Le Dr Roubini fusille la cryptosphère devant le Sénat américain
Le Nostradamus financier nous revient en pleine forme. – Le 11 octobre, le Sénat américain s’est animé lors d’une audition un peu particulière : celle du Dr Nouriel Roubini. Le Dr Roubini est bien connu pour ses prédictions d’apocalypse financière généralisée, certaines s’étant partiellement vérifiées lorsque la crise financière mondiale de 2008 a éclaté. Pour autant, on oublie souvent que d’autres de ses prédictions ont connu un avenir moins heureux.
Revoilà donc le bien surnommé “Dr Doom” sur le devant de la scène, pour une performance à rendre vert de jalousie le Loup de Wall Street et ses envolées lyriques concernant Bitcoin.
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La crypto-apocalypse
Débutant son intervention (disponible ici) dans la joie et la bonne humeur, le Dr Roubini commence par nous expliquer que le Bitcoin et toutes les autres cryptomonnaies sont les mères de toutes les bulles. Pour lui, la cryptosphère est un vaste carnaval d’arnaqueurs, de criminels, de charlatans et de manipulateurs qui profitent de l’effet FOMO pour déverser des hectolitres de crypto-actifs merdiques sur des investisseurs illettrés.
Il se montre ensuite assez ennuyé, et l’on peut le comprendre, par la hype blockchain qui voudrait que tous les problèmes du monde seraient réglés par la blockchain, une émission de tokens, ou un supposé ICO révolutionnaire.
D’ailleurs, la rouste monumentale que subit depuis le début de l’année le cryptomarché lui fait se dire que cette vaste plaisanterie sera bientôt terminée.
La crypto n’est pas de la monnaie
D’un naturel d’un naturel bout-en-train, le Dr Roubini poursuit en détaillant le classique triptyque des fonctions qu’une monnaie est censée remplir. La surprise est grande de découvrir que la crypto ne remplirait aucune de ces fonctions, selon lui.
S’appuyant sur des éléments rationnels et solides, comme à l’habitude, il détaille ainsi que personne ne pourrait utiliser Bitcoin comme monnaie transactionnelle, puisqu’il en coûterait pour 55$ de seuls frais pour acheter un café à 2$.
Bien évidemment, il en profite pour nous prévenir que la seule réelle utilisation du Bitcoin est rattachée à des activités illégales : le blanchiment d’argent, la drogue et l’évasion fiscale ont en effet, comme chacun le sait, attendu bien patiemment que Satoshi Nakamoto invente le Bitcoin pour naître et croître. Diable de Satoshi !
Quelques remarques audibles peuvent cependant à l’occasion surgir dans ce discours colérique : un monde tokénisé, où chaque service reposerait sur sa propre monnaie propriétaire, serait un retour au temps incertain du troc. Situation qu’il qualifie élégamment de “complètement idiote”.
Les banques centrales sont nos amies pour la vie
S’ensuit une litanie où le Dr Roubini défouraille à qui mieux mieux, tantôt contre le raisonnement foncièrement fallacieux selon lequel l’inflation serait hors contrôle, tantôt contre les stablecoins comme l’USDT qui ne serait même pas partiellement collatéralisé, et enfin contre le Bitcoin qui est vicié dès l’origine puisque déflationniste.
Pour Roubini, un système financier qui reposerait sur une telle monnaie ne pourrait que s’effondrer dans le sang et les larmes d’un nouveau désastre financier.
Faites confiance à l’expert.
Il défend bec et ongles l’utilité des banques centrales, comme autant de garantes de la stabilité financière permise par les seules monnaies fiduciaires. Et bien évidemment, quand crise il y a, si crise il y a, il vous prie de croire que c’eût été pire sans.
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La crypto n’est pas décentralisée
Toujours en bonne forme après ces points introductifs pour le moins vigoureux, le Dr Roubini adresse ensuite un tacle deux pieds décollés aux multiples protocoles de consensus, existants et à venir. Le PoW est bon à jeter, car c’est une catastrophe écologique sensible aux attaques de 51% ; mais le PoS aussi, puisqu’il ne permet que la formation de cartels ploutocratiques (sur ce point, disons qu’il a le mérite d’ouvrir la discussion).
En définitive, pour lui, la crypto ne permet aucunement une quelconque décentralisation. Au plan géographique, il cite une étude à fin de montrer que la Chine pourrait tout à fait porter un coup d’arrêt sévère au Bitcoin si elle le souhaitait. Au contraire, la cryptosphère se complairait dans le remplacement d’un système monétaire centralisé, mais réparti, par un cryptosystème oligopolistique obscur.
La crypto n’est pas “comme l’Internet”
Visiblement agacé de s’entendre dire que la blockchain ou que la cryptomonnaie serait des innovations de l’ampleur d’Internet (et il n’y a pas que d’obscurs HODLeurs pour le dire), il cherche à démonter cet argument.
L’Internet ayant commencé à s’étendre de façon exponentielle de façon relativement rapide, et n’observant pas le même élan cryptomonétaire, il juge que l’adoption actuelle est quasi nulle et qu’elle ne décollera jamais.
Ne voyant aucune killer app, jugeant le système trop complexe et non sécurisé contre la fraude et le vol, il se montre pour le moins sévère.
Les ICO en prennent aussi pour leur grade, n’étant qu’une façon de contourner les lois sur les émissions d’actions, à l’aide de vulgaires white papers fumeux qui ne mèneraient jamais à la production de produits réels au final.
Quand crypto rime avec manipulation
S’appuyant sur nombre d’études récentes (que nous avions traité pour rappel par exemple ici, là ou encore par ici), le Dr Roubini hurle au Sénat qu’il faut agir contre ce monde de la cryptomanipulation, qu’il s’agisse des cas de wash trading, les pump and dump schemes, et autres magouilles cryptographiques qui rongeraient le milieu de la cryptosphère.
Comme vous vous en doutez, l’USDT ne trouve pas vraiment grâce à ses yeux.
Excel fait mieux que la Blockchain et seule la blockchain privée survivra (peut-être)
La conclusion est grandiose, Roubini expliquant qu’une blockchain ne peut faire mieux qu’un tableur Excel, dans la quasi-totalité des cas. Ne reconnaissant aucune légitimité aux cryptomonnaies, on se doute qu’en conséquence peu de use cases lui semblent encore intéressants : dans l’hypothèse la plus optimiste, les entreprises pourraient éventuellement adopter une partie de blockchain, exclusivement privée, pour gérer leurs divers processus, à l’ancienne, mais sur la blockchain. En soi, Roubini considère que seules les blockchains privées seront utilisées à terme par la société, ce qui ne change pas grand-chose puisque de telles blockchains n’en sont pas vraiment et sont simplement une forme différente de répartition des bases de données.
Le fait que les protocoles de consensus ne soient pas autosuffisants et doivent reposer sur les protocoles classiques de type TCP-IP semble également poser problème à Roubini.
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En conclusion, le Dr “Doom” Roubini nous a gratifié d’une intervention à forte valeur ajoutée, dans ce qu’il sait encore faire de mieux : annoncer tellement de catastrophes différentes que certaines finiront bien par se réaliser. L’avenir nous dira, si cette fois, il était ou non dans le camp des Cassandre.
Sources : Banking.Senate || Images from Shutterstock ; Giphy