Après avoir évoqué le staking, nous allons dans cet article nous focaliser sur le lending : le prêt et l'emprunt en cryptoactifs. La finance décentralisée regroupe toute une gamme de protocoles permettant de mener ces activités sans intermédiaire, en passant par des smart contracts. Nous vous présenterons les différents mécanismes qui les sous-tendent, ainsi que les principales plateformes.

Qu’est-ce que le lending ? Quels rendements peut-on espérer ? Comment contracter un prêt dans la DeFi ? Quels sont les risques associés à ce type d'activité ?
Table des matières
- Le lending et le borrowing (prêt et emprunt) dans la finance
- Les avantages du lending dans la DeFi
- Le fonctionnement général du lending dans la DeFi
- Le cas particulier des flash loans (prêts éclairs)
- Les rendements et risques du lending dans la DeFi
- Les plateformes de lending dans la DeFi
- Les enjeux et tendances du lending
Le lending et le borrowing (prêt et emprunt) dans la finance
Les termes lending et borrowing proviennent des verbes anglais to lend (prêter) et to borrow (emprunter). Ces services financiers sont vieux comme le monde. Dans la finance traditionnelle, il existe une multitude d'institutions, d’entreprises et d’outils, destinés aux particuliers comme aux investisseurs professionnels.
L'usure et la finance traditionnelle
On ne connaît pas le moment exact où le prêt à intérêt fait son apparition dans l’Histoire, mais les traces écrites remontent à la Mésopotamie (Code de Hammurabi, 1750 av. J.C). Le Deutéronome réglemente les taux usuraires, et le prêt à intérêt se développe sous l’Empire romain.
Toutes les religions ne voient pas l’usure d’un bon œil : ce terme revêt d'ailleurs une connotation péjorative. Il est souvent utilisé pour qualifier les prêts à des taux considérés abusifs. L’islam parle de Riba, et interdit son usage. Dans le Christianisme, l'Évangile de Saint Luc 6:34-35 la condamne.
L’histoire du prêt à intérêt est ainsi jalonnée de limitations et d’interdictions. Il faut attendre le XVème siècle pour qu’il se développe en Europe, sous l’égide des pays calvinistes : Genève, Pays-Bas, Angleterre, Venise, Portugal… Les prêteurs sont des banques et des compagnies de commerce. La distinction entre crédit d’affaires et crédit à la consommation se dessine. En France, le Roi doit donner son accord afin qu’ils puissent être rémunérés.

C’est après la Révolution que le prêt à intérêt devient libre en France. Napoléon fixe les taux légaux de 5 % pour les particuliers et 6 % pour les commerces. Dès le XIXe siècle, les grosses banques, telles que Rothschild ou Récamier, deviennent d’importants bailleurs de fonds. L’Église catholique lève l’interdiction de l’usure en 1830.
Aujourd’hui, n’importe qui peut passer par des institutions financières pour emprunter. En revanche, il est plus compliqué pour un particulier de prêter son argent.
Les limitations des modèles centralisés
Le prêt de pair à pair est fermement régulé par le Code monétaire et Financier. Les plateformes qui se lancent dans cette activité doivent être agréées par les autorités financières (l'AMF en France, Bafin en Allemagne, etc.).
Il existe des plafonds tant pour les emprunteurs que pour les prêteurs dans la cadre du prêt de pair à pair, notamment dans le cadre du financement participatif (crowdfunding). Par exemple, un particulier qui prête avec intérêt ne devra pas dépasser 2 000 euros par projet.
Les plateformes de prêt pair à pair régulées sont également tenues à des obligations de transparence. Leur utilisateurs devront s’identifier (processus de connaissance client ou KYC) et sont soumis à des obligations fiscales.
L’activité de prêt en tant que particulier est donc très limitée. En revanche, dans le cadre de la finance décentralisée, il n’y a plus de limites !
Les avantages du lending dans la DeFi
La première question que l’on peut se poser, c’est « pourquoi diable prêterais-je mes cryptomonnaies ? ».
Le lending présente de nombreux avantages. Tout d’abord, les intérêts générés par cette activité en DeFi sont généralement supérieurs à ceux que confèrent la finance traditionnelle. Il y a plusieurs raisons à cela : la disparition des intermédiaires, plus de souplesse pour fixer les taux, et le risque accru.
