Surveillance financière et démocratie : La cryptosphère s’inquiète des dérives autoritaires injustifiées de nos gouvernants.
« La liberté est la norme et la contrainte l’exception ». Dans un brillant plaidoyer pour nos libertés individuelles et collectives, l’entrepreneur, auteur et conférencier franco-canadien Alexandre Stachtchenko démontre à quel point la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme a failli en terme de résultats mais aussi en terme d’éthique. Pour lui il y a urgence à reconsidérer les politiques publiques en matière de surveillance financière et à remettre à l’honneur un droit fondamental de nos démocraties libérales : la Liberté. Lorsque l’État veut en restreindre le champ à ses administrés pour des raisons impérieuses de sécurité, il lui appartient de prouver à la fois que cette disposition est justifiée mais surtout que le gain est plus important pour la société que la perte de droit subie.
Or, pour Alexandre Stachtchenko, notre grand témoin du jour, rien ne va plus en Europe et aux États-Unis où les gouvernements défigurent ce qu’il reste de nos libertés sur l’autel d’une lutte stérile contre le soi-disant blanchiment d’argent et il est grand temps de tirer la sonnette d’alarme. Et tout commence par un silence. Le silence du petit canari, orange pour la circonstance, qui au fond de la mine annonce l’imminence du danger à venir.
Alexandre Stachtchenko est inquiet sur l’état de nos libertés et fait le parallèle avec la crypto
La cryptomonnaie ou la théorie du canari des mineurs de fond avec Tornado Cash et Samouraï Wallet
Oui, bien sûr un canari c’est jaune, mais en démarrant sa démonstration par l’image du petit oiseau utilisé par les mineurs de fond, le cofondateur de l’ADAN veut montrer que la cryptomonnaie et plus particulièrement Bitcoin est peut-être le signal que l’on attendait pour prouver les excès des politiques anti blanchiment d’argent (AML) et de vérification d’identité poussée (KYC) menées dans nos démocraties. Tout comme il permettait aux gueules noires d’anticiper les poches de gaz, Bitcoin est le canari de la finance qui ne chante plus.
Et s’il ne chante plus, c’est parce qu’il est en prison ou en passe de l’être. Le fondateur de Tornado Cash, Alexey Pertsev, a ainsi été condamné le 24 mai dernier à cinq ans de prison par un tribunal néerlandais car « l’outil qu’il a mis au point est par sa nature et son fonctionnement spécifiquement destiné aux criminels » a-t-on pu lire dans le document judiciaire. Il est peut-être à sa façon, un des premiers canaris numériques de l’histoire au même titre que Julian Assange ou Edward Snowden.
« Chercher à préserver sa vie privée est donc au pire une preuve de criminalité, au mieux une complicité de crime », s’indigne Alexandre Stachtchenko qui donne un autre exemple de ce mouvement de fond, avec l’arrestation de l’équipe derrière Samouraï Wallet qui est pour lui l’expression d’un contrôle préventif insupportable et profondément injuste. Leur crime ? « Avoir conspiré pour blanchir de l’argent et avoir opéré une entreprise de transfert d’argent non autorisée » selon les termes de la justice américaine. Et ils font face à 25 ans de prison cumulés pour ces deux crimes. Mais à bien y regarder de plus près, il y a quelque de pourri au royaume de l’Oncle Sam, pour paraphraser le grand William qui ne nous en voudra pas pour si peu.
La justice fait fausse route et Alexandre Stachtchenko le prouve par l’absurde
Pour le démontrer, le chouchou des médias cryptos français va raisonner par l’absurde. Partons du principe que Samouraï Wallet fabrique des portefeuilles, certes numériques, mais portefeuilles quand même. Un peu comme un fabricant de porte-monnaie en cuir qui serait installé dans n’importe lequel de nos jolis villages français. Ces deux portefeuilles sont bien destinés à protéger la valeur que l’on y dépose et à faciliter sa gestion courante, mais pourrait-on reprocher au fabricant artisanal qu’un de ses clients ait acheté des armes ou de la drogue avec son porte-monnaie ? La réponse est évidemment non et on pourrait même aller plus loin en se demandant si finalement il ne faudrait pas alors aussi incriminer les distributeurs automatiques de billets ? Et les fabricants de billets puisque c’est avec ces bouts de papier que l’on se livre à des activités criminelles ?
