Après avoir exploré l'histoire d'Ethereum et étudié ses côtés techniques, voyons maintenant à quoi le réseau sert concrètement. Quels sont les cas d'usages ? Nous vous proposons ici état des lieux, qu'il s'agisse de ce qui existe aujourd'hui sur la blockchain principale et ses layers 2, ou encore de ce à quoi les smart contracts ouvrent les portes. C'est parti !
Table des matières
- Propos introductifs
- Les ICO (Initial Coin Offering)
- Les DAO (Decentralised Autonomous Organisations)
- La DeFi (Decentralized Finance)
- L'identité numérique
- Les NFT (Non Fungible Tokens)
- Les RWA (Real World Assets)
- Les assurances décentralisées
- La traçabilité des produits
- Le gaming et le métavers
- La SocialFi (Social Finance)
- La DePIN (Decentralized Physical Infrastructure Networks)
- La DeSci (Decentralized Science)
- La ReFi (Regenerative Finance)
- Le mot de la fin
Propos introductifs
S'il est possible, comme sur Bitcoin, d'effectuer sur Ethereum de simples transferts de valeur sans intermédiaire, les cas d'usages y sont cependant beaucoup plus nombreux.
Ainsi, bien que les deux projets soient souvent comparés, il faut se souvenir que leurs aspirations initiales sont complètement différentes, malgré tous leurs points communs. En concevant Ethereum, Vitalik Buterin n'a pas cherché à répliquer la mission que Bitcoin remplissait déjà assez bien à ses yeux : être une monnaie électronique décentralisée, sécurisée et transparente, le tout sans être soumise à l’inflation et à la manipulation.
Son attention s'est portée sur un tout autre aspect : utiliser tout le potentiel de la blockchain comme outil de consensus distribué, chose qui lui paraissait impossible sur la blockchain de Satoshi Nakamoto face à la résistance au changement de la communauté Bitcoin.
Aussi, Ethereum a vu le jour avec l'objectif d'être l'environnement idéal pour développer et exécuter des contrats intelligents. Ceci a permis aux développeurs de créer tous les cas d'usage que nous verrons ci-dessous, et permettra encore bien d'autres choses dans les années à venir.
Les ICO (Initial Coin Offering)
Ethereum ayant vu le jour suite à une Initial Coin Offering (ICO), il est logique de commencer par là.
Avant l'arrivée des smart contracts, les sociétés qui voulaient lever des capitaux auprès du public faisaient leur introduction en Bourse, passant du statut de société privée à celui de société publique. Ces levées de fonds, aussi appelées Initial Public Offerings (IPO), ou offre initiale de jeton, sont soumises à des règles très strictes et contraignantes, aussi bien pour les sociétés que pour les investisseurs.
Les contrats intelligents ont permis de se passer de la bourse comme intermédiaire. Quelques lignes de code suffisent aux projets pour mettre en vente leur jeton, et tout un chacun peut participer à la vente à condition d'avoir des fonds et de savoir comment interagir avec les contrats en question.
Cette simplicité a permis d'ouvrir les portes d'un marché jusque-là réservé aux professionnels et aux experts, à tous les particuliers sachant utiliser un portefeuille de type Metamask. Les ICO ont ainsi révolutionné l’univers du crowdfunding, de l’angel investment et du capital-risque. Contrairement aux levées de fonds classiques :
- Les ventes de jetons peuvent être organisées sans intermédiaire ;
- Elles sont accessibles par n’importe quel individu quelle que soit la localisation ;
- Il est possible de négocier les jetons sur des marchés accessibles en permanence.
En résumé, les ICO permettent donc de faire financer n’importe quoi, depuis n’importe où, et auprès de n’importe qu
Malheureusement, de nombreux arnaqueurs ont aussi rapidement compris qu'ils pouvaient profiter de cette avancée technologique pour lever de l'argent sans rien faire après l'avoir obtenu. Ainsi en 2017, pendant l'apogée des ICO, on a assisté à de multiples dérives où des équipes arrivaient à récolter des millions de dollars en quelques minutes avec un simple white paper, promettant monts et merveilles à un public avide de profits.