La désintermédiation est la raison d’être de la finance décentralisée. Les institutions financières sont remplacées par des smart contracts, ce qui élimine les frictions et les coûts (salaires, taxes, frais opérationnels divers, etc.). Le risque technologique est cependant plus important, et nous aborderons cet aspect plus bas dans cet article. Quant aux taux d'intérêt, ils peuvent être déterminés par des conditions économiques, ou par la gouvernance des protocoles.

Une activité accessible
Avec la DeFi, les activités de prêt et d’emprunt sont accessibles à tous, même à une personne ne possédant pas de compte bancaire. Il suffit d’avoir accès à Internet et de posséder un portefeuille crypto. De plus, il n’y a ni seuil ni plafond à la quantité de fonds pouvant être déposés sur une plateforme de lending DeFi. On peut prêter quelques dizaines d’euros ou des millions de la même façon, en quelques clics.
Des revenu passifs
Le lending permet de générer des revenus passifs grâce à ses cryptomonnaies. Une fois le bon protocole DeFi choisi, l’utilisateur dépose ses fonds, et tout est automatisé. Il existe même des protocoles permettant de composer les intérêts générés, que nous présenterons. C’est une activité rémunératrice qui consomme beaucoup moins de temps que le trading.
De plus, nul besoin d’avoir des connaissances en analyse technique ! Bien évidemment, il est recommandé de comprendre le fonctionnement des protocoles utilisés, ce qui est le but de cet article.
La possibilité de générer des intérêts sur ses cryptomonnaies est également un très bon moyen de réduire la volatilité des marchés pour l'investisseur au long terme. En période baissière, le prêteur sera moins affecté que l’utilisateur crypto qui laisse ses cryptos « dormir » dans son wallet.
Le fonctionnement général du lending dans la DeFi
Les protocoles de lending reposent sur un agencement de différents smart contracts. Le principe général est simple, il y a deux types d'acteurs et deux types de fonds.
Le collatéral
Le collatéral est un actif que l'emprunteur met en garantie lorsqu'il contracte un prêt. Cela permet de sécuriser le prêt : en cas de défaut de paiement, l’actif mis en collatéral est automatiquement saisi (liquidé) pour rembourser les prêteurs. Le collatéral est donc composé d’une ou plusieurs cryptomonnaies, par exemple de l'ETH, du BTC ou des stablecoins. Dans le cas d'une liquidation du collatéral, les modalités sont fixées par le protocole utilisé.
Les réserves de liquidités
Les réserves (pools) de liquidité sont des smart contracts dont le solde est composé des actifs des prêteurs mis en commun. Chaque pool est composé du ou des mêmes actifs. La mise en commun des fonds permet aux emprunteurs de bénéficier de leur importante quantité et liquidité, contrairement à un prêt entre pairs classique.
La valeur totale des fonds présents dans les pools d'un protocole est appelée Total Value Locked (TVL).

Le processus de lending
Sans entrer dans les détails techniques, quel est le fonctionnement basique d’une plateforme de prêt en finance décentralisée ?
Du côté du prêteur (lender)
- Dépôt des liquidités : les utilisateurs qui souhaitent prêter des cryptomonnaies doivent tout d’abord déposer leurs fonds sur la plateforme. Pour se faire, il vont connecter leur wallet à la plateforme et envoyer les fonds dans un smart contract ;
- Les fonds sont verrouillés au sein du pool de liquidité (liquidity pool). Puisque les actifs de tous les prêteurs sont mis en commun, on peut récupérer ses fonds à tout moment, sauf dans le cas extrême où tous les actifs sont prêtés ;
- Une fois le dépôt effectué, le prêteur reçoit en échange des jetons qui représentent sa part du pool (liquidity provider tokens ou LP tokens, jetons de fournisseur de liquidité). Cela permet de garder la trace de son dépôt ;
- Pendant toute la durée du prêt, la valeur des jetons représentant ses parts augmente avec les intérêts. Le calcul des intérêts est propre à chaque plateforme ;
- Lorsqu’il souhaite collecter ses fonds, agrémentés des intérêts générés, il devra échanger ses jetons LP contre l’actif prêté.
Afin d’attirer des prêteurs, les plateformes proposent divers systèmes d’incitation économique en plus des intérêts. Il s'agit généralement de jetons de gouvernance, qui permettent de prendre part aux décisions relatives au développement du protocole.
