Après avoir vu l'histoire de Bitcoin et ses origines, son fonctionnement et celui du Lightning Network, penchons-nous maintenant sur certains points essentiels : pourquoi et comment 21 millions de bitcoins sont-ils émis ? Quels sont les mystères qui entourent le choix de ce nombre si particulier qui porte sur ses épaules les fondements de cet or numérique baptisé « Bitcoin » ? Comment Satoshi Nakamoto est-il parvenu à ce chiffre et pourquoi cette limite fixe est-elle si importante ? Est-elle vraiment fixe d’ailleurs ? Nous allons découvrir tout cela en détail dans cet article de l’Encyclopédie du Coin.
Temps de lecture estimé : 11 minutes
Table des matières
21 millions de bitcoins : théories diverses
Dès sa création, le protocole Bitcoin a été conçu pour produire une quantité limitée de bitcoins : 21 millions d'unités. Mais ce chiffre n’est pas clairement justifié. Il fait simplement partie des paramètres de fonctionnement du protocole défini par Satoshi Nakamoto.
Alors pourquoi 21 ? Et pourquoi pas 100 ? Ou 15 ? Nul doute qu’il ne s’agit pas là simplement du chiffre porte-bonheur de Monsieur Nakamoto, lui qui ne semble n'avoir rien laissé au hasard... Explorons les différentes théories autour de ce choix !
Une analogie avec la masse monétaire en 2009 ?
À l’époque de sa conception, difficile pour Satoshi Nakamoto d’imaginer quel serait l’avenir du Bitcoin. Serait-il voué à rester méconnu, utilisé par quelques initiés ? Ou serait-il synonyme d’adoption massive de la part de tous les habitants de la planète ? Dans les 2 cas, le nombre total d’unités, prévu dès le départ pour être fixe, ne devait pas être choisi à la légère.
Comme le dit Satoshi Nakamoto dans un e-mail adressé à Mike Hearn, le choix du nombre définitif de bitcoins en circulation a été difficile. Il lui a fallu envisager au mieux l’avenir et faire une prédiction. Si Bitcoin restait une solution de niche, il allait valoir bien moins qu’un euro ou dollar. Mais s’il était adopté par le commerce mondial, il allait naturellement valoir bien plus.
Néanmoins, Satoshi s'est appliqué à rendre le bitcoin utilisable facilement dans ces deux configurations, grâce au fait qu'un BTC est divisible en petites unités, appelées satoshis. Ainsi, 1 bitcoin équivaut à 100 000 000 satoshis. Cela laisse la possibilité d’exprimer les prix en satoshi ou en bitcoin.
Dans son email à Mike Hearn, Satoshi Nakamoto proposait aussi de déplacer la virgule en fonction de la valeur du bitcoin en euro, afin qu'il soit facilement convertible :
« Les valeurs sont des entiers de 64 bits avec 8 décimales, de sorte qu'un (bitcoin) est représenté en interne par 100 000 000 (satoshi). Il y a une bonne marge de manœuvre si les prix deviennent petits. Par exemple, si 0,001 BTC vaut 1 euro, il peut être plus facile de modifier l'emplacement du point décimal, de sorte que si vous avez 1 bitcoin, il est maintenant affiché comme 1000, et 0,001 est affiché comme 1. »
Email de Satoshi Nakamoto adressé à Mike Hearn, le 12 avril 2009
Si cette solution était adoptée, elle modifierait donc le nombre total de bitcoin, le faisant passer à un maximum de 2,1 millions de milliards ! Il semble cependant que, notamment du fait des fluctuations du prix du BTC face aux monnaies fiduciaires, la communauté ait pour l'instant choisi de ne pas appliquer cette solution.
À l’époque du lancement de Bitcoin, en 2009, la masse monétaire mondiale contenant l’ensemble des pièces, billets et comptes courants s'élevait à 20 340 milliards de dollars, selon les données du World Factbook de la CIA. Ainsi, on peut penser que Satoshi a conçu le nombre d’unités de Bitcoin pour qu’il puisse un jour être utilisé à la même échelle. Dans ce scénario, le prix d’un bitcoin dépasserait le million de dollars (si la virgule n'est pas déplacée).
Un lien avec la « politique monétaire » de Bitcoin ?
Une autre raison possible proviendrait du fonctionnement intrinsèque du réseau et du fait que l'émission de bitcoin se réduit avec le temps, comme vous le découvrirez dans la suite de cet article.
