Groupe d’Action Financière (GAFI) : nouvelles règles pour les cryptos

La cryptosphère n’en finit plus d’être scrutée par les régulateurs de tout poil : une nouvelle réglementation du Groupe d’Action Financière (GAFI, ou FATF pour Financial Action Task Force) est annoncée pour très bientôt, l’organisme intergouvernemental s’invitant ainsi à la table des discussions. Cette institution souhaite en effet imposer de nouvelles « recommandations » pour le moins très contraignantes aux plateformes de change crypto.

L’empire financier contre-attaque

Annoncée pour être mise en place dès ce 21 juin, cette réglementation GAFI voudrait que les crypto-exchanges soient traités comme des banques traditionnelles, et ce dans près de 200 pays… Avec toutes les obligations que cela sous-entend.

Un des principaux points de friction est la future obligation pour les exchanges de recueillir des informations sur tout client qui initiera des transactions de plus de 1 000$ ou 1 000€. Mais le GAFI n’en reste pas là, puisqu’il voudrait également que les prestataires cryptos recueillent des informations sur les destinataires des fonds, pour chaque transaction, afin de les transmettre à l’exchange destinataire. Une forme de blockchainisation en chaîne du KYC à l’extrême, en quelque sorte.

S’il serait sans doute possible de discuter de l’aspect liberticide de ces mesures – comme à l’habitude présentées comme une réponse strictement nécessaire à la menace terroriste et au fléau du blanchiment d’argent -, d’aucuns pourraient redouter le déploiement d’une usine à gaz aussi coûteuse que laborieuse à mettre en place.

Ces règles pourraient ainsi chambouler les process d’un certain nombre d’acteurs, notamment :

  • les petites et moyennes entreprises du secteur, qui pourraient ne pas être capables financièrement de mettre en œuvre ces nouvelles exigences légales, et fermer leurs portes ;
  • les fonds institutionnels orientés cryptos, qui vont se voir rallonger drastiquement les délais et coûts de transactions.

Le paragraphe 7(b) : histoire d’une collaboration imposée

Pour autant, dans ce futur règlement du GAFI, c’est le paragraphe 7(b) qui a le plus provoqué une véritable levée de boucliers chez les opérateurs de plateformes de change (désignés VASP ci-dessous, pour Virtual Asset Service Providers) :

« Les pays devraient veiller à ce que les VASP à l’origine [de la transaction] obtiennent et conservent les informations requises et exactes sur le donneur d’ordre, et sur le bénéficiaire, concernant les transferts d’actifs numériques, soumettent les informations ci-dessus aux VASP du bénéficiaire (…), et les communiquent sur demande aux autorités compétentes ».

Notons que le texte est identique pour le VASP récipiendaire de la transaction, qui doit lui aussi conserver toutes ces informations, et les transmettre aux autorités sur demande.

Si en soi une telle évolution législative n’est pas forcément une surprise, voilà donc qu’à l’image des banques traditionnelles, les exchanges seraient à terme donc obligés de mettre en place des normes communes sur l’échange des informations d’identification de leurs clients.

Parmi la multitude de réactions exaspérées des professionnels du secteur, celles des exchanges Bittrex et Kraken – cités par Bloomberg – sont assez parlantes et résument bien la situation :

« Il faudra soit une restructuration complète et fondamentale de la technologie blockchain, soit un système parallèle mondial à construire parmi les quelques 200 exchanges du monde. (…) Vous pouvez imaginer les difficultés à essayer de construire quelque chose comme ça » John Roth, responsable de la conformité chez Bittrex.

« En l’absence de systèmes technologiques améliorés, il s’agit d’essayer d’appliquer les règles du XXe siècle à la technologie du XXIe siècle. (…) Il n’y a pas de solution technologique qui nous permettrait [aujourd’hui] de nous conformer pleinement [à ces règles] », Mary Beth Buchananan, avocate générale auprès de Kraken.

De leur côté, les États adhèrent sans surprise à cette proposition, à l’image des Ministres des Finances du G20 qui soutiennent dans une déclaration commune cette réglementation pour le moins restrictive :

Quand le vieux monde rencontre le nouveau, le mariage se fait rarement sans occasionner de frictions ; et c’est le moins que l’on puisse dire dans le cas présent. Quoi qu’il en soit, rendez-vous dans 9 jours pour profiter dans la joie et l’allégresse de cette nouvelle réglementation et de ses conséquences. 

Rémy R.

Issu d’une formation universitaire en Sciences, je m’intéresse aux blockchains et à Bitcoin depuis 2013 et en ai même miné à l’époque. La bulle qui s'en est suivie m'en a détourné, mais je m'y suis replongé depuis 2017 et les étudie depuis avec passion.