Ripple et XRP : les deux faces d’une même pièce de fausse monnaie

Mentir sur l’offre pour stimuler une demande exsangue ? – Rémy vous en parlait fin janvier : selon le média Messari, les données fournies par Ripple aux divers indices cryptomonétaires pour évaluer sa masse tokenisée circulante de XRP sonneraient faux. Après avoir épluché l’histoire de la relation entre la société Ripple et le token XRP qu’elle émit en janvier 2013, Messari s’est aussi intéressé aux divers accords passés par les fondateurs de Ripple, mais également aux conditions contractuelles existantes entre la société et ses multiples partenaires. Au final, ce seraient près de 46% des tokens XRP annoncés comme en circulation qui seraient en définitive fortement (si ce n’est totalement) illiquides.

Un simple détail pour les investisseurs, sans doute.

A gauche, les 25,7 milliards de XRP suspectés illiquides par Messari à l’issue de leurs investigations. Propre.

Les murs ont des oreilles, mais Ripple nettoie toujours ses écuries

Messari a donc décidé de remonter le temps à travers les diverses déclarations publiques de représentants de Ripple (auprès des médias ou bien en nom propre sur les sites officiels successifs de la société), et de les recouper avec diverses sources d’information (taxation, comptabilité, ou encore monitoring des wallets associés à la société Ripple sur la blockchain XRP).

Le but : identifier le volume véritable de tokens XRP qui sont ou bien sous escrow contrôlé par la société Ripple, ou bien détenu par les co-fondateurs, ou bien distribué à des partenaires, mais soumis à des restrictions de revente draconiennes (rendant ces montants non circulants, de facto).

Pour autant, le média note avec amusement qu’il semblerait qu’un mal mystérieux frappe les contrées des crypto-comptes Nostri et Vostri : les communications publiques de Ripple auraient tendance à disparaître des sites officiels de l’entité lorsque la réalité évoluerait et ne coïnciderait plus avec des prises de positions ou des annonces passées.

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Posons donc ça là, et entrons dans le terrier du pays des merveilles, où l’or s’avèrerait être du tungstène.

Jeb McCaleb : le crypto-roi aux mains liées

Le premier point d’accrochage concerne le mythique Jeb McCaleb, que la cryptosphère connaît pour ses prouesses passées en lien avec par exemple Mt.Gox ou encore Stellar (XLM).

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Pour rappel, au lancement du token XRP par Ripple en janvier 2013, 20 des 100 milliards de la supply ont été contractuellement attribués aux trois co-fondateurs, à savoir Jeb McCaleb, Arthur Britto et Chris Larsen. Ripple l’annonçait d’ailleurs en octobre 2013 sur son site officiel selon Messari, mais cette mention a depuis été supprimée.

En mai 2014, McCaleb décide d’aller voir ailleurs, la tête tournée vers Stellar. Il annonce alors vouloir vendre la totalité de son stake de XRP. Un actif aussi parfaitement décentralisé que le XRP aurait alors pu subir une chute massive de son cours.

Heureusement, par la magie de la blockchain, la société Ripple obtient un accord à l’arraché, imposant de fortes conditions restrictives de revente, selon lequel McCaleb s’engage de facto à immobiliser 9 milliards de tokens XRP.

Les conditions exactes détaillées par Messari sont plus complexes, mais montrent que ce cher McCaleb était autorisé à revendre “seulement” pour 10 000 dollars de tokens par semaine la première année, puis de plus en plus les ans passants. Pour autant, ayant été accusé par la suite par Ripple de ne pas respecter ces conditions, il a passé un nouvel accord, le limitant à revendre au fil des ans seulement entre 0,5 à 1,5% du volume quotidien échangé de XRP pour ne pas influencer massivement le cours.

“One frictionless experience to send [yourself] money globally”
Messari avance même que Ripple reprit alors le contrôle a posteriori de certains des wallets appartenant à McCaleb une fois cet accord passé, pour s’assurer qu’il respecta ensuite les nouvelles conditions contractuelles liant les deux parties.

Une illustration éclatante du caractère permissionless du XRP.

Pour autant, la compensation à une telle perte de souveraineté cyber-économique resta à priori relativement confortable pour McCaleb, d’autant plus que la méthodologie utilisée par Ripple pour calculer ce “volume quotidien échangé” reste pour le moment frappée du sceau du secret.