Il est possible que Satoshi Nakamoto ait commencé par décider de la fréquence de la réduction d'émission des bitcoins, puis qu'il ait calculé que le temps de bloc serait de 10 minutes pour optimiser le fonctionnement technique du réseau. Il en aurait ensuite déduit le nombre maximum de bitcoins, dans l'optique d'obtenir des chiffres ronds et ainsi des chiffres facilement compréhensibles et mémorisables.
Ainsi, si les postulats de Satoshi étaient un temps de bloc de 10 minutes et une émission réduite tous les 4 ans, cela signifiait que l'émission devait être réduite tous les 210 384 blocs exactement.
Par soucis de simplicité, Satoshi a pu arrondir ce nombre à 210 000. En partant d'une récompense de bloc initiale de 50 BTC par bloc miné, il a ainsi pu déterminer le nombre maximum de bitcoin avec la formule suivante (si vous avez un bac littéraire, accrochez-vous) :
D'autres théories plus ou moins farfelues
Bien sûr, le nombre de 21 millions a également été sujet à des hypothèses plus ou moins farfelues.
Le stock d’or mondial pourrait par exemple aujourd'hui être compacté en un cube de 21 mètres de côté. Satoshi Nakamoto souhaitait-il faire référence à l'actif physique aux caractéristiques les plus proches de Bitcoin ? Cette considération peu probable négligerait l'extraction supplémentaire d'or qui fera varier la taille de ce cube d’année en année.
Aussi, Satoshi Nakamoto savait au lancement du réseau Bitcoin qu'il serait dans un premier temps l'un des seuls à miner des blocs et donc à obtenir des bitcoins. Jusqu'à sa disparition, Satoshi Nakamoto a miné près d'un million de bitcoins qui peuvent encore aujourd'hui être retrouvés sur son adresse publique... Avait-il anticipé que ce million de bitcoins serait mis hors circulation à sa disparition, et a-t-il choisi ce nombre de 21 millions en conséquence afin de parvenir à 20 millions d'unités en capacités de circuler ?
Quoi qu'il en soit, le mystère demeure...
21 millions de bitcoins : le nombre d’or
Bitcoin ou l'or numérique
Bitcoin a clairement été conçu pour offrir un actif rare, dont la valeur augmenterait avec le temps s'il était adopté par le grand public. Il s'avère qu'en y regardant de plus près, Bitcoin partage de nombreux points communs avec le métal jaune :
- Rareté : il est limité en quantité et créé la notion de propriété dans le monde numérique, ce qui en fait le premier actif numérique rare. L'or est quant à lui évidemment rare, ce qui lui donne en partie sa valeur ;
- Émission : il est certes rare, mais il a aussi pour caractéristique de voir son rythme d'émission diminuer dans le temps. Il y a de moins en moins de bitcoins à miner, tout comme il y a (théoriquement) de moins en moins d'or à extraire de la Terre ;
- Divisibilité : tel qu'évoqué précédemment, un bitcoin peut être divisé en de plus petites unités (satoshis), tout comme l’or (grammes, onces, etc.) ;
- Extraction : l'article sur la preuve de travail vous a aussi montré que l’extraction de bitcoins (ou le minage) nécessite également beaucoup d’énergie, tout comme l’extraction de l’or.
À ce stade, vous commencez normalement à comprendre pourquoi le Bitcoin se voit souvent attribuer le qualificatif d'or numérique ou de réserve de valeur 2.0. Celui-ci étant, contrairement à cousin physique, facilement transmissible, programmable et réellement limité en quantité.
Étudions maintenant plus en détail la notion de halving.
L'importance du halving
Halving est un terme anglais, que l’on pourrait traduire par « réduction de moitié » ou « division par deux ». Il n’a pas réellement de traduction littérale, c’est un terme technique. C’est pourquoi nous garderons le terme anglais pour la suite de cet article.
Il désigne l’événement régulier qui consiste à diviser par deux la récompense en bitcoin que reçoivent les mineurs quand ils créent un bloc.
Comme nous l'avons vu précédemment, le halving se produit tous les 210 000 blocs minés. Un bloc étant en moyenne miné toutes les 10 minutes, cela correspond à 10 x 210 000 = 1 458,33 jours, soit approximativement 4 ans.