N'ayant souvent aucune obligation légale, l'équipe disparaissait tout simplement avec l'argent une fois dans sa poche, ou fournissait un minimum de travail avant d'arrêter le projet pour un motif quelconque (prenant tout de même le soin de fournir le jeton sans valeur auquel l'investisseur avait droit).
Face à ces problèmes, des plateformes spécialisées appelées Launchpad sont apparues lors du cycle haussier suivant, et se sont mises à enquêter sur les projets voulant lever des fonds afin d'éviter aux investisseurs de se faire arnaquer (ce qui n'est malgré tout pas une garantie...).
Grâce aux Launchpads, plusieurs mécanismes sont apparus pour lever des fonds. Si le launchpad est décentralisé (DAO Make par exemple), la levée de capitaux s'appelle une Initial Dex Offering (IDO). Si le launchpad est centralisé (Binance par exemple) on parle alors d'Initial Exchange Offering (IEO). Dans le dernier cas, les smarts contracts n'ont pas d'intérêt, car c'est la plateforme qui joue leur rôle en tant qu'intermédiaire.
Les DAO (Decentralised Autonomous Organisations)
Les Organisations autonomes décentralisées (DAO) sont des organisations qui fonctionnent sans autorités centrales. Elles sont régies par le code des contrats intelligents et les décisions sont généralement prises par la communauté à l'aide d'un système de votes.
Pour y prendre part, il faut souvent détenir le jeton de la DAO. Le nombre de votes est alors proportionnel au nombre de jetons en sa possession (ce qui peut mener à des DAO qui ne sont plus vraiment décentralisées si la majorité des jetons sont détenus par une même entité).
L'une des premières et tristement célèbre DAO sur Ethereum fut The DAO. Cette dernière, conçue pour financer le développement de projets sur la blockchain, a très mal terminé à cause de la faiblesse de son code, ayant conduit à la perte de 3,6 millions de jetons ETH. C'est ce hack qui est à l'origine du premier fork de la blockchain Ethereum.
Depuis, de nombreux projets utilisent ce mode de fonctionnement, quels que soient leurs cas d'usage. Voici quelques exemples :
- Développeur DAO, BuidlGuidl ou Vector DAO : ce sont des communautés de développeurs Web3 régies par des DAO ;
- Curve : il s'agit d'une plateforme d'échange décentralisée qui utilise son jeton (le CRV) pour permettre de voter sur les pools qui offriront le plus gros rendement ;
- DAO Maker : un célèbre launchpad de projets crypto ;
- Tezos et Cosmos : ces écosystèmes ont mis en place différentes DAO pour proposer des modifications et allouer des fonds à des projets qui s'y développent ;
- Stargate : un bridge du projet LayerZero ;
- Sky (anciennement MakerDAO) : une plateforme d'émission de stablecoins (plus ou moins) décentralisés ;
- MolochDAO : une DAO qui étudie et finance des projets sur Ethereum.
La DeFi (Decentralized Finance)
Aussi appelée DeFi (pour Decentralized Finance), il s'agit de l'une des innovations majeures permises par Ethereum et les contrats intelligents. Nous y consacrons d'ailleurs un chapitre entier dans cette Encyclopédie, ainsi que le prochain article de cette partie.
Pour résumer la chose, la DeFi offre les mêmes services que la CeFi ou Finance Centralisée « traditionnelle » (achat et vente d'actifs, prêt et emprunt, trading avec ou sans effets de levier, etc.), mais sans avoir besoin de passer par une plateforme ou un tiers de confiance. Tout est géré à l'aide de smart contracts.
Les conditions sont claires et précises et ne laissent pas de place à l'interprétation. Plus besoin de revêtir votre plus beau costume pour aller séduire votre banquier pour obtenir un prêt. Vous pouvez rester en slip derrière votre ordinateur et décrocher des millions si vous remplissez les bonnes conditions (qui sont souvent de déposer un collatéral).