Du côté de l’emprunteur (borrower) :
- Dépôt du collatéral : l'emprunteur dépose une cryptomonnaie (comme l'ETH, DAI, ou autre) en tant que collatéral sur la plateforme ;
- Emprunt : en retour, l'emprunteur peut emprunter une quantité proportionnelle d’actifs (cryptos ou stablecoins). Le ratio est inférieur ou égal à la valeur de son collatéral. Par exemple, pour un dépôt de 3 ETH et un ratio de 150 %, l'emprunt sera équivalent à 2/3 de la valeur du collatéral, soit 2 ETH. On parle de sur-collatéralisation : le ratio est généralement fixé en fonction de la volatilité du collatéral, même si ce n’est pas le seul paramètre.
- Remboursement : l'emprunteur doit rembourser le prêt, augmenté des intérêts et des frais de plateforme pour récupérer son collatéral.
- Liquidation (saisie du collatéral) : si l'emprunteur ne rembourse pas son prêt, ou si la valeur du collatéral baisse sous un certain seuil, la plateforme peut vendre une partie (ou la totalité) de son collatéral pour récupérer les fonds prêtés.
Les mécanismes de liquidation
Les plateformes de lending doivent s’assurer que les prêteurs ne peuvent pas perdre d’argent. Si la valeur des fonds empruntés excède la capacité d’emprunt, une partie du collatéral sera payée au prêteur. La vente sera effectuée au prix du marché, auquel on soustrait une pénalité (liquidation discount). Le processus de liquidation continue jusqu’à ce que la valeur du collatéral couvre la capacité d’emprunt.

Exemple :
- Alice dépose 3 ETH en collatéral, pour une valeur unitaire au moment du dépôt de 3 000 dollars, soit un total de 9 000 dollars ;
- Le ratio de collatéralisation est de 150 %. Elle peut donc emprunter l’équivalent de 6 000 dollars d’actifs ;
- Elle emprunte des stablecoins, par exemple de 6 000 USDT ;
- Durant la période d’emprunt, le cours de l’ETH tombe à 2 500 dollars. Son ratio de collatéralisation devient alors 125 %, au-dessous des 150 % requis ;
- Il faut alors liquider l'équivalent de 1 000 dollars pour ramener le ratio à sa valeur normale.
La liquidation est généralement effectuée par un acteur extérieur (liquidateur). Si la valeur du solde emprunté dépasse la capacité d’emprunt, le liquidateur achète une partie du collatéral, à un prix légèrement meilleur que celui du marché. Ce discount de liquidation est une incitation financière à participer au protocole en tant que liquidateur.
Le cas particulier des flash loans (prêts éclairs)
Nous avons désormais passé en revue le fonctionnement général des plateformes de prêt classique. Il nous faut désormais mentionner un mécanisme de prêt plus complexe, appelé flash loan (prêt éclair). Ce type de service financier innovant est apparue avec la plateforme Aave.
Il s’agit d’un type de prêt non-collatéralisé, qui est emprunté puis remboursé au sein du même bloc de transaction. Un flash loan permet donc à l’utilisateur d’emprunter des fonds parmi les réserves de liquidité d’un protocole sans avoir à déposer de collatéral, tant que ces fonds sont restitués (agrémentés d’une commission) au sein de la même transaction.
Le fonctionnement des flash loans
Les opérations financières effectuées avec les fonds issus d'un flash loan doivent être programmées à l'avance par l'emprunteur :
- Initiation : l’emprunteur contracte le prêt auprès de la plateforme de prêt, généralement en puisant dans les réserves de liquidité ;
- Utilisation : l'emprunteur va alors utiliser ce fonds pour exécuter des opérations financières, au sein de la même transaction. Les cas d’usage typiques sont :
- L’arbitrage : il s’agit d’exploiter les différences des prix d’un actif au sein de différents protocoles ;
- Échange de collatéral : l’emprunteur utilise les actifs empruntés pour les échanger contre d’autres, utilisés en collatéral sur un protocole DeFi (collateral swapping) ;
- Refinancement : il utilise les fonds pour rééquilibrer ou optimiser des positions ;
- Liquidation : le prêt est utilisé pour payer une dette, et profiter du bonus de liquidation.