En 2009, au lancement du réseau Bitcoin, la récompense de minage était de 50 bitcoins par bloc. Ce nombre a donc été divisé par deux tous les 4 ans, ou plutôt 3 ans et 10 mois le plus souvent :
- 25 bitcoins par bloc en 2012 ;
- 12,5 bitcoins en 2016 ;
- 6,25 bitcoins en 2020 ;
- 3,125 bitcoins en avril 2024 ;
- 1,5625 bitcoin à partir de 2028, etc.
La date du prochain halving reste encore approximative, car un bloc est miné toutes les 10 minutes en moyenne et non pas toutes les 10 minutes exactement. Souvenez-vous, nous avions évoqué la notion d'ajustement de la difficulté sur cet article consacré à la preuve de travail.
Voici ce à quoi ressemble la courbe d'émission des bitcoins :
À l'heure de l'écriture de ces lignes, environ 19,76 millions de bitcoins ont déjà été minés soit environ 95 % des 21 millions. Les 5 % restants seront minés progressivement jusqu'à arriver au dernier en... 2140 !
Sans halving et avec une récompense de blocs de 50 BTC toutes les 10 minutes, le dernier bitcoin aurait déjà été miné en 2017 !
L'après 21 millions
Ceux d'entre vous qui ont lu les articles précédents de l'Encyclopédie savent que les mineurs sont incités à sécuriser le réseau Bitcoin grâce à deux éléments : les récompenses de bloc et les frais de transaction. Alors que se passera-t-il quand il n'y aura plus de BTC à miner ?
Si aucune modification du protocole n'a été introduite et approuvée d'ici 2140, les mineurs ne gagneront plus que ces frais de transaction. Difficile de savoir s'ils seront suffisants pour les motiver. Cela dépendra du niveau d'adoption, du prix du bitcoin, de celui de l'électricité et du matériel de minage... Des variables impossibles à mesurer aujourd'hui de manière fiable.
Nous reviendrons sur le futur de Bitcoin dans le dernier article ce Chapitre, pour ne pas vous laisser sur votre faim. Pour l'instant, nous pouvons simplement conclure que l’objectif de cette limite de 21 millions est d’intégrer une rareté intrinsèque à cet or numérique.
Mais d'ailleurs, y aura-t-il vraiment 21 millions de bitcoins ?
21 millions : un nombre qui ne sera jamais atteint
Fin du suspens ! Il n’y aura jamais 21 millions de bitcoins produits, et encore moins en circulation.
Le bloc 164 246 produit en janvier 2012 n’a par exemple donné que 48,24 bitcoins au lieu de 50. Le bloc 501 726 produit en décembre 2017 n’en a quant à lui généré aucun. Non pas à cause d'un bug ou d'une panne, mais parce que le protocole Bitcoin offre la possibilité au mineur d'un bloc de choisir d'obtenir moins de bitcoins que ce qui leur est permis. La seule obligation est de ne pas dépasser la limite, raison pour laquelle deux mineurs irrationnels ont pu réduire la quantité de bitcoins reçus en récompense.
D'autre part, un grand nombre de bitcoins sont inaccessibles ou ont été perdus depuis la naissance du réseau, le 3 janvier 2009. C’est le cas des 50 bitcoins créés par le premier bloc de genèse de la blockchain Bitcoin. Il y a aussi ceux perdus par la plateforme d'échange Mt Gox, ou par les utilisateurs lors de transferts erronés, ou encore oubliés sur des disques durs jetés aux ordures.
On peut prendre comme exemple les 7 500 bitcoins perdus par James Howells qu’il tente par tous les moyens de récupérer. Ou encore le million de bitcoins minés par Satoshi Nakamoto qui sont probablement perdus à jamais.
Au final, on estime à environ 3,7 millions le nombre de bitcoins perdus depuis la création de la blockchain Bitcoin, soit 17,5 % de la quantité totale.
21 millions serait-il donc le nombre d’or du XXIème siècle ? Sans aller jusque-là, il est clair que la limite fixe du réseau Bitcoin tire ses origines d’une réflexion approfondie de Satoshi Nakamoto, bien que cette derrière reste empreinte de mystères...
Comme nous le verrons dans le prochain article, il peut être rassurant de pouvoir compter sur une alternative monétaire disposant d’une limite fixe et indérogeable, à une époque où l'imprimante à billet attire nos institutions étatiques et bancaires.