Un nouveau Faketoshi dans la nature

Dans notre petite cryptosphère, les rumeurs se répandent à la vitesse de l’éclair. Il n’a donc pas fallu longtemps pour qu’une « révélation » d’un nouveau Satoshi Nakamoto autoproclamé fasse le tour de la communauté crypto. Organisée initialement par épisodes, la mystérieuse baudruche se sera bien vite dégonflée.

Satoshi, ou des visions à n’en plus finir

Comme vous vous en rappelez, les temps sont durs pour Craig S. Wright récemment, lui qui a beaucoup plus de mal à démontrer qu’il est Satoshi devant une cour de justice que devant les quelques afficionados du BSV encore convaincus qu’il puisse être le fameux créateur du Bitcoin. La place étant encore chaude, il n’aura pas fallu longtemps pour qu’un nouveau prétendant ne se présente pour récupérer le crypto-trône de Satoshi Nakamoto.

Ce nouvel apprenti Satoshi autoproclamé a ainsi fait publier et diffuser une longue « confession », intitulée en anglais « My Reveal », sur le site de Ivy McLemore & Associates (IM&A) ce 18 août. Mais késaco ?

Premier indice, IM&A est une agence de marketing numérique, dont les clients sont des projets crypto cherchant à promouvoir leur offre d’investissement. Et quoi de mieux pour se faire un coup de pub que de se revendiquer comme le créateur de la cryptomonnaie historique ?

Si vous croyez que le vrai Satoshi Nakamoto aura besoin d’une agence de communication pour son retour (s’il revenait un jour), vous pouvez continuer à lire. Dans le cas contraire, vous pouvez rester, la suite est quand même croustillante !

La fameuse « Révélation » de Satoshi Nakamoto – Source : Ivy McLemore

De belles promesses pour attirer le chaland

Dans sa révélation en 3 parties (il faut bien faire durer le suspens !), le vrai/faux Satoshi Nakamoto a promis de nombreuses réponses aux questions que la cryptosphère se pose : son vrai nom, pourquoi il n’a jamais déplacé aucun de ses 980 000 BTC, son pays d’origine, son parcours universitaire et professionnel, ainsi qu’un… nouveau projet de crypto !

Eh oui, car si notre néo-Satoshi se décide à sortir de l’ombre, c’est bien parce qu’il a « une renaissance de Bitcoin » à nous vendre, comme nous le verrons un peu plus tard.

Mais avant sa révélation, le « créateur » de Bitcoin nous explique sa disparition des radars, qui s’est produite :

« (…) en 2011 lorsque Gavin Andresen, l’un des premiers développeurs de logiciels qui m’a aidé, a décidé de parler de Bitcoin à la CIA ».

Et voilà, encore un coup de la CIA ! C’est John McAfee qui nous aurait menti alors, en disant exactement le contraire, quand il a prétendu connaître qui est Satoshi Nakamoto il y a quelques mois de ça (sacré John !). En effet, il faudra choisir qui croire, puisque nous n’aurons aucun détail supplémentaire sur le pourquoi du comment de cette fuite. Solide, la révélation.

Faketoshi numérologiste

S’ensuit une confuse discussion où toutes les composantes de Bitcoin sont dérivées d’un raisonnement pour le moins capillotracté, reposant essentiellement sur une utilisation extensive de la numérologie, nous rappelant les plus belles heures de Jim Carrey dans « Le Nombre 23 ».

Au choix, la démonstration pourra vous impressionner ou vous laisser dubitatif. Nous concernant, ce fut plutôt la seconde option. Pour autant, quand ce n’est pas un comptage approximatif qui doit nous démontrer la vérité de cette « révélation de Satoshi », le reste des arguments peut tout de même laisser pantois.

Pourquoi « Bitcoin » ? Parce que. Hmm.

Zut, j’ai encore perdu les clés (privées)

De nombreux observateurs ont rapidement fait remarqué diverses lacunes autant en codage qu’en maîtrise de la langue anglaise de notre nouveau Faketoshi, là encore légèrement en décalage avec l’image qu’avait laissé le grand homme avant de disparaître des écrans de la cryptosphère.

Mais au cas où ça ne suffise pas, il nous reste encore à aborder la pomme de discorde bien connue du vrai Satoshi : pourquoi n’avoir jamais déplacé ses 980 000 BTC minés au tout début de Bitcoin ? Cédant sans doute à la facilité, c’est la désormais la célèbre « défense Craig Wright » qui fut invoquée : comment utiliser des clés privées, si on les a perdues ?

Comme le fait remarquer Riccardo Spagni, il est étrange que notre ami Nakamoto ait subitement et définitivement arrêté de miner d’autres bitcoins, juste après avoir « malencontreusement » perdu ses clés privées.

Faire table rase du Bitcoin (évidemment)

Nous pourrions continuer encore longtemps les incohérences de cet amusant récit (accordons lui au moins ce mérite), mais pour la faire courte : notre Satoshi Nakamoto se révèle finalement être « James Bilal Khalid Caan » de son vrai nom civil, pakistanais d’origine et vivant actuellement au Royaume-Uni.

Notre énième Satoshi aura au moins signé sa confession, à défaut d’une transaction BTC – Source : Ivy McLemore​

Et notre « Godfather of Digital Cash », comme il se présente lui-même, a finalement quelque chose à nous vendre : Tabula Rasa, son nouveau Bitcoin repensé, bien mieux que BTC ! Rappelons que M. James Bilal Khalid Caan a déjà par le passé travaillé sur un autre projet crypto, selon ses dires-mêmes : l’AnnurcaCoin, la première « cryptomonnaie centralisée basée sur cloud ».

Eh, ça ne vous fait pas rêver ?

J’espère qu’en tant que lecteur du Journal du Coin, habitué à nos chroniques consacrés aux projets douteux – malheureusement inhérents à l’enthousiasme entourant la cryptosphère -, vous aurez vu le loup venir. En conclusion, et pour changer, rien de nouveau sous le Soleil, et toujours pas de trace du véritable Satoshi.

 

Rémy R.

Issu d’une formation universitaire en Sciences, je m’intéresse aux blockchains et à Bitcoin depuis 2013 et en ai même miné à l’époque. La bulle qui s'en est suivie m'en a détourné, mais je m'y suis replongé depuis 2017 et les étudie depuis avec passion.