En revanche même si vous trouvez l'idée la plus géniale et rentable du siècle, mais que vous ne pouvez pas prouver aux contrats intelligents que vous avez les reins solides, vous n'avez aucune chance d'obtenir un prêt. En effet, bien que qualifié d'« intelligent », les smart contracts sont encore incapables d'évaluer si une idée est bonne ou non.
Ainsi, si la DeFi offre certains avantages face à la CeFi du fait de la non-intervention humaine, elle rencontre aussi des limites.
Une chose est revanche sûre : la DeFi est un secteur en pleine expansion et regroupe des milliers de dApps.
L'identité numérique
Bien que contraire à ce que recherche une partie des utilisateurs qui aiment conserver leur anonymat, Ethereum pourrait être utilisé pour créer un système d’identification numérique.
Ce dernier peut par exemple servir à remplacer les connexions avec mot de passe, à faciliter les procédures de KYC (Know Your Customer), ou encore à s'assurer que les utilisateurs d'un service ont bien l'âge minimum requis, sans pour autant avoir à fournir à des intermédiaires nos données personnelles.
La blockchain peut aussi permettre d'attacher de très nombreuses données à une identité, telles que des informations financières (numéro de comptes bancaires, numéro d'identification auprès des services d'impôts, etc.) ou médicales (numéro de sécurité sociale, etc.).
Divers projets liés à ce domaine ont déjà vu le jour. C'est le cas de :
- Ethereum Name Service (ENS) : il s'agit d'un système de nommage décentralisée visant à attribué un nom à des comptes, en plus de leur adresse hexadécimale d'origine ;
- SprunceID : l'application permet de gérer et générer des certificats numériques tels que les permis de conduire, des déclarations d'audit de logiciels, des certifications professionnelles, etc ;
- ProofOfHumanity et ProofOfPersonnHood : ce sont des protocoles qui servent à assurer qu'un humain se cache bien derrière un compte détenu en externe et non un bot ;
- BrightID : vous permet de prouver aux dApps que vous les utilisez bien avec un seul compte, pour éviter d’avoir des individus qui se font passer pour plusieurs personnes (sybil).
Une partie des cas d'usage passe par les NFT.
Les NFT (Non Fungible Tokens)
Contrairement aux ethers (ETH) qui sont échangeables contre n'importe quel autre ether (à l'instar d'une pièce ou d'un billet qui peut s'échanger contre n'importe quelle autre pièce ou billet de même valeur), les NFT sont des jetons non fongibles. Cela signifie qu'ils sont uniques et ne peuvent pas être échangés indifféremment les uns contre les autres. Ils possèdent des caractéristiques propres qui les rendent intrinsèquement différents, uniques.
Comme pour les autres jetons, la blockchain permet d'identifier de manière sure et transparente leurs propriétaires (ou tout du moins les comptes de ces derniers).
Les NFT peuvent être utiles dans de nombreux cas de figure et font partie des innovations majeures ayant été mises en lumières par Ethereum. Vous trouvez un article sur le sujet dans cette partie, ainsi qu'un chapitre entier de cette Encyclopédie qui y est consacré.
En attendant de vous y plonger, vous pouvez simplement retenir que les NFT offrent la possibilité d'associer un actif non fongible (une image, une vidéo, un diplôme, une œuvre d’art, un objet de jeu vidéo, un acte de propriété, etc.) à un jeton numérique dont le propriétaire est clairement identifié.
Ils peuvent être échangés sur la blockchain.
Les RWA (Real World Assets)
Les actifs du monde réel (Real World Assets - RWA) tels que les métaux précieux, les actions de sociétés ou l’immobilier peuvent être représentés sur la blockchain. On parle alors de tokenisation, sujet qui sera lui abordé dans une partie de l'Encyclopédie du Coin.