Aussi ridicule que cela puisse paraître, c’est exactement ce que fait la justice américaine en emprisonnant des fabricants de portefeuilles numériques et en faisant donc une confusion aussi grotesque que malhonnête. De même, lorsque dans l’affaire Tornado Cash, les autorités décident de geler des fonds qui ont transité par le service sous prétexte qu’ils ont été en contact avec des fonds illégaux, on pourrait appliquer le même raisonnement à toutes les personnes qui ont des billets avec des traces de drogue dans leur poche ! Il cite d’ailleurs une étude universitaire relayée par les grands médias outre-Atlantique qui montre que 90 % des billets américains portent des traces de cocaïne ! Tous les détenteurs de dollars souillés devraient-ils aller en prison ? se demande de manière ironique Alexandre Stachtchenko.
Les pouvoirs publics se trompent de cible et bafouent nos droits élémentaires
Les États-Unis et l’Europe à la pointe de la lutte contre le blanchiment d’argent mais à quel prix ?
Toujours au rayon bizarrerie financière, la justice américaine et le FinCen (Financial Crime Enforcement Network) qui dépend du Département du Trésor, ne sont même pas d’accord pour savoir qui est un émetteur d’argent et qui ne l’est pas mais cela n’a pas empêché les juges de mettre ces ingénieurs du numérique en prison. Et ce n’est pas mieux au sein de l’Union Européenne où « les transferts de cryptomonnaie sont considérés comme des transferts de communications électroniques » selon la définition fournie par le droit de l’UE, or, les communications électroniques sont protégées par « le droit à la vie privée et à la protection des données personnelles ». Et la limitation, voire la levée de ces droits, ne peut être justifiée que si « elle est nécessaire à la poursuite effective d’un objectif défini et de manière strictement proportionnée ».
Il est donc inconcevable dans l’Europe des démocraties libérales, surenchérit notre témoin du jour, de demander à un acteur privé de bloquer des transactions ou d’autre types de communication sans être sûr de leur illégalité. Pourtant, les autorités le font. Enfin, autre exemple, toujours dans notre belle Europe, un règlement a été voté le 25 avril pour imposer de nouvelles contraintes financières pour lutter contre le blanchiment d’argent, comme la limite de 10 000€ de paiement en liquide ou comme l’obligation pour tous les fournisseurs de services d’actifs numériques de collecter des informations sur leurs clients. Mais surtout il est question de portefeuilles dits auto-hébergés (ou non hébergés) en opposition aux portefeuilles détenus par des intermédiaires financiers pour le compte de leurs clients.
Un contrôle excessif au service d’une « paranoïa infondée »
C’est-à-dire que l’on considère que la norme est la garde par un tiers et que l’auto-conservation ou l’auto-garde est une exception. Une exception un peu équivoque, voire même un peu dangereuse par nature. Or ce glissement sémantique est insidieux et pernicieux car on part donc du principe que vouloir disposer soi-même de son argent est finalement suspect. Comme dirait M. Stachtchenko, « il n’y a pas de portefeuilles non hébergés ou auto-hébergés ; il n’y a que des portefeuilles, point final. Et certains les confient à des tiers ».
Mais au fait, pourquoi tous ces textes ? Quelle est l’origine du mal ? Est-on sûr que les cryptomonnaies soient le véhicule privilégié du blanchiment à grande échelle ? La réponse est non et les preuves sont accablantes car presque toutes les études publiées le montrent. Rapports du GAFI, de l’UE, du FMI, de la Banque Mondiale, tous ces experts se citent les uns les autres et partent du postulat que la cryptomonnaie est utilisée pour blanchir de l’argent mais sans jamais pouvoir réellement le prouver.
Ce n’est plus de la politique publique mais de simples croyances !
À l’arrivée, il ne s’agit plus vraiment de lutter contre l’argent sale mais plutôt « d’élever les normes de contrôle années après années » en faisant reposer les lois sur « des croyances, des perceptions et même sur une forme de religion ». Et la question centrale de l’équilibre entre l’atteinte aux droits et l’intérêt général se pose à ce moment là. Il devient alors crucial et urgent d’éviter des dérives autoritaires pour un gain quasi nul. « Dans une démocratie libérale, la liberté est la norme et la contrainte l’exception » conclut-il et on s’en éloigne chaque jour un peu plus.
Dans une deuxième partie moins orientée cryptomonnaie, le Business Angel français va finalement réussir à prouver qu’à la fois la lutte contre le blanchiment est un échec notable mais qu’en plus ses effets collatéraux sont bien pires que les gains collectifs.
