MiCA, MiFID II et PSAN : Des cadres réglementaires aux ambitions complémentaires – Crypto Dossier

Une régulation au croisement de l’innovation et de la sécurité. Face à l’expansion rapide des actifs numériques et à la transformation des marchés financiers, l’Union européenne s’est engagée dans une réforme ambitieuse de son cadre réglementaire.

Les crypto-actifs, souvent perçus comme un moteur d’innovation, posent également des défis de taille : volatilité extrême, absence de garanties pour les investisseurs, et risque accru de fraudes ou de blanchiment d’argent. En parallèle, les instruments financiers traditionnels continuent d’évoluer dans un environnement où la transparence et la protection des investisseurs sont devenues primordiales.

Pour répondre à ces enjeux, plusieurs cadres réglementaires ont été conçus, chacun avec des objectifs spécifiques mais convergeant vers un même but : garantir un fonctionnement stable et sécurisé des marchés tout en soutenant l’innovation.

Parmi ces dispositifs, trois se distinguent par leur importance et leur complémentarité : le règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets Regulation), la directive MiFID II (Markets in Financial Instruments Directive) et le régime français PSAN (Prestataires de Services sur Actifs Numériques).

Cet article vous est proposé en partenariat avec Law4Code.

Qu’est-ce que le règlement MiCA, la directive MiFID et le PSAN ?

MiCA, adopté en 2023, marque une avancée majeure pour harmoniser les règles applicables aux crypto-actifs au sein de l’Union européenne. MiFID II, en vigueur depuis 2018, reste le cadre de référence pour les instruments financiers traditionnels, garantissant une transparence accrue et une protection renforcée des investisseurs. Quant au régime PSAN, créé en France en 2019, il a permis au pays de se positionner comme un précurseur dans la régulation des prestataires de services liés aux actifs numériques.

Cependant, la coexistence de ces régimes soulève des questions complexes. Comment s’articulent-ils ? Quelles sont leurs spécificités respectives ? Et surtout, en quoi leurs approches se différencient-elles pour répondre à des besoins variés ? Cet article propose d’explorer ces dispositifs, leurs objectifs, leurs dates d’application et leurs particularités.

Trois régimes, trois visions stratégiques

La régulation des marchés financiers et numériques en Europe repose sur des cadres réglementaires conçus pour répondre à des besoins spécifiques. Parmi ces cadres, le règlement MiCA, la directive MiFID II et le régime PSAN se distinguent par leurs objectifs, leur champ d’application et leurs méthodologies. Bien qu’ils partagent des ambitions communes, ces régimes poursuivent des finalités adaptées à des segments de marché bien précis. Cette section examine les objectifs stratégiques de chacun pour mieux comprendre leur complémentarité.

MiCA : Harmoniser le marché des actifs numériques

Adopté en 2023 et entré en application en décembre 2024 le règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets Regulation) a été une étape majeure pour l’Union européenne. Avant ce règlement, les crypto-actifs évoluaient dans un cadre juridique morcelé, chaque État membre disposait de ses propres règles. Cette disparité freine non seulement le développement du marché unique, mais crée également des incertitudes pour les investisseurs et les entreprises. MiCA a été conçu pour parfaire cette situation.

La principale aspiration de MiCA est d’établir un cadre harmonisé pour les actifs numériques, cette harmonisation permettrait alors aux entreprises d’opérer dans tous les États membres sous un seul ensemble de règles. Cette harmonisation offre des avantages considérables, notamment en matière de réduction des coûts de conformitéet d’accès à un marché élargi.

Les ambitions clés de MiCA incluent :

  • Préserver les investisseurs : Les émetteurs de tokens doivent publier un livre blanc détaillé contenant des informations sur le fonctionnement, les risques et les droits associés aux actifs numériques. Cette transparence est essentielle pour renforcer la confiance des utilisateurs.
  • Encadrer les stablecoins : MiCA introduit des obligations spécifiques pour les jetons adossés à des actifs, également appelés stablecoins. Ces actifs, en raison de leur potentiel impact systémique, nécessitent une surveillance renforcée. Les émetteurs de stablecoins doivent garantir des réserves suffisantes pour couvrir leurs engagements financiers.
  • Stimuler l’innovation : MiCA vise à créer un environnement propice aux start-ups et aux entreprises technologiques désirant développer de nouveaux produits ou services.
  • Lutter contre les activités illicites : Le règlement s’aligne sur les standards européens en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (AML) et le financement du terrorisme, imposant des obligations strictes aux prestataires de services.

MiCA s’adresse principalement aux actifs numériques qui ne sont pas couverts par d’autres régimes financiers, comme les utility tokens ou les stablecoins. Cependant, il ne s’applique pas aux security tokens, qui relèvent de MiFID II, ni aux NFT, qui sont exclus de son champ pour l’instant.