Les RWA permettent des choses qui n'étaient jusqu'alors pas possibles avec les actifs classiques. Ils tendent à démocratiser l'investissement en fractionnant des actifs (immobilier, œuvre d'art, etc.) qui étaient précédemment réservés aux gros portefeuilles, et à améliorer leur liquidité.
À titre d'exemple, la plateforme RealT propose d'investir dans des fractions de logements à partir de 50 dollars. Les propriétaires se partagent les loyers et les coûts au prorata du nombre de parts qu'ils possèdent.
Les RWA peuvent aussi permettre d'éviter les intermédiaires (notaires, courtiers, agents immobiliers, etc.), ce qui fait souvent gagner du temps et de l'argent aux investisseurs.
Ces derniers peuvent, par ailleurs, diversifier davantage leur portefeuille pour des investissements de mêmes types. Par exemple, une personne qui voudrait effectuer un investissement locatif immobilier à 100 000 euros peut, grâce aux RWA, acheter 100 parts à 1 000 euros dans des logements différents. Cela permet, entre autres, de réduire les risques en cas de loyer impayé.
Aujourd'hui, la finance traditionnelle s'intéresse de plus en plus à la tokenisation des actifs du monde réel et le secteur ne cesse de se développer. Certains, comme Larry Fink, CEO du géant BlackRock, anticipent déjà une finance 100 % tokenisée, ce qui assurerait un gain monumental en termes d'efficience.
Si les RWA ont le vent en poupe et que de plus en plus de projets se développent, leur adoption se heurte cependant encore à quelques barrières.
D'une part, le cadre légal est loin d'être tracé et les investisseurs ne savent pas trop à quelle sauce ils seront mangés par le fisc. D'autre part ils s'exposent à des problèmes d'oracles, de smart contracts ou de piratages qui pourraient faire partir leurs investissements en fumée.
En effet, ce sont les oracles qui permettent à Ethereum de recevoir et de comprendre des informations venant du monde extérieur à la blockchain. Leur rôle est d'assurer que l’actif réel et sa représentation numérique sont bien liés et ont des valeurs identiques (par exemple, une action Tesla tokenisée doit toujours avoir le même prix qu'une action Tesla classique).
Ces risques peuvent éventuellement être réduits en souscrivant à une assurance.
Les assurances décentralisées
L'assurance décentralisée permet aux individus à la fois de s'assurer contre des risques divers et variés, mais aussi de devenir eux-mêmes assureur, créant ainsi un écosystème bilatéral.
Tout comme les assurances traditionnelles, elles fonctionnent sur le principe de la mutualisation des risques. Les utilisateurs « assureurs » créent un fonds commun (une pool de liquidités) et touchent des intérêts de la part des utilisateurs « assurés ».
Aujourd'hui, les assurances décentralisées se limitent pour la plupart à couvrir des risques ayant trait à des événements qui se produiraient directement sur la blockchain. Vous pouvez par exemple vous assurer contre le depeg d'un stablecoin, ou encore contre un problème de contrats intelligents concernant les RWA.
Toutes les conditions de l'assurance sont codées sous forme de smart contracts et s'executent automatiquement. Pour les cas où il est nécessaire d'avoir une intervention humaine, les assurances peuvent faire appel à des DAO spécialisées telles que Kleros, qui se chargent d'arbitrer les litiges entre assureurs et assurés de manière impartiale.
Voici quelques exemples de protocoles d'assurance décentralisés :
- Etherisc : couvre contre les depeg de l'USDC, mais développe aussi des produits pour assurer contre les retards d'avion et couvrir les récoltes des agriculteurs contre certains risques naturels (notamment en Afrique) ;
- Insurace : spécialisé dans la couverture des risques de la DeFi (depeg de stablecoins, failles de bridges et smart contracts, slashing d'ethers, etc.) ;
- Nexus Mutual : couvre les risques associés à certains protocoles DeFi (Aave, Curve, Uniswap, etc.) ;
- Armor : surveille les fonds que ses utilisateurs déposent dans la DeFi et les avertis en cas de problème. Fonctionne en s'appuyant sur Nexus Mutual pour le côté assurance ;
- Opium Finance : permet de hedger des positions sur Ethereum (s'assurer contre les changements de valeur).