Une lutte inutile, trop coûteuse mais surtout liberticide et injuste
Les mesures onéreuses de KYC (know your customer) n’ont jamais montré leur efficacité
Et tout commence par le rapport de Ronald Pol, un chercheur à l’Université La Trobe à Melbourne qui a synthétisé presque 20 études sur l’efficacité des mesures de KYC dans la lutte contre le blanchiment (AML) et ses résultats sont hallucinants. Pour ce chercheur, les procédures KYC et AML ont permis de récupérer seulement 0,05 % de l’argent criminel mondial ! Soit 1,5 milliard de dollars sur les 3 000 milliards d’argent sale généré chaque année dans le monde. Pire, sur cette somme déjà famélique, seuls 20 % sont réellement récupérés par ces procédures (KYC et AML) et le reste via des saisies classiques. Conclusion de ce M. Pol : « l’expérience de lutte contre le blanchiment d’argent reste un candidat viable pour le titre d’initiative politique la moins efficace jamais vue de tous les temps ».
Un autre étude d’Europol arrive exactement aux mêmes conclusions en 2016 et tout ceci fait dire à Alexandre Stachtchenko que « face à de tels résultats médiocres et devant l’ampleur de leurs coûts, toute personne ou entreprise sensée prendrait un certain temps pour réfléchir à la durabilité d’un tel système. Mais nous avons affaire à une religion ici, et demander des preuves et des raisonnements peut faire soupçonner une complicité avec le blanchiment d’argent et le terrorisme ». Car oui, en plus d’être passablement inefficace, tout ceci coûte horriblement cher avec une constellation d’avocats spécialisés dans la conformité, de cabinets de conseil ou de start-ups qui se gavent d’argent public pour les résultats que l’on connait. Ainsi, en Europe les coûts annuels de conformité ont atteint 144 milliards d’euros pour 110 milliards récupérés. Quand il vous dit qu’on marche sur la tête…
Le sacrifice de la liberté et de l’anonymat en ligne au service d’une idéologie anti-démocratique
Pour finir en beauté, l’auteur de Bitcoin & Cryptomonnaies faciles va reprendre différents exemples de perte de liberté au sein même des grandes démocraties de ce monde, avec pour commencer celui de 2022 au Canada où des manifestants s’étaient vu imposer des mesures de coercition financière pour avoir protesté contre le gouvernement. Plusieurs comptes bancaires individuels ont ainsi été gelés pour un motif politique et ce sont bien l’état de droit et les libertés individuelles qui ont été amoindris. Autre exemple avec celui du conservateur pro-Brexit Nigel Farage dont les comptes ont aussi été fermés pour des raisons là encore politiques et devant le scandale, le Premier ministre Rishi Sunak a promis de modifier la loi. Il citera également d’autres exemples en Inde, en Corée du Sud et même en France qui montrent le même genre de décisions arbitraires, si loin de la définition que l’on se fait de l’État de droit.
Et pendant ce temps là, en 2012, HSBC est accusé de blanchiment d’argent pour les cartels de la drogue et UBS est condamné pour avoir favorisé l’évasion fiscale. En 2014, c’est BNP Paribas qui plaide coupable d’avoir aidé des États sous embargo à contourner les sanctions américaines et en 2019 c’est la Danske Bank qui est carrément condamnée pour avoir facilité le blanchiment à grande échelle de fonds en provenance de Russie. La Standard Chartered est elle accusée en 2012 d’avoir blanchi 250 milliards de dollars pour le compte de clients iraniens. Et que dire de JPMorgan, condamné 277 fois depuis 2000 pour de multiples violations !
Ne pas s’habituer au pire, jamais
Pour toutes ces infractions, combien de gens en prison d’après vous ? Aucun. Personne. De simples amendes payées par ces banques avec l’argent de leurs clients, c’est-à-dire vous et nous. Par contre, le développeur de Tornado Cash, lui, a déjà fait neuf mois de prison et pourrait y rester cinq ans. En conclusion, nous avons donc des mesures inutiles, onéreuses, qui jettent le discrédit sur tout un écosystème, le tout au service d’une idéologie liberticide. Si rien ne change nous pourrions finir dans un monde où l’intention présumée suffira à accuser quelqu’un et à le priver de ses droits les plus élémentaires. Voici maintenant les derniers mots d’Alexandre Stachtchenko dans son article paru dans Bitcoin Magazine qui nous exhorte à réagir : « cette situation devrait effrayer tout citoyen désireux de vivre dans une démocratie libérale ». En ce qui nous concerne, nous, on a déjà un peu peur.