- Remboursement : à la fin de la transaction, l'emprunteur doit restituer le prêt, et s'acquitter des frais associés à son opération. On parle de transaction atomique : toutes les opérations sont réalisées au sein d’un même bloc, en programmant la transaction. Dans le cas où le remboursement n’est pas possible, l’opération est annulée.
Les avantages des flash loans
Les flash loans sont donc des opérations plus complexes à réaliser qu’un simple emprunt moyennant le dépôt de collatéral. Ils présentent plusieurs avantages :
- L’emprunteur n’a pas besoin de verrouiller des fonds en collatéral pour exécuter un flash loan ;
- Ces sont des prêts très rapides, de l’ordre de quelques secondes ;
- Il n’y a théoriquement aucun risque de crédit pour les prêteurs, étant donné que les fonds sont restitués si le remboursement est impossible.
Cependant, les flash loans présentent en réalité plus de risques techniques que les autres méthodes de prêt. Les attaques reposent généralement sur l’exploitation des oracles qui fournissent les données de prix, ou sur des vulnérabilités du code, qui est plus complexe.
Les flash loans sont réservés à des utilisateurs avertis de la DeFi. Il faut être capable de programmer des transactions complexes, ce qui demande donc de maîtriser le langage de programmation des smart contracts utilisés. Ces prêts sont souvent utilisés par des arbitrageurs ou des liquidateurs, et la concurrence est féroce.
Dans l’écosystème Ethereum, les plateformes les plus populaires pour effectuer des flash loans sont Aave et DyDx. Leurs utilisateurs vont alors généralement utiliser ces prêts pour effectuer de l’arbitrage sur d’autres DEX, comme Uniswap ou Balancer.
L’arbitrage
L’arbitrage est l'activité la plus classique que l’on peut mener grâce aux flash loans. À titre d’exemple, voici le déroulé d’une opération typique :
- L’arbitrageur emprunte 100 ETH sur une plateforme de lending comme Aave ;
- La transaction qu’il a programmé va alors utiliser ce prêt pour acheter un actif sur un DEX comme Uniswap ;
- Ensuite, l’actif est revendu sur un autre DEX où il cote plus haut. Il obtient donc une quantité supérieure d’ETH, par exemple 100,4 ETH ;
- Le prêt est ensuite remboursé, agrémenté de la commission (0,09 % sur Aave) ;
- Déduction faite des frais de transaction, il réalise un léger profit.
Bien entendu, cette activité d’arbitrage est plus facile à théoriser qu’à mettre en pratique. Les frais de transactions peuvent être élevés, et les opportunités rares. La mise en concurrence de tous les arbitrageurs rend les marges générées par cette activité faibles, ce sont donc des opérations à répéter fréquemment. Il faut mettre en place des systèmes de surveillance des prix, et automatiser la création des flash loans. C’est l’arbitrage qui permet aux marchés de rester efficients, en équilibrant les prix entre les différents exchanges décentralisés.
Les rendements et risques du lending dans la DeFi
Au-delà du cas spécifique des flash loans abordé ci-dessus, le lending est intéressant à la fois :
- Pour les prêteurs, qui génèrent des intérêts passifs avec leurs fonds déposés ;
- Pour les emprunteurs, qui peuvent obtenir des liquidités supplémentaires pour leur usage personnel grâce à leur collatéral.
Le calcul des taux d’intérêt varie d’une plateforme à l’autre, il y a plusieurs modèles. On calcule généralement le rendement de façon annuelle : on parle d’APY (Annual Percentage Yield).
Les taux d’intérêt variables
Les taux d’intérêt varient en fonction de l’offre et de la demande de l’actif emprunté. Si une grande quantité est disponible, ils seront faibles. Si l’actif se raréfie, les taux d’intérêts augmentent. Ces taux sont ensuite ajustés en fonction de paramètres arbitraires, généralement décidés via la gouvernance du protocole.
Par exemple, prenons le cas de la célèbre plateforme Compound.
Tout d’abord, pour chaque marché, on calcule un ratio d’utilisation U, qui unifie l’offre et la demande en une seule variable :
U = Quantité de fonds empruntés / (Fonds restants + Fonds empruntés)
Taux d’intérêt = 2,5 % + U * 20 %
Les taux d’intérêts sont appliqués de manière uniforme pour tous les emprunteurs. Ils varient avec le temps au fur et à mesure que la relation entre l’offre et la demande change. Ces variations sont capturées au sein d’un index, qui permet donc de visualiser l’évolution des taux.
