de créer une monnaie décentralisée, rôle déjà très bien rempli par Bitcoin.
C'est grâce aux contrats intelligents qu'Ethereum s'est démarqué, les cas d'usage du réseau étant beaucoup plus larges. Même si la finance décentralisée et les NFT y sont déjà bien implantés, leur marge de progression est énorme et le projet est encore loin d'être achevé.
Sa roadmap est d'ailleurs bien chargée, et vous pourrez constater dans l'article suivant que le réseau a déjà largement évolué tout au long de sa courte existence.