MiFID II : Encadrer les marchés financiers traditionnels

La directive MiFID II (Markets in Financial Instruments Directive), entrée en vigueur en janvier 2018, a remplacé la directive MiFID I, adoptée en 2007. Son objectif principal est de consolider la transparence et la protection des investisseurs sur les marchés financiers traditionnels. Cette directive a été élaborée après la crise financière de 2008, qui a révélé d’importantes lacunes au sein de la régulation des institutions financières. MiFID II couvre un large éventail d’instruments financiers, notamment :

  • Les actions et obligations.
  • Les produits dérivés, y compris les contrats à terme et les options.
  • Les fonds d’investissement.

Les objectifs stratégiques de MiFID II incluent :

  • Bonifier la transparence des marchés : Les plateformes de négociation sont tenues de publier des données précises sur les prix et les volumes, permettant ainsi aux investisseurs de prendre des décisions dites éclairées.
  • Veiller sur les investisseurs : Les intermédiaires financiers doivent s’assurer que les produits qu’ils proposent sont adaptés au profil de risque de leurs clients. La directive impose également des exigences strictes en matière de gestion des conflits d’intérêts.
  • Consolider la stabilité des marchés : En introduisant des règles pour les transactions à haute fréquence (HFT) et en augmentant les exigences en matière de reporting, MiFID II vise à prévenir les perturbations et les abus de marché.

L’un des apports majeurs de MiFID II est la création de nouvelles catégories de plateformes de négociation, telles que les Organised Trading Facilities (OTF), qui permettent de mieux encadrer les transactions hors bourse.

PSAN : Une régulation française au service des actifs numériques

La France a été l’un des premiers pays européens à connaître une régulation spécifique pour les actifs numériques avec le régime PSAN (Prestataires de Services sur Actifs Numériques), instauré par la loi PACTE en 2019. Supervisé par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), ce régime a pour objectif d’encadrer les prestataires opérant en France tout en garantissant une véritable protection aux utilisateurs.

Les objectifs du PSAN sont :

  • Encadrer les acteurs locaux : Toute entreprise proposant des services liés aux crypto-actifs (échange, conservation, gestion de portefeuilles) doit s’enregistrer auprès de l’AMF. Cet enregistrement est obligatoire depuis 2020.
  • Consolider la transparence : Les prestataires enregistrés doivent respecter des obligations en matière d’information et de communication envers leurs clients.
  • Lutter contre les risques de fraude et de blanchiment : Le PSAN impose des normes strictes en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (AML) et le financement du terrorisme.

Le PSAN, certes limité au territoire français, a permis à la France de se positionner comme un annonciateur dans la régulation des actifs numériques. Cependant, avec l’entrée en vigueur de MiCA, ce régime va coexister pendant une période transitoire de 18 mois pour les PSAN autorisés avant l’entrée en vigueur de MiCA. Ainsi, tout nouveau prestataire qui souhaite proposer des services sur Crypto-Actifs devra se conformer àMiCA.

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Comparaison des objectifs et complémentarités

Bien que MiCA et MiFID II partagent cet objectif commun de protéger les investisseurs et d’assurer la stabilité des marchés, leurs approches diffèrent en fonction de leur champ d’application.

  • MiCA se concentre sur les crypto-actifs et vise à harmoniser les règles dans l’ensemble de l’Union européenne.
  • MiFID II reste centré sur les instruments financiers traditionnels, avec une attention particulière à la transparence et à la gouvernance des marchés.

Il est important de comprendre que ces régimes ne s’excluent pas mutuellement. Ainsi, un prestataire opérant en France devra se conformer au règlement MiCA. Si ses activités impliquent des security tokens ou des services portant sur des instruments financiers, il devra également se conformer à la directive MiFID II.

Temporalité et champ d’application : Des cadres adaptés à des besoins

La coexistence des trois régimes MiCA, MiFID II et PSAN met en évidence l’évolution progressive et bien distincte de la régulation des marchés financiers et numériques. Bien que ces cadres partagent des objectifs communs, leurs temporalités d’application et leurs champs d’application respectifs reflètent des approches stratégiques très diversifiées et adaptées aux dynamiques de leur secteur. Cette section s’intéresse ici aux étapes d’adoption de chaque régime et aux différences dans leurs périmètres.

Les temporalités : Une chronologie révélatrice des priorités réglementaires

La mise en place de ces régimes n’a pas suivi le même calendrier, révélant ainsi les priorités des régulateurs européens et français à des moments clés de l’évolution des marchés.

MiFID II : Une directive née d’une crise

MiFID II est entrée en application en janvier 2018, succédant à MiFID I adoptée en 2007. Cette révision a été largement influencée par la crise financière de 2008, où ont pu se manifester des lacunes dans la surveillance des marchés financiers dits traditionnels. La directive MiFID II avait pour objectif de corriger ces failles en insérant des règles plus exigeantes sur la transparence, la gestion des risques et la protection des investisseurs.