Les taux d’intérêt fixes
Certaines plateformes DeFi permettent d’emprunter des actifs crypto à des taux d’intérêts fixes, selon certaines modalités. C’est le cas, par exemple, d’Aave. Dans ce cas, le système utilisé pour garder les taux stables est un peu plus complexe que les modèles variables classiques. Les taux d’intérêts stables sont difficiles à implémenter, car selon la théorie économique, ils sont censés dépendre des conditions de marché.
Les taux stables sont donc réservés aux emprunts à durée fixe, lorsqu’il y a suffisamment de liquidité disponible. L’idée du mécanisme est la suivante :
- Premièrement, un oracle calcule la moyenne des taux d’intérêts sur plusieurs plateformes (centralisées et décentralisées). Cette valeur est actualisée quotidiennement ;
- Deuxièmement, le protocole définit un taux d’utilisation optimal pour le pool de liquidité. Il faut suffisamment de fonds disponibles pour les emprunteurs, et suffisamment de dettes pour les prêteurs ;
- Troisièmement, le taux d’intérêt est rééquilibré quotidiennement en fonction de ces paramètres.
Les taux d’intérêts vont donc varier durant la durée de l’emprunt, mais seront régulièrement rééquilibrés. Ainsi, l’emprunteur sera assuré qu’ils resteront stables pour la période choisie. Cependant, afin d’éviter certaines attaques, il devra respecter certaines contraintes. La quantité de fonds qu’il peut emprunter est plafonnée, et son ratio de collatéralisation sera limité.
Les risques du lending
Le lending présente bien entendu des risques, à la fois pour les prêteurs et les emprunteurs. Il y en a deux types.
Tout d’abord, le risque technique, aussi appelé « risque de plateforme ». Il s’agit tout simplement du cas où le protocole de lending présente des failles. Les hackers passent leurs journées à scruter les smart contracts de la finance décentralisée afin de trouver des erreurs de code à exploiter. Il y a différents types d’attaques, et de nombreux protocoles se sont fait pirater par le passé. Heureusement, pour la plupart des plateformes de lending DeFi bien établies et réputées, des solutions de remboursement ont pu être trouvées.
Cependant, les plateformes de moindre importance, ou les protocoles nouveaux et peu éprouvés présentent un risque plus important. De même, on a vu par le passé des équipes de développement voler purement et simplement les fonds des utilisateurs.
Le second type de risque, qui ne concerne que les emprunteurs, est le risque de liquidation. Le cours des cryptomonnaies est volatil. La valeur du collatéral déposé le sera donc également. En cas de retournement brutal du prix d’un actif, si l’emprunteur se retrouve sous-collatéralisé, il sera liquidé.
On ne mentionne pas ici les risques associés aux opérations financières qu’il réalise avec les fonds empruntés. Ses activités financières sont de sa responsabilité : l’un des avantages du lending en DeFi est qu’aucune autorité, ou entité quelconque, ne va lui demander ce qu’il compte faire des fonds.
Les plateformes de lending dans la DeFi
Nous allons maintenant passer en revue les protocoles de lending DeFi les plus populaires. Mais avant tout, mentionnons qu’il existe des plateformes de lending DeFi… Centralisées. Cela peut paraître contre-intuitif, donc voici quelques explications.
Les plateformes centralisées
Les plateformes de lending DeFi centralisées agissent comme un intermédiaire entre l’utilisateur et les protocoles de finance décentralisée. Elles sont adaptées aux profils peu techniques, ou qui n’ont pas le temps d’effectuer leurs recherches et leurs opérations crypto eux-mêmes.
En effet, la DeFi reste un univers complexe, où les erreurs sont fréquentes. Certains utilisateurs préfèrent donc prêter leurs fonds crypto « sans prise de tête » : nul besoin d’utiliser des protocoles complexes, des bridges, d’installer tel ou tel wallet, de calculer ses frais de gas, etc. Il suffit de transférer ses fonds sur une plateforme centralisée, qui se chargera de les placer dans divers protocoles choisis avec soin, selon des stratégies bien étudiées.
Les inconvénients
Bien entendu, nous citons ici le cas idéal. Dans la réalité, ces plateformes présentent un risque plus important que l’utilisation directe d’un protocole éprouvé. Au-delà des erreurs de stratégie financière, on a déjà vu des équipes effectuer des opérations très risquées, ou tout simplement partir avec la caisse !