La traçabilité des produits
Ethereum et ses layers 2 peuvent être utilisés pour suivre et vérifier l’origine des produits dans une chaîne d’approvisionnement, améliorant ainsi la transparence.
Ils peuvent aussi servir à assurer l'authenticité d'un produit, souvent à l'aide d'un NFT. Voici deux solutions qui se sont appuyées sur Ethereum pour remplir ces objectifs :
- VeChain : VeChain fournit des solutions pour les entreprises, allant de la chaîne logistique à la lutte contre la contrefaçon en passant par la gestion de l’énergie. Initialement basé sur Ethereum, VeChain a aujourd'hui construit sa propre blockchain ;
- Aura : Aura est une organisation à but non lucratif créée par un consortium de marques de luxes (LVMH, Mercedes-Benz, OTB, Prada Group, Cartier, Richemont). Elle permet de mettre en place des blockchains qui s'appuient sur la technologie Quorum, qui est elle-même basée sur Ethereum, visant à apporter de la transparence et de la traçabilité aux produits que les marques proposent.
Le gaming et le métavers
Ethereum et ses layers 2 ont permit le développement de jeux décentralisés, où les joueurs sont réellement propriétaires de leurs actifs de jeu sous forme de NFT. Il peut s'agir d'objets, de terrains dans le métavers, d'avatars, etc.
Dans les jeux vidéos classiques, c'est le studio développeur du jeu qui a le contrôle, et les objets achetés ou gagnés n’ont de valeur qu’au sein du jeu. Ils ne sont pas transférables d'un jeu à l'autre et peuvent être confisqués à tout moment par l'éditeur.
Avec les jeux basés sur la blockchain, les objets gagnés ou achetés appartiennent au joueur au même titre que n'importe quel NFT déposé sur un wallet. Ils peuvent être revendus ou échangés en dehors du jeu et sont éventuellement transférables dans d'autres univers.
Les jeux décentralisés gérés par des DAO peuvent aussi éviter à des joueurs d'être confronté à ce qui est arrivé à Vitalik Buterin sur World Of Warcraft.
La blockchain et les smart contracts ont aussi permis de développer les Play-to-Earn, des applications qui permettent de remporter des cryptomonnaies en jouant, et qui peuvent être très lucratives.
Cependant, les jeux basés sur la blockchain sont encore très basiques en termes de qualité graphique, ou même d'amusement pour l'utilisateur. Les habitués de GTA (même le 1), de FIFA ou de Far Cry sont encore loin de retrouver la même expérience en version décentralisée.
Voici quelques-uns des jeux les plus connus qui se sont basés sur Ethereum :
- Axie Infinity : il s'agit d'un Play-To-Earn, dans lequel les joueurs doivent collectionner et faire combattre des animaux domestiques numériques. Leurs actions leur permettent de gagner des cryptomonnaies (des AXS et des SPL) ;
- Decentraland : c'est un métavers dans lequel il est possible d'acheter des terrains pour y construire des bâtiments virtuels, et y développer des activités. À l’instar de Minecraft, il n'y a pas vraiment de buts prédéfinis dans le jeu et les joueurs peuvent donner libre cours à leur imagination ;
- The SandBox : tout comme Decentraland, The SandBox est un métavers communautaire dans lequel les joueurs peuvent concevoir des expériences virtuelles. Bien qu'il offre quelques différences avec son concurrent que remarqueront immanquablement les initiés, les deux projets présentent de nombreuses similitudes.
La SocialFi (Social Finance)
La SocialFi fait la jonction entre la Finance Décentralisée et les réseaux sociaux. Tout comme sur les réseaux sociaux classiques (Twitter, Facebook, LinkedIn, etc.), les contenus peuvent être monétisés mais en profitant de la transparence et de la sécurité de la blockchain grâce aux cryptomonnaies et aux NFT.