Cette directive a aussi affermi les exigences de reporting pour les plateformes de négociation et mis en place des mesures pour réguler les transactions à haute fréquence (HFT). Elle s’est donc concentrée sur les instruments financiers traditionnels, sans inclure les actifs numériques qui, à l’époque, étaient encore marginaux dans l’écosystème financier.

PSAN : Une initiative française avant-gardiste

En 2019, bien avant que l’Union européenne n’adopte le règlement MiCA, la France a mis en place le régime PSAN par l’entremise de la loi PACTE. Ce régime, supervisé par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), a introduit une obligation d’enregistrement pour les prestataires de services sur actifs numériques opérant en France. L’objectif était alors d’offrir une sécurité accrue aux utilisateurs tout en posant les bases d’un cadre réglementaire pour un secteur en pleine expansion.

Depuis décembre 2020, cet enregistrement est désormais obligatoire, imposant aux entreprises des normes strictes en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (AML) et de transparence.

MiCA : L’harmonisation européenne des actifs numériques

Adopté en 2023, le règlement MiCA marque une étape déterminante dans la régulation des crypto-actifs à l’échelle de l’Union européenne. Les émetteurs de tokens et les prestataires de services devront se conformer à des exigences spécifiques selon le type de leur activité, avec des échéances personnalisées, notamment pour les stablecoins et les utility tokens.

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Champs d’application : Une répartition sectorielle et géographique

La portée des trois régimes révèle leur spécialisation sectorielle et leur couverture géographique.

MiFID II : Une application ciblée sur les instruments financiers classiques

MiFID II s’applique exclusivement aux instruments financiers traditionnels, tels que :

  • Les actions et obligations.
  • Les produits dérivés.
  • Les fonds d’investissement.

Son champ d’application est également limité aux acteurs opérants sur les marchés financiers réglementés, tels que les banques, les courtiers et les gestionnaires d’actifs.

Les crypto-actifs ne relèvent de MiFID II que lorsqu’ils sont assimilés à des instruments financiers, comme c’est le cas pour certains security tokens.

PSAN : Un cadre national pour les prestataires locaux

Le régime PSAN, quant à lui, est limité au territoire français. Il s’adresse principalement aux prestataires de services sur actifs numériques, tels que :

  • Les plateformes d’échange.
  • Les services de conservation d’actifs numériques.
  • Les gestionnaires de portefeuilles de crypto-actifs.

À la différence de MiFID II, PSAN ne couvre pas directement les émetteurs de tokens ni les security tokens, à moins que ces derniers ne soient considérés comme des instruments financiers. Cette spécificité révèle une certaine approche pragmatique de la France, décidant de prioriser la régulation des acteurs fournissant des services aux utilisateurs finaux.

MiCA : Une harmonisation large pour les cryptoactifs

MiCA couvre une gamme étendue d’actifs numériques, notamment :

  • Les utility tokens, qui offrent un accès à un produit ou un service.
  • Les stablecoins, qui sont adossés à des actifs ou à une monnaie fiduciaire.
  • Les e-money tokens, une sous-catégorie de stablecoins.

En revanche, MiCA exclut explicitement les NFT (tokens non fongibles) et les crypto-actifs qui sont déjà régulés par d’autres cadres, tels que MiFID II pour les security tokens. Son champ d’application est dit « pan-européen », permettant aux entreprises de bénéficier d’un passeport unique pour opérer dans tous les États membres.

Différences fondamentales et complémentarités

Les distinctions entre ces trois régimes reposent sur plusieurs critères : la portée géographique, le champ d’application et les obligations qu’ils imposent.

Portée géographique : Régulation nationale vs européenne

  • MiFID II et MiCA s’appliquent à l’échelle de l’Union européenne, garantissant une harmonisation des règles.
  • PSAN, en revanche, est limité à la France, ce qui en fait un régime adapté aux besoins spécifiques du marché français mais ne concerne désormais que les sociétés régulées bénéficiant de la période transitoire.

Champ d’application : Des cibles spécifiques

  • MiFID II se concentre sur les instruments financiers traditionnels et les institutions qui y opèrent.
  • MiCA s’adresse principalement aux crypto-actifs et aux prestataires qui ne relèvent pas de MiFID II.
  • PSAN cible uniquement les prestataires de services sur actifs numériques opérant en France.

Obligations réglementaires : Des niveaux de conformité variés

  • MiFID II impose des exigences élevées en matière de gouvernance, de reporting et de transparence pour les acteurs des marchés financiers.
  • MiCA introduit des obligations similaires pour les émetteurs de crypto-actifs et les prestataires, notamment la publication d’un livre blanc pour les tokens.
  • PSAN met l’accent sur l’enregistrement auprès de l’AMF et le respect des normes AML.

    LawForCode

    LawForCode est une alliance d'avocats, fiscalistes et d'experts-comptables qui accompagne les entrepreneurs Web3, cofondée par Maître Arnaud Touati associé cabinet Hashtag Avocats, Maître Axel Sabban associé Revo Avocats et Claryss Lefort Expert-Comptable et fondatrice de Build.