Euro numérique : la BCE tente de rassurer les banques
Incompréhension bancaire. La mise en place d’un euro numérique est fortement soutenue par la Banque centrale européenne (BCE). Toutefois, ce chantier – encore bloqué à l’étape du cabinet d’architectes – rencontre de nombreuses oppositions. Il faut dire que ces monnaies numériques de banques centrales (MNBC) véhiculent avec elles un forte image de dystopie monétaire. D’autant plus si l’on considère que la première version officiellement opérationnelle a été initiée par la Chine. Rien à voir cependant du côté de l’Europe, puisque le principal obstacle se trouve être le secteur bancaire. Et cela commence à agacer dans les hautes sphères de la banque des banques.
Euro numérique : les craintes des banques sont « déplacées »
Les monnaies numériques de banques centrales (MNBC, on CBDC en anglais) sont régulièrement montrées du doigt pour les risques qu’elles peuvent représenter dans le cadre du respect de la vie privée. Car il est très simple de coder une fonctionnalité permettant de surveiller ou de bloquer les fonds de ses utilisateurs. En effet, même la société Tether (USDT) est en mesure de le faire pour le compte de l’OFAC des États-Unis…
Une excroissance dématérialisée souvent confondue – à tord – avec les cryptomonnaies. Mais comme l’expliquait il y a peu le lanceur d’alerte Edward Snowden, là où le Bitcoin est la plus grande « avancée monétaire » depuis des siècles, les MNBC sont « conçues pour refuser la propriété fondamentale de leur argent à leurs utilisateurs ».
Dans le même temps, et d’une toute autre manière, l’arrivée de ces monnaies numériques inquiète jusque dans les rangs du secteur bancaire. Une situation à l’origine de nombreuses discordes sur le sujet délicat de l’euro numérique. Car, comme l’explique la BCE dans un récent rapport, « de nombreuses banques craignent que leurs clients ne retirent leurs dépôts pour détenir de l’euro numérique. » Mais, selon Piero Cipollone, membre du directoire de la BCE, ces craintes sont tout simplement « déplacées. »
« Malgré l’inclusion explicite de mesures d’atténuation dans la conception des MNBC, les associations bancaires, les groupes de réflexion parrainés par les banques et les universitaires ont continué à publier des études soulignant les risques associés à l’élimination des intermédiaires financiers des transactions. »
BCE
« Un moyen de paiement et non pas un moyen d’investissement »
Selon les déclarations de la BCE, l’euro numérique n’a absolument pas vocation à devenir un véhicule dédié à l’investissement. De ce fait, les banques n’ont aucune raison de craindre pour un risque de perte de dépôts ou de désintermédiation bancaire. Car l’objectif affiché est uniquement de développer « un moyen de paiement. »
« Dans le cas d’un euro numérique, la combinaison de la cascade inversée, d’une limite de détention et de l’absence de rémunération réduirait fortement les incitations à conserver de grosses sommes d’argent dans un portefeuille numérique en euros. Les utilisateurs s’appuieraient sur l’euro numérique comme moyen de paiement plutôt que de l’utiliser pour investir. »
BCE
Il semble donc que l’euro numérique soit très clairement dessiné à l’attention – ou à l’avantage – toute particulière du secteur bancaire. Mais qu’en est-il de ses utilisateurs, apparemment empêchés d’en détenir comme bon leur semble. Pas de problème de ce côté-là, puisque « les banques pourraient toujours offrir une rémunération plus élevée pour conserver les dépôts. »
Pas d’inquiétude à avoir, l’euro numérique ne sera pas un moyen pour la population européenne d’échapper à l’hégémonie du secteur bancaire. Et, de toute manière, « La décision effective de l’émettre sera prise ultérieurement. » C’est-à-dire « pas avant que le cadre juridique ne soit en place et que toutes les caractéristiques fonctionnelles n’aient été spécifiées. » On parle donc en années…