Les créateurs de contenus ont une plus grande liberté d'expression que sur les réseaux centralisés qui peuvent avoir tendance à censurer (ceci est à double tranchant car ils doivent tout de même filtrer les contenus qui peuvent poser problème, tels que la pornographie ou les propos haineux). Les créateurs ont aussi la réelle propriété de leur contenu. Les utilisateurs ont quant à eux un meilleur contrôle sur leurs données.
Le code des réseaux sociaux décentralisés est en effet souvent open-source ce qui permet de savoir comment sont collectées et exploitées les informations fournies au réseau.
Peu de projets sont actuellement sur le marché, mais le secteur fait parler de lui et on ne devrait pas tarder à voir apparaître de plus en plus de plateformes de ce type. L'adoption est loin de celle des réseaux sociaux classiques, et les créateurs de contenus préfèrent encore souvent se focaliser sur ces derniers pour optimiser leur audience.
Voici quelques exemples de projets sur Ethereum ou ses layers 2 :
- FriendTech : lancé en avril 2023 sur Base, FriendTech permettait aux utilisateurs de monétiser leur profil en vendant des parts de ces derniers sous forme de « clés ». Après avoir connu un grand succès à son lancement (grâce à son programme d'airdrop), le projet a finalement sombré en septembre 2024 ;
- MINDS : c'est la version décentralisée de Facebook. Les utilisateurs qui font le plus de vues gagnent des tokens MIND et il existe aussi un programme de parrainage ;
- Mirror : est une plateforme qui s'apparente à Medium. Elle permet d'y écrire des articles qui peuvent être consultés gratuitement. Les articles publiés sont stockés sur la plateforme décentralisée Arweave. Les utilisateurs ont la possibilité de connecter un portefeuille Web3 de type Metamask à Mirror, pour minter leurs articles préférés sous forme de NFT (comme vous pouvez le faire sur le Journal Du Coin) ;
- Farcaster : Farcaster vise à offrir une plateforme où les utilisateurs contrôlent leurs données et interactions pour interagir de manière sécurisée et privée. Les utilisateurs de Farcaster peuvent créer des « casts », qui sont des messages courts similaires aux tweets, et interagir via une architecture permissionless. L'application est en plein développement et connaît un certain succès dans le secteur crypto. C'est l'un des réseaux sociaux décentralisés les plus utilisés ;
- Lens : lancé en 2022, Lens est un projet dont l'objectif est de créer un graph social Web3 dans lequel les individus sont véritablement propriétaires du contenu qu'il poste et de leurs interactions. Conçu par l'équipe d'Aave, il s'appuie sur la sidechain Polygon ;
- Audius : c'est une plateforme de streaming musical décentralisée qui offre une alternative aux services traditionnels comme Spotify et Apple Music. Lancée en 2018, elle permet aux artistes de publier leur musique directement sur la plateforme, sans intermédiaires, leur offrant ainsi un contrôle total sur leur contenu et leurs revenus.
Bien d'autres applications sont développées en la matière sur Ethereum ou d'autres réseaux, tels que Phaver ou Layer3.
La DePIN (Decentralized Physical Infrastructure Networks)
Les DePIN (Decentralized Physical Infrastructure Networks) sont des réseaux qui visent à décentraliser la gestion et la propriété d'infrastructures physiques dans le monde réel.
Les infrastructures physiques en question sont constituées de matériel informatique, dont la puissance et la capacité peuvent être allouées à différentes fins. Ainsi, on trouve des projets DePIN principalement dans les secteurs suivants (nous citerons les exemples les plus populaires, même s'ils ne sont pas basés sur Ethereum) :
- Stockage de données : stockage de fichiers, base de données...
Exemples de projets : Arweare, Filecoin, Storj, Sia ;
- Calcul distribué : avec cette méthode, le traitement informatique d'une tâche complexe est divisé en sous-tâches plus petites, qui sont ensuite traitées simultanément par plusieurs ordinateurs connectés en réseau. Les résultats sont ensuite combinés pour obtenir la solution finale. Cela permet de répartir la charge de travail et d'accélérer les processus informatiques.