Chris Larsen : un don massif annoncé jamais effectué en totalité

Pour autant, McCaleb n’est pas le seul co-fondateur à détenir un stake massif qu’il se doit contractuellement de conserver. A la même époque où McCaleb s’en alla, Chris Larsen tomba d’accord avec la société Ripple pour faire un don à une fondation dédiée à l’innovation financière. Cette fondation est aujourd’hui connue sous le nom de RippleWorks.

Le don était à l’époque censé représenter 7 milliards de tokens XRP, comme annoncé sur les forums Ripple en août 2014 (à priori supprimé depuis selon Messari, mais dont on peut encore trouver trace dans des posts ultérieurs, comme ici en avril 2015). Pour autant, ce don n’est aujourd’hui toujours pas effectif : à la place, Chris Larsen a, selon les estimations de Messari, contribué très progressivement annuellement et non pas one shot auprès de la fondation, pour un total actuel de seulement 1 milliard de tokens, et non 7.

Parallèlement, la société Ripple elle-même a contribué pour 2 milliards de tokens supplémentaires auprès de la fondation, sans qu’il soit clairement établi si ce don était effectué au nom de Chris Larsen.

Messari considère que depuis 2017, plus aucun versement effectif n’est comptabilisable dans le cadre de ce “don”.

Au total, l’on pourrait donc comptabiliser près de 8,5 autres milliards de XRP comme étant eux aussi illiquides.

Des histoires de famille qui compliquent le tableau : R3

Sans entrer dans un détail excessif, rappelons très sommairement que Ripple est aussi entré en procédure avec d’autres partenaires, notamment R3.

Vous vous rappelez sans doute des multiples fois où les deux sociétés ont depuis croisé le fer devant la justice (ici, ou encore ici).

Messari estime que l’accord (confidentiel) passé pour clôturer les poursuites entre les deux entités ont finalement imposé de drastiques conditions limitatrices de revente concernant encore jusqu’à 5% du supply total.

XRP II : HODLer malgré soi

Enfin, Messari s’attaque au dernier gros morceau : XRP II. Sous cet intitulé barbare, le média désigne le sous-organisme de Ripple par lequel l’entreprise gère ses relations commerciales, et ses ventes de XRP à ses partenaires commerciaux.

D’après les calculs de Messari, en estimant en hypothèse (très) optimiste que les partenaires commerciaux aient profité de permissions de revente bien plus généreuses que celles accordées aux co-fondateurs (leur permettant de revendre pour 20% des tokens achetés au lieu des 1% moyennés des co-fondateurs), il resterait 4 milliards de tokens XRP figés et indisponibles en lien avec ces partenaires particuliers.

Un bilan comptable insincère ?

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En définitive, selon les estimations de Messari, la véritable offre circulante de tokens XRP non contrôlés par la société Ripple ou par des affiliés soumis à des conditions contractuelles immobilisant leurs actifs ne correspondrait approximativement “qu’à” 22 milliards de tokens. Bien loin des 41 milliards de tokens référencés par les index cryptomonétaires.

Le média appelle ainsi ces différents crypto-compteurs à vérifier ses allégations sans tarder, pour reclasser Ripple et le XRP à leur juste place au sein du peloton des capitalisations des crypto-actifs.

N’ayant visiblement pas peur d’appuyer là où ça fait mal, les analystes pointent également du doigt une nuance d’importance : le volume de XRP tradé prendrait place à 95% sur des plateformes de change déjà associées par le passé à des accusations de wash trading (souvenons-nous par exemple de l’étude disponible juste , ou encore du cas BitForex cité dans le rapport de Messari). De là à douter même de la réelle circulation du XRP, il n’y a qu’un pas, et difficile de dire en l’état si Messari ne compte pas le franchir à l’avenir avec une autre étude.

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Les accusations de Messari sont pour le moins étayées, documentées et tentent de mettre la société Ripple face à certaines contradictions potentielles. Pour autant, toujours selon le média, Ripple n’a pas souhaité commenter le contenu du rapport publié.

“Integrity matters.”

A date, le PDG de Ripple n’a ainsi pas officiellement réagi à l’affaire comme cela lui est déjà arrivé lors d’autres accusations portées contre sa société.

Comme d’habitude avec Ripple, affaire à suivre, les soubresauts n’étant peut-être pas terminés.

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Grégory Mohet-Guittard

Je fais des trucs au JDC depuis 2018. En ce moment, souvent en podcast et la tête dans le nuage.