
Secret bancaire et corruption : Douche froide pour ce journaliste qui attaque la Suisse
Secret bancaire. La Suisse est connue pour ses lois très strictes en matière de secret bancaire. Une situation qui peut parfois poser problème, notamment lorsqu’il s’agit de dénoncer des pratiques douteuses au sein de certaines institutions financières. C’est ce qu’a fait le journaliste Lukas Hässig sur son blog Inside Paradeplatz, en publiant des articles sur les investissements privés de Pierin Vincenz, l’ancien directeur général de Raiffeisen Suisse, et de son conseiller Beate Stocker. Mais cette enquête lui a valu une perquisition de la part des autorités suisses, qui l’accusent d’avoir violé le secret bancaire. Retour sur une affaire qui secoue la presse helvétique.
- La Suisse a été secouée par une affaire de secret bancaire impliquant le journaliste Lukas Hässig, qui a publié des informations confidentielles sur des investissements douteux.
- Une perquisition a été menée par les autorités suisses chez Lukas Hässig, soulevant des préoccupations sur la liberté de la presse face aux lois strictes sur le secret bancaire.

La justice suisse s’en prend à un journaliste
L’affaire remonte à 2016, lorsque Lukas Hässig a publié trois articles sur son blog Inside Paradeplatz, dans lesquels il révélait des informations confidentielles sur les comptes bancaires de Pierin Vincenz et Beate Stocker, détenus chez Julius Baer. Ces données lui avaient été transmises par une source anonyme, qui souhaitait dénoncer des conflits d’intérêts et des malversations au sein de la banque Raiffeisen Suisse.
Ces révélations ont conduit à l’ouverture d’une enquête interne chez Julius Baer, puis à une intervention de la Finma, le régulateur suisse des marchés financiers. Pierin Vincenz a été condamné à près de quatre ans de prison en 2022 pour fraude et gestion déloyale, après un procès qui a mis au jour des dépenses somptuaires réglées avec la carte de crédit de l’entreprise.
Mais la justice suisse ne s’est pas arrêtée là. Elle s’est également intéressée au cas de Lukas Hässig, qu’elle soupçonne d’avoir enfreint la loi sur le secret bancaire. Le 3 juin dernier, le bureau du procureur de Zurich et la police ont perquisitionné les locaux du blog Inside Paradeplatz, ainsi que le domicile privé du journaliste. Ils ont saisi un ordinateur portable, un téléphone portable et plusieurs documents.

Une menace pour la liberté de la presse ?
Lukas Hässig a dénoncé cette perquisition sur son blog, estimant qu’il s’agissait d’une atteinte à la liberté de la presse. Il a affirmé qu’il se défendrait contre toute accusation et qu’il n’avait fait que son travail de journaliste en informant le public sur des faits d’intérêt général.
« Si les journalistes ne peuvent pas écrire cela en Suisse et écrire sur des actes criminels, nous avons un problème dans ce pays », a-t-il déclaré au Financial Times.
De son côté, le procureur de Zurich a justifié sa démarche en expliquant qu’il s’agissait d’une procédure pénale en cours pour suspicion de violation du secret bancaire. Il a précisé que la présomption d’innocence s’appliquait jusqu’à la conclusion définitive de l’affaire.
Suisse et confidentialité bancaire une situation qui évolue
La loi suisse sur le secret bancaire interdit à quiconque de divulguer des informations considérées comme confidentielles, quelle que soit la manière dont elles ont été obtenues. Une extension du code pénal introduite en 2015 permet même de poursuivre des tiers, comme des journalistes, pour violation du secret, même s’ils n’ont aucun lien direct avec une banque.
Les peines encourues vont jusqu’à trois ans de prison et une amende de 250 000 francs suisses. En 2022, le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence a rappelé que la publication de données divulguées pouvait être punissable en vertu du droit suisse, même si elles avaient déjà été rendues publiques par d’autres moyens.
Cette affaire relance le débat sur la nécessité de réformer les lois suisses sur le secret bancaire, jugées trop draconiennes par certains observateurs. Récemment encore, le Conseil fédéral a adopté un projet de loi qui permettra l’échange automatique d’informations (EAI) sur les actifs numériques avec 74 pays partenaires, dont le Royaume-Uni et tous les États membres de l’Union européenne. Cette mesure, qui pourrait entrer en vigueur le 1er janvier 2026, vise à renforcer la réputation de la Suisse en tant que leader de la finance numérique tout en respectant les normes internationales de transparence fiscale. Affaire à suivre.