Exemples de projets : Golem, Akash, Render, Io.net ;
- Réseaux sans fil : certains projets DePIN utilisent l'infrastructure des participants pour créer des réseaux sans fils à différentes fins (partage de connexion internet, réseau pour l'internet des objets, etc.).
Exemples de projets : Helium, Polen Mobile, Xnet, Dabba ;
- Énergie : ce sont des réseaux qui mettent en relation directe les producteurs et les consommateurs d'énergie et les interconnectent de manière à ce que tout ce qui est produit soit consommé.
Exemples de projets : Grid +, Power Ledger, Arkreen ;
- Réseaux de capteurs : il s'agit de réseaux qui utilisent les capteurs de différents appareils pour collecter des données en temps réel à partir du monde physique, par exemple pour faire de la cartographie.
Exemples de projets : Hivemapper, Geodnet, Dimo ;
- Intelligence artificielle : plusieurs projets visent à fournir des structures capables d'entrainer des modèles IA.
Exemples de projets : Bittensor, Aethir.
Les projets DePIN représentent donc des alternatives aux infrastructures traditionnelles, souvent contrôlées par des grandes entreprises telles qu'Amazon, Google ou Microsoft.
La plupart des projets DePIN choisissent de s'appuyer sur une blockchain de couche 1 déjà bien établie. Ils font généralement en sorte que leur jeton soit transférable sur Ethereum pour toucher un public plus large. Certains préfèrent construire leur propre registre distribué, mais restent souvent EVM compatibles pour être attractifs aux yeux des développeurs.
La DeSci (Decentralized Science)
La science décentralisée (DeSci) est un mouvement qui à pour objectif de créer un écosystème qui permet de gérer des recherches scientifiques en toute transparence. Toutes les étapes du processus sont prises en compte, du financement jusqu'à la diffusion des connaissances, en passant par leur stockage.
Avec ce mode de fonctionnement, les chercheurs sont invités à travailler collectivement (à l'échelle mondiale), de manière ouverte, afin que tout le monde puisse consulter leurs avancées et éventuellement y contribuer. De ce fait même les recherches ayant abouti à des échecs sont partagées, ce qui est rarement le cas dans le monde de la science centralisée qui ne publie que les résultats positifs. Les publications sont aussi plus facilement consultables par tous.
Les scientifiques deviennent aussi réellement détenteur de la propriété intellectuelle de leurs découvertes, qui revient souvent aux entités qui les emploient dans la science traditionnelle.
Les financements peuvent être gérés par des DAO, des dons ou d'autres moyens qui permettent de contourner les barrières du système traditionnel, dans lesquels les levées de fonds doivent se faire dans un cadre bien précis, favorisant bien souvent les chercheurs déjà en place et étouffant quelque peu l'innovation.
Voici plusieurs projets qui contribuent à l'avancée de ce domaine :
- DeSci Labs : il s'agit d'une infrastructure visant à remplir toutes les fonctions évoquées ci-dessus (sauf les recherches qui sont bien sûres effectuées par les scientifiques), qui collabore avec la DeSci Foundation ;
- DeSci Foundation : c'est une fondation à but non lucratif qui cherche à explorer et soutenir les améliorations de l'écosystème scientifique sur la base des connaissances issues de la méta-science, ainsi que sur les nouvelles possibilités offertes par les technologies de pointe ;
- DeSci.World : c'est un projet qui vise à jouer le même rôle que son homologue cité précédemment, DeSci Labs ;
- Research Hub : cette plateforme sert à publier des résultats et échanger entre scientifiques ;
- DeSci.Global : il s'agit d'un calendrier des événements et des rencontres ayant pour sujet la science décentralisée ;
- VitaDAO : c'est une DAO qui gère des fonds destinés à financer des projets de recherches sur la longévité.