Il s’agit du fameux « not your keys, not your coins » : dans les solutions centralisées, l’utilisateur ne possède pas les clés privées de ses cryptos. On parle de plateforme de garde ou « custodial platform ».
Les avantages
Toutefois, l’industrie de la DeFi est désormais plus mature, et il existe des acteurs de plus en plus éprouvés. Nous pouvons citer par exemple Crypto.com, Binance ou Nexo. Passer par une plateforme centralisée pour placer ses cryptos dans la DeFi reste une option décente pour les débutants. Les rendements seront légèrement inférieurs que le lending direct (la plateforme prélevant des commissions), mais il y a des avantages :
- Évite les erreurs de manipulation ;
- Économise le temps de recherche et des opérations ;
- Simple et intuitif : il suffit en général de quelques clics de souris pour prêter ses cryptos.
Dans le cas des plateformes centralisées qui offrent des options de lending DeFi, le principe est finalement le même que dans le cas des banques traditionnelles.
Les protocoles décentralisés
Les protocoles et plateformes de lending décentralisées respectent l’essence de la DeFi :
- Elles sont non-custodial (l’utilisateur assure lui-même la garde de ses clés privées) ;
- Elles sont déployées sur une blockchain telle qu’Ethereum et sont résistantes à la censure ;
- Il n’y a aucun intermédiaire entre les utilisateurs, tous les mécanismes financiers sont automatisés et gérés par des smart contracts ;
- Leurs utilisateurs ont des droits de gouvernance grâce à un jeton dédié.
Les smart contracts étant publics, ces protocoles sont parfaitement transparents. Cependant, il faut avoir de solides connaissances en programmation pour comprendre les mécanismes qui les sous-tendent. Elles peuvent donc s’avérer complexes à appréhender pour le débutant.
Il faut également noter qu’il y peu ou pas de régulation (au sens juridique) encadrant ces plateformes. L’utilisateur va donc les utiliser à ses risques et périls. Ainsi, le choix d’une plateforme de lending fiable est crucial. Heureusement, le Journal du Coin est là pour vous aider ! Nous vous présenterons les plateformes les plus populaires et leur fonctionnement la suite de cet article.
Les protocoles les plus populaires
Nous allons désormais vous présenter les trois plateformes de lending les plus populaires sur le réseau Ethereum. Elles ont été sélectionnées car ce sont les plus utilisées, mais elles sont aussi très représentatives des possibilités offertes par la finance décentralisée : de nombreux protocoles se sont inspirés de ces leaders.
Aave
Aave est le deuxième protocole DeFi en termes d’actifs sous gestion, et la première plateforme de lending. C'est un protocole de liquidité, un système décentralisé qui facilite le transfert d’actifs entre ses utilisateurs. Il permet d’effectuer des échanges de jetons classiques (swaps), du staking, mais surtout les activités de prêt et d’emprunt. Les fonds déposés dans ses pools représentent en 2025 plus de 22 milliards de dollars. Les APY d’Aave sont intéressants, allant jusqu’à 7 % pour le stablecoin USDC.
Aave propose de nombreux marchés, allant des cryptomonnaies classiques comme l’ETH, le BTC aux stablecoins de type USDT ou USDC. La plateforme fournit également son propre stablecoin, le GHO. Il est multi-collatéralisé, c’est-à-dire que plusieurs actifs sont utilisés pour maintenir son cours à parité avec le dollar. Au-delà d’Ethereum, Aave est accessible sur de nombreux réseaux blockchain, comme Avalanche, la BNB Chain et de nombreuses couches secondaires d’Ethereum.
La plateforme dispose d’un jeton de gouvernance éponyme (AAVE) qui permet à ses détenteurs de faire des propositions sur l’évolution et les paramètres du protocole. La communauté des holders peut ainsi voter proportionnellement à la quantité de jetons détenus. Le modèle de gouvernance est particulièrement bien décentralisé. Seule une petite équipe de développeurs élus par la communauté peuvent modifier le protocole en urgence si besoin est.

Compound
Compound est considéré comme le premier protocole de lending abouti de l’histoire de la DeFi. Conceptualisé en 2018, son fonctionnement est simple et très sûr. Il est utilisé par plusieurs acteurs de renom de l’industrie crypto comme Coinbase Custody, Bitgo ou Ledger.