La ReFi (Regenerative Finance)
La Finance Régénérative (ReFi) vise à créer un monde dans lequel les hommes feraient tourner l'économie de manière à ce que les ressources disponibles ne s'épuisent pas au fil du temps, allant même jusqu'à augmenter (à l'inverse du système extractif actuel).
Dans le modèle proposé par la ReFi, le capital financier n'est pas une fin en soi, mais est utilisé au service de chacune des autres formes de capital (culturel, expérientiel, intellectuel, matériel, social, spirituel et vivant). L'objectif est de créer un système axé sur la prospérité des hommes et de l'environnement, ainsi que sur le partage des richesses.
Ce concept, encore utopique, a été inventé en 2015 par l’économiste John Fullerton. Il s'appuie sur 8 principes interconnectés qui consistent en :
- La recherche de l'équilibre : équilibrer efficacement divers facteurs afin de maintenir la santé systémique ;
- L’abondance de l'effet de bord : encourager la créativité aux frontières des systèmes, là où les liens qui maintiennent le modèle dominant en place sont les plus faibles. On peut imager ce propos avec les marais salants, lieu de rencontre d'une rivière et d'un océan où l'on trouve une abondance de vie interdépendante ;
- Le respect de la communauté et des lieux : reconnaître l'importance de l'histoire et du contexte spécifique de chaque communauté ;
- Des flux circulatoires robustes : assurer des flux robustes d'argent, d'informations et de ressources ;
- De bonnes relations avec l'environnement : reconnaître notre interdépendance avec la biosphère ;
- Une participation responsabilisée : favoriser la participation de tous, en fonction de la santé de chacun ;
- La considération la richesse de manière holistique : chercher le bien-être par l'harmonisation des 8 formes de capitaux citées précédemment ;
- L'innovation, l'adaptabilité et la réactivité : valoriser l'innovation et l'adaptabilité dans un monde en constante évolution.
Ainsi, la ReFi peut être utilisée pour prévenir les risques systémiques pour l'humanité et remédier aux défaillances de coordination entre les hommes (problèmes d'inégalité, problèmes sociaux, etc.).
Ces principes sont mis en application par le biais des contrats intelligents et de la DeFi, dans des protocoles qui soutiennent la vision de ce mouvement. La ReFi rejoint également le mouvement DeSci.
Même si la vision de ce courant économique paraît utopique à l'heure actuelle, quelques applications allant dans ce sens ont déjà vu le jour. C'est le cas de :
- Toucan protocol et Moss Earth : ces protocoles permettent de tokeniser des crédits carbone. Ceci permet de s'appuyer sur la blockchain pour profiter de sa transparence, et facilite les échanges entre les différents acteurs du système ;
- KlimaDAO : il s'agit d'une DAO à l'origine du marché du carbone numérique (DCM) et qui permet d'échanger des crédits carbone tokenisés de manière plus liquide, moins chère et plus rapide qu'avec les crédits carbones traditionnels.
Le mot de la fin
Comme vous pouvez le constater, les cas d'usage d'Ethereum, de ses layers 2 et des smarts contracts sont très nombreux, et nous sommes encore loin d'avoir tout vu.
Vitalik Buterin l'avait d'ailleurs annoncé dans le whitepaper du projet :
« Cela permettra aux utilisateurs de créer n'importe lequel des systèmes cités ci-dessus, ainsi que beaucoup d'autres que nous n'avons pas encore imaginés, le tout en quelques lignes de code. »
White paper d'Ethereum
Si de nombreuses expérimentations sont passionnantes, d'autres jouissent d'un intérêt très relatif et sont souvent le prétexte permettant de déployer des stratagèmes purement spéculatifs.
Quoi qu'il en soit, l'adoption d'Ethereum par un nombre plus important de développeurs et d'utilisateurs devrait mener à l'apparition de nouvelles idées auxquelles nous n'avons pas encore songé.
Aujourd'hui, le secteur le plus avancé de l'écosystème est celui de la Finance Décentralisée. C'est sur ce sujet que porte le prochain article de l'Encyclopédie du Coin.