Le nombre de marchés est limité : on trouve de l’ETH, son dérivé sur Lido wstETH, et des stablecoins (USDC, USDT, USDS, USDe, AERO). Les rendements sont attractifs, de l’ordre de 7 % pour l'USDT de Tether. Au-delà d’Ethereum, Compound Finance est disponible sur les Layers 2 Optimism, Polygon, Mantle, Base, Arbitrum et Scroll.
Son jeton de gouvernance, le COMP, repose sur un modèle simple et efficace : proposition, vote, exécution sous en 3 jours. Les détenteurs d’au moins 1 % des COMP en circulation peuvent ainsi modifier différents paramètres-clés du protocole, comme les taux d’intérêts ou les facteurs de collatéralisation.

Compound est un protocole extrêmement sécurisé ayant passé avec succès l’épreuve du temps. Ses smart contracts sont audités par des poids lourds, comme Open Zeppelin, Trail of Bits ou Certora. L’équipe de développement offre des récompenses à tout programmeur capable de déceler un bug (bug bounties). En bref, il s’agit certainement du protocole de lending le plus sûr de la finance décentralisée.
MakerDAO (Sky)
MakerDAO, renommé récemment Sky, est le protocole générant le stablecoin algorithmique décentralisé DAI. Son créateur, dont nous abordons l’histoire dans un article cette Encyclopédie est un pionnier de la gouvernance décentralisée. Le DAI est largement adopté dans l’industrie crypto, par plus de 400 applications et services, allant des wallets aux jeux vidéo.
En 2024, lors du rebranding de MakerDAO en Sky Ecosystem, l’équipe de développement a lancé plusieurs nouveaux produits. Son nouveau stablecoin, l’USDS, vise à conquérir la finance traditionnelle grâce à la possibilité de geler des transferts à la demande des régulateurs.
Le DAI et l’USDS sont des stablecoins multicollatéralisés. Leur parité avec le dollar est donc assurée par le collatéral des prêteurs, grâce à un ingénieux système de smart contracts assurant leur création et leur destruction. Les prêteurs ont à disposition plusieurs interfaces pour interagir avec le protocole, comme Oasis. Les taux d’intérêts peuvent s’avérer très intéressants, avec des APY dépassant les 30 % pour certains actifs.

Les enjeux et tendances du lending
En 2025, le lending dans la finance décentralisée a le vent en poupe. La valeur totale des fonds déposés dans les différents protocoles dédiés dépasse ainsi les 52 milliards de dollars. Depuis l’apparition du protocole Compound en 2019, cette activité connaît une croissance exponentielle, bien que l’année 2023 connut une baisse significative des sommes en jeu. Le lending s'impose désormais comme l'activité DeFi captant le plus de fonds après le liquid staking.
Les enjeux principaux du lending en DeFi concernent l’adoption et la régulation. En termes d’accessibilité, les protocoles restent réservés à des utilisateurs crypto avertis. Cela nécessite :
- Une bonne maîtrise des portefeuilles crypto comme MetaMask ou Solana ;
- De bonnes capacités de calcul, afin d’évaluer le plus précisément possible les rendements escomptés ;
- La connaissance des protocoles et des mécanismes financiers qui les sous-tendent.

Le lending en finance décentralisée devient alors une activité rémunératrice et peu consommatrice de temps. Les gros portefeuilles peuvent ainsi bénéficier de revenus passifs sur leurs cryptos, et les utilisateurs les plus hardis peuvent générer d’importants bénéfices s’ils prennent plus de risques, comme en plaçant des actifs peu capitalisés sur des plateformes de moindre importance, générant parfois des rendements à 3 chiffres. Du côté des emprunteurs, il existe de nombreuses stratégies pour générer des revenus grâce aux fonds issus des réserves de liquidité.
Le lending est pour l’instant peu régulé, et les plateformes de finance décentralisée ne demandent aucun processus de connaissance client. Différentes juridictions pourraient donc être tentées d’agir à l’avenir, bien que le moyen d’action des régulateurs soit très limité. En France, les revenus générés par l’activité de lending sont imposables, tout comme ceux issus du staking de cryptoactifs.
Maintenant que vous maîtrisez parfaitement la notion de lending, partons découvrir un autre élément essentiel de la finance décentralisée : les plateformes d'échange décentralisées (DEX).
